Vu la requête, enregistrée le 27 décembre 2007, présentée pour Mme Marie A et MM. Alexandre et Manuel A, demeurant ... par Me Pontier ;
Les consorts A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0500512 et 0504649 en date du 5 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation solidaire du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et de la commune de Gruissan à les indemniser du préjudice matériel, corporel, et moral qu'ils ont subi du fait de la chute subie par M. Alexandre A le 7 août 2002 ;
2°) d'ordonner une expertise aux fins d'évaluer le préjudice corporel de M. Alexandre A ;
3°) de condamner solidairement le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et la commune de Gruissan à verser à M. Alexandre A à titre de provision la somme de 75 000 euros, assortie des intérêts à compter de la requête de première instance, à raison de son préjudice corporel ;
4°) de condamner solidairement le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et la commune de Gruissan à verser à M. Alexandre A la somme de 125 125 euros à raison de son préjudice matériel ;
5°) de condamner solidairement le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et la commune de Gruissan à verser à M. et Mme A respectivement les sommes de 23 393 euros et 131,02 euros au titre de la perte des salaires, assorties des intérêts à compter du 8 septembre 2005 ;
5°) de mettre solidairement à la charge du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et de la commune de Gruissan la somme de 3 000 euros chacun en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le code de justice administrative ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2010 ;
- le rapport de M. Iggert, conseiller ;
- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;
- les observations de Me Audouin, pour la commune de Gruissan ;
- et les observations de Me Pichat pour le conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 juin 2010, pour la commune de Gruissan ;
Considérant qu'alors qu'il circulait, le 7 août 2002, en vélo tout terrain (VTT) sur un chemin de randonnée situé dans le massif de la Clape, au lieu-dit la Goutille, à proximité de la commune de Gruissan, M. Alexandre A a été victime d'une chute ayant entraîné de graves séquelles ; que les consorts A interjettent appel du jugement en date du 5 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes tendant à la condamnation solidaire du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et de la commune de Gruissan à les indemniser du préjudice matériel, corporel, et moral qu'ils ont subi du fait de la chute subie par M. Alexandre A ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Gruissan et le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres :
Considérant, en premier lieu, que le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres oppose à la demande des consorts A une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté éventuelle de la requête ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que le jugement a été notifié le 29 octobre 2007 et qu'ainsi, le mémoire introductif d'appel enregistré le 27 décembre suivant, n'est pas tardif ; que la fin de non-recevoir doit être écartée ;
Considérant, en second lieu, que la commune de Gruissan se prévaut de l'absence de liaison du contentieux ; que cette fin de non-recevoir est sans incidence sur la recevabilité de la requête s'agissant des conclusions tendant à la réparation du dommage accidentel de travaux publics ; que, s'agissant de la faute du maire dans l'exercice de son pouvoir de police, les requérants produisent à l'instance leur réclamation préalable, la preuve du dépôt de celle-ci en date du 8 juillet 2005 et l'accusé de réception correspondant ; que la fin de non-recevoir, manquant en fait, doit ainsi être écartée ;
Sur la responsabilité de la commune de Gruissan et du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres :
Considérant que le chemin de randonnée emprunté à VTT par M. Alexandre A comportait deux buttes de terre successives d'une hauteur de 80 centimètres chacune et édifiées dans la largeur du chemin par un propriétaire riverain désireux d'empêcher le passage de véhicules de type 4x4 ; que ces buttes de terre, de par leur importance, excèdent les obstacles auxquels les usagers d'un chemin de randonnée ouvert au public doivent s'attendre ; que la chute de M. Alexandre A, alors âgé de 17 ans, entre la première et la seconde bosse l'a rendu tétraplégique ; que si la commune de Gruissan et le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres font état de ce qu'aucun accident n'a été répertorié à cet endroit avant l'arasement du terrain, deux années plus tard, et de ce que la topographie des lieux les dispensait d'un signalement des bosses, qui étaient toutes deux bien visibles, ils n'apportent pas ce faisant la preuve d'un entretien normal du chemin en cause ;
Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction, et notamment des différentes trajectoires qui lui étaient offertes et du lieu de la chute, que M. Alexandre A s'est dirigé à dessein en direction des bosses litigieuses dans le but de les sauter et s'est abstenu d'emprunter une des deux portions plus à gauche du chemin qui lui permettaient d'éviter l'obstacle ou, du moins, d'en réduire très fortement le danger ; que, ce faisant, il s'est délibérément exposé à un risque et a commis une faute de nature à exonérer la commune de Gruissan et le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres de la responsabilité des trois-quarts du dommage ainsi survenu, y compris de celle résultant de la faute commise par le maire de Gruissan dans l'exercice de ses pouvoirs de police en s'abstenant d'araser le terrain ;
Sur l'étendue du préjudice :
Considérant, en deuxième lieu, que, l'état de M. Alexandre A n'étant pas consolidé à la date de la première expertise, il y a lieu, ainsi que le demandent les requérants, d'ordonner une nouvelle expertise de nature à déterminer l'étendue du préjudice corporel dont l'indemnisation est sollicitée ;
Considérant, en deuxième lieu, que M. Alexandre A demande la condamnation solidaire de la commune de Gruissan et du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres à lui verser à titre de provision la somme de 75 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel ; qu'eu égard aux conclusions du rapport d'expertise médicale du professeur Doat du 1er avril qui retient une incapacité permanente partielle qui ne pourra être inférieure à 75 %, une longue incapacité temporaire totale, des souffrances physiques, un préjudice esthétique de 4 sur 7 et un important préjudice d'agrément, et en tenant compte du partage de responsabilité susmentionné, il y a lieu d'accorder à titre provisoire à M. Alexandre A la somme de 18 750 euros, sans qu'il y ait lieu de se prononcer en l'état sur les intérêts qui seront dus sur la somme définitive accordée à raison de ce préjudice ;
Considérant, en troisième lieu, que si M. A demande la condamnation solidaire de la commune de Gruissan et du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres à lui verser la somme de 125 125 euros au titre du préjudice matériel subi, il n'apporte aucun élément permettant d'en déterminer le montant ou la nature ; que la requête introductive d'instance présentée devant le Tribunal administratif de Montpellier ne comportait aucune précision supplémentaire sur ce préjudice ; que si des devis d'agrandissement de la maison de ses parents, de réalisation d'un revêtement sur terrasse pour permettre l'accès aux handicapés, de fourniture d'un véhicule aménagé et de matériel médical, dont le montant est différent de celui demandé, étaient joints à la demande de première instance, les éléments du dossier ne permettent pas de supposer que les dépenses en cause correspondent au préjudice matériel dont se prévaut M. A ;
Considérant, en quatrième lieu, que M. et Mme A demande la condamnation solidaire de la commune de Gruissan et du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres à leur verser respectivement la somme de 23 393 euros et 131,02 euros au titre de la perte de salaire ; que ces conclusions, qui ne sont étayées d'aucune explication et d'aucun justificatif, ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les droits de la caisse :
Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme demande la condamnation solidaire de la commune de Gruissan et du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres à lui rembourser le montant de ses débours à titre provisionnel, à hauteur de la somme provisoire de 450 459,15 euros ; que, toutefois, eu égard au partage de responsabilité et en l'absence de précision sur le caractère personnel et non personnel des préjudice dont M. Alexandre A a été victime, il ne peut être statué en l'état sur la demande de la caisse ; que ses droits sont réservés jusqu'en fin d'instance ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les consorts A sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes en tant qu'elles tendaient à la désignation d'un expert et à la condamnation provisoire et solidaire de la commune de Gruissan et du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres à verser à M. A une somme au titre de son préjudice corporel ;
Sur l'appel en garantie formé par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres à l'encontre de la commune de Gruissan :
Considérant qu'il résulte de l'article 4 de la convention du 5 décembre 1991, signée par le maire de la commune de Gruissan ainsi que l'y avait autorisé le conseil municipal par une délibération du 12 septembre 1991, avec le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres, que la commune de Gruissan doit assurer l'entretien et le maintien en état de propreté du terrain et des aménagements du terrain des Auzils, comprenant en section C du lieu-dit la Goutine, les parcelles C87 et C 166, à l'intersection desquelles a chuté la victime ; qu'en s'abstenant d'araser le chemin litigieux, sur lequel deux bosses ont été irrégulièrement installées, la commune a méconnu les obligations liées aux stipulations de la convention en cause ; qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions d'appel en garantie dirigées par le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres contre la commune de Gruissan ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 5 octobre 2007 est annulé.
Article 2 : La commune de Gruissan et le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres sont condamnés à verser à titre de provision la somme de 18 750 euros à M. Alexandre A à raison de son préjudice corporel.
Article 3 : La commune de Gruissan est condamnée à garantir le Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres de la condamnation prononcée.
Article 4 : Il sera, avant de statuer sur le surplus de la requête des consorts A, procédé à une expertise contradictoire en vue :
1°) de déterminer la date de consolidation éventuelle de l'état de M. Alexandre A ;
2°) de déterminer l'étendue du préjudice corporel lié à l'accident, et, notamment, la durée de l'incapacité totale temporaire, le degré de l'incapacité permanente partielle, l'intensité des douleurs physiques, la gravité du préjudice esthétique et l'étendue du préjudice d'agrément.
Article 5 : L'expert, pour l'accomplissement de sa mission, se fera communiquer tous documents relatifs à l'état de santé de M. Alexandre A ; il pourra entendre toute personne du service hospitalier lui ayant donné des soins.
Article 6 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. L'expert déposera son rapport au greffe de la cour en quatre exemplaires dans le délai de quatre mois à compter de la date de notification du présent arrêt.
Article 7 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié aux consorts A, à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, au Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres et à la commune de Gruissan.
Copie en sera adressée à Me Pontier, Me Audouin, Me Gourlin-Abdeldjelil et Me Gil-Fourrier.
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N° 07MA05079