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08/10/2009 | FRANCE | N°08-17141

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 08 octobre 2009, 08-17141


Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles L. 431 2 et L. 452 1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que les droits de la victime d'un accident du travail ou de ses ayants droit se prescrivent par deux ans à dater du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ; que toutefois, en cas d'accident susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitué

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Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu les articles L. 431 2 et L. 452 1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que les droits de la victime d'un accident du travail ou de ses ayants droit se prescrivent par deux ans à dater du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ; que toutefois, en cas d'accident susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la prescription de deux ans opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire visée aux articles L. 452 1 et suivants est interrompue par l'exercice de l'action pénale pour les mêmes faits ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Amadou X... a été victime le 14 août 1998 d'un accident mortel provoqué par l'effondrement d'une dalle de béton alors qu'il travaillait pour le compte de Domingo Y..., également décédé dans l'accident, lui même au service de la société Capron ; qu'après ouverture d'une information pénale, cette dernière société et son représentant légal, M. A... ont été condamnés pénalement par un jugement du 21 décembre 2001 définitif ; que Mme Z..., veuve X..., agissant tant en son nom personnel qu'au nom de sa fille mineur Salamata X..., a saisi le 23 mai 2002 la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (la caisse) d'une demande d'indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de l'employeur de son époux, la société Capron ;
Attendu que pour juger irrecevable l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur engagée en son nom personnel par Mme Z..., l'arrêt retient que l'action exercée par celle ci en vue d'obtenir de la caisse la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident mortel dont son époux a été victime est prescrite faute de déclaration dans les deux ans de l'accident et que la demande d'indemnisation complémentaire formée sur le fondement de l'article L. 452 1 du code de la sécurité sociale ne peut être prise en compte dès lors que l'accident de Amadou X... n'a pas été préalablement pris en charge par la caisse au titre des accidents du travail ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que si elle ne peut être retenue que pour autant que l'accident survenu à la victime revêt le caractère d'un accident du travail, la reconnaissance de la faute inexcusable n'implique pas que l'accident ait été pris en charge comme tel par l'organisme social, et alors qu'il résultait de ses constatations que Mme Z... avait saisi la caisse d'une demande tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur moins de deux ans après le jugement correctionnel du 21 décembre 2001, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande d'indemnisation de Mme Z... veuve X... formulée pour elle même sur le fondement de la faute inexcusable de l'employeur, l'arrêt rendu le 20 décembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne la société Capron aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société Capron à payer à la SCP Bouzidi Bouhanna la somme de 1 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

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Moyen produit par la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat aux Conseils, pour Mme Z...

LE POURVOI REPROCHE A L'ARRET ATTAQUE D'AVOIR confirmé le jugement ayant dit prescrite l'action exercée en son nom personnel par l'exposante en vue d'obtenir de la CPAM de Paris la prise en charge de l'accident mortel dont son époux a été victime le 14 août 1998 au titre de la législation professionnelle et d'avoir déclaré la demande d'indemnisation présentée par l'exposante personnellement sur le fondement de la faute inexcusable de l'employeur irrecevable ;
AUX MOTIFS QUE par des motifs exacts et pertinents que la Cour adopte, les premiers juges ont statué ainsi qu'il a été dit ; qu'en effet la Cour ne peut que constater à son tour que « l'action pénale qui a été engagée à la requête du ministère public contre la SA ENTREPRISE CAPRON et Monsieur A... » n'était « susceptible d'interrompre que la prescription opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire ainsi que le prévoit expressément l'article L 431-2, alinéa 5 du Code de la sécurité sociale » que « l'éventuel doute sur l'identité de l'employeur ne faisait pas obstacle à ce que l'ayant droit de Monsieur X... avertisse la CPAM de Paris, Caisse territorialement compétente, de ce que l'accident dont s'agit s'était produit au temps et au lieu d'un travail exécuté dans un lien de subordination » ; qu'enfin « la carence de l'employeur » dans la déclaration de l'accident du travail n'était « pas opposable à la Caisse primaire », l'article L 441-2 autorisant de manière explicite « la victime ou ses représentants à palier la défaillance de l'employeur en effectuant eux mêmes la déclaration qui s'impose, dans le délai de deux ans » ; qu'en tant que de besoin, la Cour ajoutera qu'exception faite de l'alinéa de l'article L 431-2 du Code de la sécurité sociale, relatif à la prescription de deux ans opposable uniquement aux demandes d'indemnisation complémentaire visée aux articles L 452-1 et suivants du même Code, et pour laquelle la loi n° 2001-1246 du 21 décembre 2001 prévoit expressément son interruption par l'exercice d'une action pénale engagée pour les mêmes faits, la prescription visée aux trois alinéas précédents de ce même article est soumise aux règles de droit commun ; que les causes d'interruption ou de suspension du cours de la prescription sont prévues aux articles 2242 et suivants du Code civil ; que si l'article 2244 prévoit limitativement qu'une « citation en justice m ^ me en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir », il n'en reste pas moins que l'action pénale engagée en l'espèce à l'encontre de la SA CAPRON pour violation de l'article 2, alinéa 2 et 3 du décret du 8 janvier 1965, et ayant eu comme tel un objet totalement différent de celle tendant à la prise en charge de l'accident par la CPAM, n'était pas de nature à interrompre le cours de la prescription de deux ans attachée aux droits aux prestations et indemnités de la victime d'un accident du travail ou de ses ayants droit ; qu'en outre si la défaillance de l'employeur dans la déclaration de l'accident survenu à son salarié auprès de la CPAM a entraîné un refus de la part de cette dernière de prendre en charge l'accident au titre de la législation sur les accidents du travail en raison de la prescription, l'intéressé ou ses ayants droit peuvent obtenir sur le terrain droit commun réparation du préjudice résultant de la faute commise par l'employeur du fait de son omission de déclarer l'accident dans le délai légal, et ce alors même qu'ils n'ont pas fait usage dans ce même délai de la faculté qui leur est offerte d'effectuer eux-mêmes la déclaration à la Caisse ; que dans ces conditions, la prescription de deux ans était acquise lors de l'envoi de l'imprimé réglementaire de déclaration d'accident du travail de Monsieur X... par Madame Z... veuve X... le 10 février 2004 ; que par ailleurs la demande d'indemnisation prévue à l'article L 451-2 du Code de la sécurité sociale, indemnisation procédant de la reconnaissance préalable de la faute inexcusable commise par l'employeur, est une demande complémentaire qui ne peut être prise en compte que dans la mesure où l'accident a été effectivement et préalablement déclaré et pris en charge par la Caisse au titre de la législation sur les accidents du travail, cette prise en charge ouvrant droit à la victime ou à ses ayants droit au bénéfice des prestations et indemnités prévues par l'article L 431-2 ; qu'en l'espèce, Madame Z..., veuve X..., puisque n'ayant pas procédé à la déclaration de l'accident du travail dans le délai de deux ans qui lui était imparti, est dès lors exclue du bénéfice de ces prestations et indemnités auxquelles elle n'ouvre pas droit ne peut prétendre aux indemnisations complémentaires prévues par l'article L 451-2 du même Code pas plus qu'à la réparation du préjudice moral prévu par l'article L 452-3 ;
ALORS D'UNE PART QUE les droits de la victime d'un accident du travail se prescrivent, conformément aux dispositions de l'article L 431-2 du Code de la sécurité sociale, par deux ans à dater du jour de l'accident du travail ou de la clôture de l'enquête ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ; qu'en cas d'accident susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, la prescription de deux ans opposable aux demandes d'indemnisation visée à l'article L 452-1 et suivants du Code de la sécurité sociale est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits, peu important que la plainte ait été déposée contre inconnu, l'article L 431-2 qui ne distingue pas selon que la plainte avec constitution de partie civile a été dirigée contre inconnu ou contre personne dénommée exclut l'application des règles du droit commun à l'interruption de la prescription lorsque cette interruption résulte de l'action pénale engagée pour des faits susceptibles d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable ; que l'exposante faisait valoir que l'action pénale engagée, par le ministère public contre la société CAPRON et son président directeur général, à la suite de l'accident du travail au cours duquel Monsieur X... a trouvé la mort, a interrompu la prescription ; qu'il résulte du jugement du tribunal correctionnel que l'employeur était poursuivi pour avoir eu recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé, d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié, pour homicide involontaire, blessures involontaires avec incapacité n'excédant pas trois mois dans le cadre du travail, l'exposante s'étant constituée partie civile, le tribunal correctionnel ayant retenu que l'employeur a été condamné pour avoir provoqué la mort de deux travailleurs et occasionné à deux autres victimes une atteinte à leur intégrité physique, que Amadou X... était en réalité salarié de la société CAPRON et de son président Alain A..., que les demandes de dommages et intérêts formées par les ayants droit sont en application de l'article L 451-1 du Code de la sécurité sociale de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale ; qu'en décidant que l'action pénale engagée à l'encontre de la société CAPRON pour violation de l'article 2, alinéas 2 et 3 du décret du 8 janvier 1965 a eu comme telle un objet totalement différent de celle tendant à la prise en charge de l'accident par la CPAM, qu'elle n'était pas de nature à interrompre le cours de la prescription de deux ans attachée aux droits aux prestations et indemnités de la victime d'un accident du travail ou de ses ayants droit, pour en déduire que la prescription est acquise, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;
ALORS D'AUTRE PART QUE l'exposante faisait valoir que tant la demande tendant à obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de la société CAPRON, adressée le 23 mai 2002 par le conseil de Madame X... à la CPAM, que la saisine du 17 octobre 2002 du tribunal des affaires de sécurité sociale ont été faites dans le délai de deux ans à compter de la décision rendue par la juridiction correctionnelle le 21 décembre 2001, qu'elles ont elles-mêmes interrompu la prescription biennale de sorte que la demande en reconnaissance de l'accident du travail adressée le 10 février 2004 sur l'imprimé réglementaire, reçue le 11 février par la CPAM se trouve elle-même dans le délai de deux ans ; qu'en décidant que l'action pénale engagée à l'encontre de la SA CAPRON pour violation de l'article 2, alinéas 2 et 3 du décret du 8 janvier 1965, ayant eu comme telle un objet totalement différent de celle tendant à la prise en charge de l'accident par la CPAM, n'était pas de nature à interrompre le cours de la prescription de deux ans attachée aux droits aux prestations et indemnités de la victime d'un accident du travail ou de ses ayants droits, que la prescription de deux ans était acquise lors de l'envoi de l'imprimé réglementaire de déclaration d'accident du travail de Monsieur X... par Madame Z..., veuve X..., le 10 février 2004, cependant que l'initiative de la victime d'un accident du travail saisissant la Caisse d'une requête tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur équivaut à une citation en justice au sens de l'article 2244 du Code civil, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ensemble l'article 2244 du Code civil ;
ALORS ENFIN QUE l'exposante avait fait valoir que la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale le 17 octobre 2002, dans le délai de deux ans à compter de la décision rendue par la juridiction correctionnelle le 21 décembre 2001 avait interrompu la prescription de sorte que la demande en reconnaissance de l'accident du travail adressée le 10 février 2004 sur l'imprimé réglementaire avait été faite dans le délai de deux ans ; qu'en décidant que la prescription de deux ans était acquise lors de l'envoi de l'imprimé réglementaire de déclaration d'accident de travail de Monsieur X... par Madame Z..., veuve X..., le 10 février 2004, après avoir jugé que l'action pénale engagée à l'encontre de l'employeur pour violation de l'article 2, alinéas 2 et 3 du décret du 8 janvier 1965, avait un objet totalement différent de celle tendant à la prise en charge de l'accident par la CPAM et n'était pas de nature à interrompre le cours de la prescription de deux ans attachée aux droits aux prestations et indemnités de la victime d'un accident du travail ou de ses ayants droit, la Cour d'appel a violé les articles L 431-2 et suivants du Code de la sécurité sociale ensemble les articles 2244 et suivants du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 08-17141
Date de la décision : 08/10/2009
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Procédure - Action des ayants droit - Reconnaissance de la faute inexcusable - Conditions - Prise en charge de l'accident par la caisse au titre des accidents du travail - Défaut - Portée

SECURITE SOCIALE, ACCIDENT DU TRAVAIL - Faute inexcusable de l'employeur - Procédure - Action des ayants droit - Reconnaissance de la faute inexcusable - Prescription - Action pénale - Effet PRESCRIPTION CIVILE - Prescription biennale - Sécurité sociale - Accident du travail - Article L. 431-2 du code de la sécurité sociale - Action pénale - Effet interruptif - Etendue PRESCRIPTION CIVILE - Prescription biennale - Sécurité sociale - Accident du travail - Article L. 431-2 du code de la sécurité sociale - Action pénale - Portée

Si elle ne peut être retenue que pour autant que l'accident survenu à la victime revêt le caractère d'un accident du travail, la reconnaissance de la faute inexcusable prévue à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale n'implique pas que l'accident ait été pris en charge comme tel par l'organisme social. Il résulte, par ailleurs, de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale que la prescription biennale de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits. Viole les dispositions précitées, la cour d'appel qui déclare l'ayant droit de la victime d'un accident mortel du travail irrecevable en son action de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur engagée moins de deux années après le jugement correctionnel qui a pénalement condamné cet employeur pour homicide involontaire, aux motifs que l'action en vue d'obtenir de l'organisme de sécurité sociale la prise en charge de l'accident est prescrite faute de déclaration dans les deux ans de cet accident et que la demande d'indemnisation complémentaire formée sur le fondement de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ne peut être prise en compte dès lors que l'accident n'a pas été préalablement pris en charge par la caisse au titre des accidents du travail


Références :

ARRET du 20 décembre 2007, Cour d'appel de Paris, 20 décembre 2007, 05/00814
articles L. 431-2 et L. 452-1 du code de la sécurité sociale

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 décembre 2007


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 08 oct. 2009, pourvoi n°08-17141, Bull. civ. 2009, II, n° 242
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2009, II, n° 242

Composition du Tribunal
Président : M. Gillet
Avocat général : M. Lautru
Rapporteur ?: Mme Renault-Malignac
Avocat(s) : SCP Bouzidi et Bouhanna, SCP Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2009:08.17141
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