Vu la décision en date du 10 décembre 2007, enregistrée au greffe de la Cour le 10 décembre 2007, par laquelle le Conseil d'Etat a renvoyé devant la Cour administrative d'appel de Nancy, après annulation de son arrêt n° 02NC00367 du 17 octobre 2005, la requête présentée pour M. A...B...et la SARL FEE "FORCES ENERGIES ELECTRIQUES" ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2 avril 2002 sous le n° 02NC00367, complétée par des mémoires enregistrés les 31 mars et 14 novembre 2003 et, sous le n° 07NC01788, les mémoires enregistrés les 20 décembre 2007, 5 et 17 février 2009, présentés pour M. A...B..., demeurant à...), et pour la SARL FEE "FORCES ENERGIES ELECTRIQUES" dont le siège social est à Fléville, par MeC..., puis par Me Le Briero, avocats ;
M. B...et la SARL FEE demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 99692-991498-001624 en date du 22 janvier 2002 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes dirigées respectivement contre :
- la décision du préfet de la Meuse en date du 1er février 1999 les mettant en demeure de rétablir leur microcentrale dans les limites de son droit d'eau et le rejet en date du 14 septembre 1999 de leur recours gracieux ;
- l'arrêté du préfet de la Meuse en date du 7 décembre 1999 suspendant leur contrat avec E.D.F. ;
- les décisions du préfet de la Meuse en date du 17 avril 2000 leur refusant l'autorisation d'exploiter une microcentrale et en date du 16 mai 2000 rejetant leur recours gracieux ;
2°) d'annuler ces décisions et le procès-verbal du 13 octobre 1999 dressé par le service de la police des eaux ;
3°) de condamner l'Etat à leur verser 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- le Tribunal administratif de Nancy a commis une erreur de droit en regardant comme soumise à autorisation en vertu de la loi du 16 octobre 1919 l'intégralité de l'installation fondée en titre alors que seules les transformations visant à en accroître les capacités doivent être autorisées ; le jugement et les décisions attaquées doivent donc être réformés en ce sens ;
- le jugement doit également être réformé dès lors qu'il résulte de l'article 44 de la loi du 13 juillet 2005 que la puissance de l'installation peut être augmentée de 20 % sans autorisation, soit jusque
477,60 kW ;
- le droit d'eau fondé en titre n'est pas attaché à la propriété des ouvrages hydrauliques et l'exigence de libre disposition de terrains méconnaît donc l'article 29 de la loi du 16 octobre 1919 ; l'article 2-12 du décret du 6 novembre 1995 ne s'applique pas à un droit d'eau fondé en titre ;
- la suspension du contrat avec E.D.F. ne peut concerner, pour les mêmes raisons, que la part qui excède la production d'énergie résultant du droit d'eau fondé en titre, y compris l'augmentation de 20% susmentionnée ;
- la Cour de cassation a, par décision du 17 février 2009, cassé l'arrêt de la Cour d'appel de Nancy et renvoyé à juger la question de la propriété des abords de la centrale ;
Vu le jugement et les décisions attaquées ;
Vu, enregistré le 25 février 2009, le mémoire produit par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire qui conclut au rejet de la requête comme non fondée ;
Vu l'ordonnance portant clôture de l'instruction le 25 février 2009 à 16H00 ;
Vu le mémoire enregistré le 2 mars 2009, présenté pour M. A...B...et la SARL FEE "FORCES ENERGIES ELECTRIQUES" par Me Le Briero, avocat ;
Vu la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, modifiée ;
Vu le décret n° 86-203 du 7 février 1986 ;
Vu le décret n° 95-1204 du 6 novembre 1995 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 avril 2009 :
- le rapport de M. Devillers, premier-conseiller ;
- les conclusions de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur public ;
Sur la légalité des décisions du 1er février 1999 et du 17 avril 2000 du préfet de la Meuse :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique : "Nul ne peut disposer de l'énergie des marées, des lacs et des cours d'eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l'Etat. (...) Cette disposition s'appliquera également aux exploitants fondés en titre qui feront à l'avenir des modifications à leurs installations." ; qu'en vertu de son article 2 : " Sont placées sous le régime de la concession les entreprises dont la puissance (produit de la hauteur de chute par le débit maximum de la dérivation) excède 4 500 kilowatts. Sont placées sous le régime de l'autorisation toutes les autres entreprises (....)" ; qu'aux termes de l'article 29 de la même loi : "Les usines ayant une existence légale ... ne sont pas soumises aux dispositions des titres I et IV de la présente loi" ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 214-71 du code de l'environnement : "La réalisation, l'aménagement et l'exploitation des usines hydrauliques utilisant l'énergie des marées, des lacs et des cours d'eau et placées sous le régime de l'autorisation prévu par la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique sont soumis aux dispositions de la présente sous-section" ; qu'aux termes de l'article 2-12° du décret du 6 novembre 1995 codifié à l'article R. 214-72 du code de l'environnement :"I.-Par dérogation à l'article R. 214-6, le dossier de demande comporte les pièces et informations suivantes : (...) 12° Tout document permettant au pétitionnaire de justifier qu'il aura, avant la mise à l'enquête publique, la libre disposition des terrains ne dépendant pas du domaine public sur lesquels les travaux nécessaires à l'aménagement de la force hydraulique doivent être exécutés" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, si elles dispensent les titulaires d'un droit fondé en titre d'avoir à demander une autorisation pour entreprendre des travaux destinés à améliorer le fonctionnement et les performances de leurs ouvrages, elle ne saurait les dispenser d'obtenir une autorisation, dans les conditions prévues à l'article 2 de la même loi et précisées par notamment
l'article 2-12 du décret du 6 novembre 1995, dès lors que lesdits travaux ont pour objet d'augmenter la force motrice dont ils peuvent légalement disposer sur le fondement de leur droit fondé en titre ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B...est propriétaire à Montblainville d'un moulin qui utilise l'énergie hydraulique de la rivière de l'Aire ; que cette prise d'eau est fondée en titre pour une puissance de 398 kw ; que ce moulin alimente une microcentrale hydraulique, dont
M. B...a confié l'exploitation à la SARL FEE "FORCES ENERGIES ET ELECTRIQUES" ; que l'électricité produite est revendue à EDF ; que par décision du 26 juin 1990, le préfet de la Meuse a autorisé M. B...à exploiter à titre provisoire pour une durée de deux ans la microcentrale avec un complément de puissance de 290 kW, soit un maximum autorisé de 688 kW ; que les travaux d'aménagement conditionnant le renouvellement de cette autorisation n'ayant pu être effectués en raison de l'absence de maîtrise foncière des abords par le pétitionnaire, le préfet de la Meuse a, par décision en date du 1er février 1999, mis en demeure M. B...de rétablir dans un délai de six mois son installation dans les limites initiales du droit fondé en titre et d'établir un dossier de demande de réaménagement de l'installation conforme à son annexe ; qu'en tant que cette mise en demeure peut, en l'absence d'autre décision, être regardée comme un refus de renouveler l'autorisation d'augmenter la puissance de l'usine, le Tribunal administratif et le préfet de la Meuse n'ont pas commis d'erreur en regardant comme soumises à une telle autorisation en vertu de la loi du 16 octobre 1919 les transformations visant à accroître les capacités de la microcentrale ; que, de même, cette décision, étant relative à la partie de la force motrice supérieure à la puissance fondée en titre et dès lors soumise aux dispositions susmentionnées du code de l'environnement régissant la délivrance de telles autorisations, les requérants ne sont également pas fondés à soutenir, pour les mêmes motifs, que la décision du 17 avril 2000 par laquelle le préfet de la Meuse a rejeté leur demande d'augmentation de la puissance de l'installation et celle du 16 mai 2000 rejetant leur recours gracieux seraient illégalement soumises à une condition de justification de la maîtrise foncière du canal de fuite, par application des dispositions susmentionnées de l'article R. 214-72 du code de l'environnement ; qu'il est constant, enfin, que M. B...et la SARL FEE ne justifient pas avoir la maîtrise foncière des abords de la centrale dont la propriété fait l'objet d'un litige toujours pendant devant le juge judiciaire ;
Considérant, toutefois, que la décision du 1er février 1999 du préfet de la Meuse met en demeure M. B...de rétablir dans un délai de six mois son installation dans les limites initiales du droit fondé en titre et d'établir à cette fin un dossier de demande de réaménagement de l'installation conforme à son annexe ; qu'en vertu des mêmes dispositions de la loi du 16 octobre 1919 et du code de l'environnement, cette partie de la décision qui concerne le seul rétablissement du droit fondé en titre, doit être regardée comme illégale dans la mesure où ladite annexe oblige les requérants à justifier de la libre et entière disposition des terrains, condition ne pouvant être imposée que pour les ouvrages soumis à autorisation et non, dans les limites du droit fondé en titre, pour le fonctionnement d'une usine ayant une existence
légale ;
Sur l'application de l'article 44 de la loi du 13 juillet 2005 :
Considérant qu'aux termes de l'article 44 de la loi du 13 juillet 2005, modifiant l'article 2 de la loi n° 1919-10-16. du 16 octobre 1919 : "(...) La puissance d'une installation ou d'un ouvrage concédé ou autorisé peut être augmentée, une fois, d'au plus 20 % par déclaration à l'autorité administrative compétente. Cette augmentation ne modifie pas le régime sous lequel est placée l'entreprise au sens du présent article, y compris lorsqu'elle a pour effet de porter la puissance d'une entreprise autorisée au-delà de 4 500 kilowatts, et ne nécessite pas le renouvellement ou la modification de l'acte de concession ou une autorisation administrative. L'augmentation de puissance est accordée sous réserve de ne pas porter atteinte à la sûreté et la sécurité des ouvrages " ; que les requérants, exploitant non pas un ouvrage hydroélectrique autorisé ou concédé mais une usine ayant une existence légale au sens de l'article 29 de la loi du
16 octobre 1919, ne peuvent utilement exciper de ces dispositions ;
Sur la suspension du contrat :
Considérant qu'aux termes de l'article 2 du décret n° 86-203 du 7 février 1986 portant application de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz et fixant les conditions dans lesquelles sont résiliés ou suspendus les contrats d'achat d'énergie conclus entre Electricité de France et les producteurs autonomes d'énergie électrique d'origine hydraulique, dans sa rédaction issue du décret n° 93-925 du 13 juillet 1993 : "Passé le délai imparti à l'exploitant pour présenter ses observations et au plus tard dans les six mois suivant la réception du procès-verbal, le préfet constate la situation irrégulière de l'installation s'il n'y a pas été mis fin. Il prononce la résiliation ou la suspension du contrat d'achat d'énergie conclu entre Electricité de France et l'exploitant. Cette décision est notifiée, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'exploitant et à Electricité de France et prend effet dès l'accomplissement de cette formalité" ;
Considérant, en premier lieu, que l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'énonce aucun principe de proportionnalité des sanctions administratives qui aurait été méconnu par la suspension prononcée par le préfet de la Meuse du contrat d'achat d'énergie par Electricité de France du courant de la micro-centrale en situation irrégulière, en application de l'article 2 du décret susvisé du
7 août 1986 ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'article 6-1 que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne concerne que les procédures juridictionnelles et ne saurait utilement être invoqué pour contester une sanction administrative telle que la suspension du contrat passé par les requérants avec Electricité de France ;
Considérant, en dernier lieu, que, par la décision attaquée du 7 octobre 1999, le préfet de la Meuse a suspendu le contrat liant M. B...et la SARL FEE à E.D.F., en se fondant notamment sur le procès verbal établi le 13 octobre 1999 par les services de la direction départementale de l'agriculture constatant la non-conformité et l'absence d'autorisation d'installations de l'usine électrique destinées à accroître la production d'énergie ; qu'il résulte des dispositions précitées du décret n° 86-203 du 7 février 1986 que le préfet de la Meuse a pu légalement, pour ce motif, suspendre le contrat liant M. B...et la SARL FEE à E.DF., sans que ceux ci puissent utilement se prévaloir à l'encontre de cette sanction de ce que leur exploitation repose sur un droit fondé en titre ; que leurs conclusions dirigées contre la décision du
7 octobre 1999 du préfet de la Meuse et, en tout état de cause, celles tendant à l'annulation du procès-verbal du 13 octobre 1999, ne peuvent donc qu'être rejetées ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B...et la SARL FEE sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande d'annulation de la décision du 1er février 1999 du préfet de la Meuse, en tant qu'elle les oblige à justifier de la libre et entière disposition des terrains pour le rétablissement du droit fondé en titre;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'affaire, de condamner l'Etat à verser à M. B...et la SARL FEE, la somme qu'ils demandent au titre des frais de procès non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 99692-991498-001624 en date du 22 janvier 2002 du Tribunal administratif de Nancy est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B...et de la SARL FORCES ENERGIES ET ELECTRIQUES dirigées contre la décision du 1er février 1999 du préfet de la Meuse, en tant qu'elle les oblige à justifier de la libre et entière disposition des terrains pour le rétablissement du droit fondé en titre.
Article 2 : La décision du 1er février 1999 du préfet de la Meuse est annulée en tant qu'elle oblige
M. B...et la SARL FORCES ENERGIES ET ELECTRIQUES à justifier de la libre et entière disposition des terrains pour le rétablissement du droit fondé en titre ;
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...et de la SARL FORCES ENERGIES ET ELECTRIQUES est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à la SARL FEE "FORCES ENERGIES ELECTRIQUES" et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
''
''
''
''
2
07NC01788