Vu le recours, enregistré le 11 septembre 2007, présenté par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ; le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 06-6227 du 26 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. Azziz X, la décision en date du 26 septembre 2006 par laquelle le directeur du centre de détention de Nantes l'a affecté en régime différencié de détention ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Nantes ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 janvier 2008 :
- le rapport de M. Millet, président ;
- les observations de Me Rousseau, avocat de M. X ;
- et les conclusions de M. Geffray, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X a été incarcéré au centre de détention de Nantes à compter du 31 mars 2005 à l'effet de purger plusieurs peines d'emprisonnement pour vol avec violence, et infraction à la législation sur les stupéfiants ; qu'affecté en détention ordinaire régime portes ouvertes, il s'est rapidement signalé par son laisser-aller vestimentaire, ses incursions fréquentes dans d'autres bâtiments que le sien, et sa propension à retarder systématiquement la fermeture de sa cellule, comportements qui lui ont valu de nombreux rappels à l'ordre des agents en poste aux divers points de circulation, et surveillants d'étage ; que le directeur du centre de détention a décidé le 26 septembre 2006 de placer M. X, pour une durée d'un mois éventuellement renouvelable, en régime différencié, soit dans le secteur de détention fonctionnant portes fermées ; que, par jugement du 26 juillet 2007, le Tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. X, ce placement en régime de détention particulier ; que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE relève appel de ce jugement ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE :
Considérant que le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE fait valoir que la décision attaquée, qui est de courte durée et n'influe pas gravement sur les conditions de détention de M. X, constitue une mesure d'ordre intérieur qui n'est pas susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir ; qu'il ressort néanmoins des pièces du dossier, et notamment du règlement intérieur du centre de détention de Nantes instituant un régime différencié au bâtiment CO de l'établissement, que si les individus détenus dans ce secteur peuvent bénéficier d'une formation professionnelle, demander à ce que leur soit proposé un travail rémunéré, exercer une activité physique et sportive, et effectuer deux promenades quotidiennes de deux heures le matin et d'une heure et demi l'après-midi, ils font cependant l'objet d'une surveillance renforcée ; qu'à la différence des autres détenus ils ne disposent pas des clés de leurs cellule et leurs possibilités de circulation à l'intérieur de l'établissement sont réduites ; que le principe d'isolement individuel les amène à prendre leur repas en cellule ; que la distribution des cantines, des services et des soins s'effectue au sein même de l'unité de vie ; que si M. X a pu poursuivre sa formation et n'a été affecté au secteur de détention fonctionnant portes fermées que pendant la durée d'un mois, eu égard au caractère indéterminé de la durée de ce placement et à l'importance de ses effets sur les conditions de détention, la mesure de placement de M. X en secteur de régime différencié constitue une décision susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que dès lors, la fin de non-recevoir opposée à la demande par le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ne peut qu'être écartée ;
Sur la légalité de la décision de placement en régime différencié :
Considérant qu'aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration : Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 (...) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables : 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ; 2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ; 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai de motif des décisions administratives défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) imposent des sujétions ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la mesure de placement en régime différencié de M. X, qui est, ainsi que l'a jugé à bon droit le Tribunal administratif de Nantes, au nombre des décisions devant être motivées au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, a été prise sans avoir été précédée de la procédure contradictoire telle que définie par les dispositions précitées de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; que s'il fait valoir en appel des considérations générales relatives à la nécessité de maintenir la sécurité, le ministre n'apporte pas d'élément de nature à établir que l'administration se trouvait dans l'un des trois cas d'exceptions énoncés par les dispositions précitées de l'article 24 ; que, dès lors, le GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a annulé la décision du directeur du centre de détention de Nantes du 26 septembre 2006 comme ayant été prise sur une procédure irrégulière ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que l'avocat de M. X, qui a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de faire application des articles L. 761-1 du code de justice administrative, et 37 de la loi du 10 juillet 1991, et de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros à Me Rousseau, avocat de M. X ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à Me Rousseau, avocat, la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative, et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE et à M. Azziz X.
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N° 07NT02832
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