Vu la requête, enregistrée le 18 octobre 2007, présentée pour RESEAU FERRE DE FRANCE, pris en la personne de son directeur, par la SCP Uettwiller Grelon Gout Canat et Associés ; RESEAU FERRE DE FRANCE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0500852 du 23 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes l'a notamment condamné, solidairement avec l'Etat, à verser à la compagnie d'assurances Groupama Sud la somme de 250 885, 93 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 février 2005, à la SARL Pépinières Garcin, à M. Morad A et à Mme A née Garcin la somme de 994 139,07 euros, et la somme de 871 517,50 euros dans les proportions respectives des trois quarts et d'un quart desdites sommes, en réparation des dommages matériels et des pertes financières survenus à la suite d'inondations ;
2°) de rejeter les conclusions présentées en première instance par la société d'assurances Groupama Sud, la SARL Pépinières Garcin et M. et Mme A ;
4°) de mettre à la charge de chacun des intimés la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
...................................................................................................
Vu la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relatives aux libertés et responsabilités locales ;
Vu le code de la voirie routière ;
Vu le décret n° 2005-1499 du 5 décembre 2005 ;
Vu le décret n°97-444 du 5 mai 1997 relatif aux missions et aux statuts de Réseau ferré de France ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'État en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mars 2011 :
- le rapport de Mme Menasseyre,
- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public,
- et les observations de Me Gouard-Robert, pour le conseil général du Gard, Me Garreau pour la SARL Pépinières Garcin, M. et Mme A et Groupama Sud et Me Combe pour la SNCF ;
Vu la note en délibéré, enegistrée le 11 mars 2011, présentée pour le département du Gard ;
Considérant qu'à la suite de très fortes précipitations pluvieuses survenues les 8 et 9 septembre 2002 puis les 16 et 17 août 2004, l'exploitation horticole de la SARL Pépinières Garcin, située sur la commune de Pujaut dans le Gard, au lieu-dit Saint-Anthelme et dont M. A est le gérant a été inondée ; que RESEAU FERRE DE FRANCE relève appel du jugement du 23 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nîmes l'a notamment condamné, solidairement avec l'État, à verser à la compagnie d'assurances Groupama Sud la somme de 250 885, 93 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 février 2005, à la SARL Pépinières Garcin, à M. Morad A et à Mme A née Garcin la somme de 994 139,07 euros, et la somme de 871 517,50 euros dans les proportions respectives des trois quarts et d'un quart desdites sommes, en réparation des dommages matériels et des pertes financières survenus à la suite de ces inondations ; que l'État conclut à l'annulation du jugement du 23 juillet 2007 en tant qu'il le condamne, et au rejet de la requête en ce qu'elle tend à augmenter la part de l'indemnisation portée à sa charge ; que la SARL Pépinières Garcin, la société Groupama et les consorts Garcin demandent pour leur part à la Cour de confirmer ledit jugement, dont ils n'entendent pas relever appel incident, et, subsidiairement, de substituer le département à l'État dans les condamnations prononcées ;
Sur la recevabilité des demandes soumises aux premiers juges :
Considérant, en premier lieu, que la SARL Pépinières Garcin n'était pas recevable à demander réparation du préjudice correspondant à la perte de revenus subie par M. A, son gérant ; qu'ainsi c'est à tort que les premiers juges ont fait droit à cette partie de ses conclusions ;
Considérant, en second lieu, que la qualité de gérant de la SARL Pépinières Garcin ne donnait pas à M. A qualité pour demander réparation en son nom propre du préjudice subi par cette société à la suite des intempéries survenues en 2002 et 2004 ; que la double qualité de propriétaire de la parcelle donnée à bail à la société, et d'unique associée de cette société ne donnait pas davantage qualité à Mme A pour demander réparation en son nom propre du même préjudice ; qu'il en résulte que cette partie de leurs conclusions était irrecevable, et que c'est à tort que les premiers juges y ont fait droit ;
Considérant qu'il y a lieu pour la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel de rejeter les parties susévoquées des conclusions indemnitaires respectivement présentées par la SARL Pépinières Garcin et M. et Mme A devant le tribunal ;
Sur les responsabilités encourues :
En ce qui concerne la mise hors de cause de la SNCF :
Considérant que les biens constitutifs de l'infrastructure ferroviaire, qui ont été apportés en pleine propriété à RESEAU FERRE DE FRANCE par l'article 5 de la loi du 13 février 1997, constituent un ouvrage public ; qu'il résulte de l'article 6 de la même loi que, vis-à-vis des tiers, la responsabilité de RESEAU FERRE DE FRANCE est susceptible d'être engagée sans faute pour tous les dommages permanents constatés à partir du 1er janvier 1997 imputables à cet ouvrage, que ces dommages résultent de l'implantation, du fonctionnement ou de l'entretien de l'ouvrage ; qu'en application de ces mêmes dispositions, la responsabilité de la SNCF ne peut être engagée vis-à-vis des tiers pour des dommages permanents résultant de l'implantation ou du fonctionnement de cet ouvrage, que si ces dommages ont été constatés avant le 1er janvier 1997 ; qu'en dehors de cette dernière hypothèse, la responsabilité de la SNCF n'est susceptible d'être engagée, vis-à-vis des tiers, pour des dommages nés à partir du 1er janvier 1997, que si ces dommages sont directement imputables aux modalités d'entretien de l'ouvrage ; qu'il résulte de l'instruction que les dommages dont les intimés ont demandé l'indemnisation, qui sont postérieurs au 1er janvier 1997, seraient liés à l'implantation en 1997 dans la partie ouest du terrain d'assiette de l'exploitation de la SARL Pépinières Garcin de la ligne TGV ; qu'ils ne sont donc pas en tant que tels susceptibles d'être imputés aux modalités d'entretien de l'ouvrage par la SNCF ; que dès lors seule la responsabilité de RESEAU FERRE DE FRANCE était susceptible d'être mise en cause ; que, comme l'ont à bon droit jugé les premiers juges, la SNCF doit être mise hors de cause ;
En ce qui concerne le bien-fondé des condamnations prononcées contre l'État en qualité de codébiteur solidaire :
Considérant que, dans leur requête introductive de première instance enregistrée le 16 février 2005, les intimés ont dirigé leurs conclusions contre l'État, propriétaire de la route nationale n° 580, contre la SNCF et contre RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, les premiers juges ont prononcé la condamnation solidaire de l'État et de RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE ;
Considérant toutefois qu'aux termes de l'article 18 de la loi n° 2004-809 relative aux libertés et responsabilités locales : (...) III. - A l'exception des routes répondant au critère prévu par l'article L. 121-1 du code de la voirie routière, les routes classées dans le domaine public routier national à la date de la publication de la présente loi, ainsi que leurs dépendances et accessoires, sont transférées dans le domaine public routier départemental. (...) Ce transfert est constaté par le représentant de l'État dans le département dans un délai qui ne peut excéder dix-huit mois après la publication des décrets en Conseil d'État mentionnés à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 121-1 du code de la voirie routière. Cette décision emporte, au 1er janvier de l'année suivante, le transfert aux départements des servitudes, droits et obligations correspondants, ainsi que le classement des routes transférées dans la voirie départementale. ; que, par arrêté préfectoral n° 2005-350-2 du 16 décembre 2005, le préfet du Gard a procédé au déclassement de la route nationale 580 et a constaté le transfert de cette route dans le réseau routier départemental ; que ce transfert a pris effet au 1er janvier 2006 ; qu'il résulte des dispositions susmentionnées qu'il a emporté le transfert au département du Gard de l'ensemble des obligations liées à l'ancienne route nationale 580, et notamment de l'obligation de réparer les préjudices liés à la présence de cette voie, et ce alors même que les dommages seraient survenus antérieurement au 1er janvier 2006 ; que, postérieurement à ce transfert, seul le département du Gard, substitué à l'État, était susceptible d'être déclaré débiteur de la partie de l'indemnité revenant aux victimes liée à la présence de l'ancienne route nationale 580 ; qu'il suit de là que c'est à tort que, par le jugement du 23 juillet 2007, lu postérieurement à ce transfert, le Tribunal administratif de Nîmes a condamné l'État en tant que codébiteur solidaire des indemnités allouées aux intimés ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement également sur ce point ;
Considérant toutefois que, saisie d'un appel contestant le bien-fondé et le montant de l'indemnisation mise à la charge de l'État, il appartient à la Cour si elle confirme ou modifie le montant de l'indemnisation accordée aux intimés, de substituer d'office le département du Gard, régulièrement appelé dans la cause, à l'État comme débiteur de la part des indemnités liées à l'existence de la voie devenue départementale ; que, pour ce motif, le département du Gard n'est pas fondé à soutenir qu'il n'est pas susceptible d'être condamné en appel faute d'avoir été mis en cause en première instance ; que la fin de non-recevoir opposée par le département aux conclusions subsidiaires dirigées contre lui par les intimés ne saurait, ainsi, être susceptible de prospérer ;
En ce qui concerne le lien de causalité entre les ouvrages publics et le dommage :
Considérant que, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges, la responsabilité du maître d'un ouvrage public peut être engagée, même sans faute, à l'égard des demandeurs tiers par rapport à cet ouvrage public ; que les personnes mises en cause doivent alors, pour dégager leur responsabilité, établir la preuve que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure, sans que puisse être utilement invoqué le fait d'un tiers ; que la victime doit toutefois apporter la preuve de la réalité des préjudices qu'elle allègue avoir subis et de l'existence d'un lien de causalité entre l'ouvrage public et lesdits préjudices, qui doivent en outre présenter un caractère anormal et spécial ;
S'agissant de la présence de la route nationale :
Considérant que les premiers juges ont relevé qu'il résultait de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par la voie du référé, que l'inondation des exploitations horticoles et pépinières de la SARL Pépinières Garcin et la détérioration des surfaces de culture et des installations qui en est résultée, lors des épisodes pluvieux survenus les 8 et 9 septembre 2002 et 16 et 17 août 2004, avaient notamment pour origine l'insuffisance de section de l'ouvrage hydraulique qui permet au ruisseau de Tavel de passer sous la route alors nationale n° 580 par rapport à laquelle les requérants sont tiers, l'Etat n'ayant pas remédié à ce défaut de conception qui avait déjà causé l'inondation des 27 et 28 avril 1987 en formant barrage à l'écoulement des eaux pluviales ; qu'ils ont estimé la responsabilité de l'Etat engagée à l'égard des intimés tiers par rapport à la route, dans la proportion des trois quarts du préjudice indemnisable ; que le département qui se borne à contester sa qualité de débiteur, et n'a pas indiqué qu'il entendait reprendre à son compte les écritures produites par l'Etat ne conteste pas l'existence d'un lien de causalité entre la voie dont s'agit et les dommages subis par l'exploitation ; que s'il fait valoir que les opérations d'expertise n'ont pas été contradictoires à son égard, les rapports d'expertise rendus en décembre 2002 et décembre 2004, soit avant le transfert au département de la route nationale, n'avaient pas, alors, à être rendus au contradictoire du département, et lui sont devenus opposables, du simple fait du transfert des obligations de l'Etat ; que, dans ces conditions, le lien de causalité entre l'ancienne route nationale 580, devenue départementale, et les inondations subies par l'exploitation doit être regardé comme établi ;
S'agissant de l'implantation de la ligne TGV :
Considérant que les premiers juges ont également relevé que l'implantation en 1997 dans la partie ouest du terrain d'assiette de l'exploitation de la SARL Pépinières Garcin de la ligne TGV dont les ouvrages hydrauliques, s'ils ont été correctement dimensionnés, ont contribué par leur seule présence à aggraver les conséquences dommageables résultant de la submersion des terres en canalisant et accélérant le débit d'évacuation des eaux pluviales en direction de l'exploitation était également pour une partie, qu'ils ont évaluée au quart, à l'origine des dommages résultant des inondations subies par l'exploitation ; que si RESEAU FERRE DE FRANCE conteste cette appréciation, et indique qu'il n'a pas été démontré en quoi les conséquences dommageables auraient été significativement aggravées par la présence des ouvrages ferroviaires, il a été précisé, dans le rapport d'expertise rédigé par M. Blanc que ce point n'intervient pas sur la quantité d'eau qui arrive dans les propriétés, mais complique les désordres dus à des vitesses d'eau torrentueuses, entraînant des dégâts par ce type d'écoulement , et que ces ouvrages avaient participé à une vitesse accrue au niveau des ponts entraînant les désordres inhérents aux effets torrentueux, dépôts de boues, de cailloux, ravinement(...) ;et destruction avec emport de biens existants en aval ; que dans ces conditions, le lien de causalité entre la présence de la ligne de TGV et l'aggravation des désordres causés à l'exploitation en cause doit être regardé, contrairement à ce que soutient RESEAU FERRE DE FRANCE comme établi ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges aient apprécié de manière excessive la part imputable à cet établissement dans les dommages subis par les intimés en la fixant au quart ;
En ce qui concerne l'existence de la force majeure :
Considérant que les premiers juges ont estimé que les pluies qui se sont abattues les 8 et 9 septembre 2002 dans le département du Gard ont présenté, eu égard à leur intensité exceptionnelle, et à leur survenance imprévisible au regard des conditions générales météorologiques de la région à cette époque de l'année, le caractère d'un événement de force majeure ; qu'ils ont néanmoins jugé que l'exonération de responsabilité résultant de la force majeure était exclue lorsqu'un ouvrage ou des travaux publics avaient aggravé les conséquences dommageables engendrées par un événement présentant un tel caractère et que, la construction de la route nationale n° 580 et de la ligne ferroviaire TGV étant à l'origine des conséquences dommageables résultant de l'inondation de l'exploitation des requérants, il serait fait une juste appréciation de la responsabilité encourue par l'État et l'établissement public RESEAU FERRE DE FRANCE en mettant solidairement à leur charge la moitié des dommages subis par les victimes lors de l'inondation des 8 et 9 septembre 2002 et en laissant à la charge des victimes l'autre moitié des dommages ; qu'ils ont également estimé qu'eu égard à la survenance de cet événement naturel exceptionnel moins de deux ans auparavant, le second épisode pluvieux des 16 et 17 août 2004, de moindre intensité, n'avait pas présenté un caractère de violence imprévisible constituant un cas de force majeure exonératoire de responsabilité ; qu'en défense, les intimés font toutefois valoir que les pépinières Garcin ont subi des inondations récurrentes depuis 1987, en août 1987, en octobre 1988, en juillet 1991, en septembre 1991, et qu'un phénomène pluvial comparable à celui survenu en 2002 s'était produit dans le département en novembre 1963 et en octobre 1958 ; qu'eu égard à ces éléments, les événements pluvieux survenus en septembre 2002 ne peuvent être regardés comme présentant le caractère d'un événement de force majeure ;
Considérant toutefois que, dès lors que les intimés se sont bornés à demander la confirmation du jugement, les condamnations prononcées par le tribunal ne sauraient être aggravées du fait de cette appréciation ;
En ce qui concerne l'existence d'une faute des victimes :
Considérant que si RESEAU FERRE DE FRANCE fait valoir que le lieu-dit Saint Anthelme est situé dans un bassin d'effondrement géologique naturellement inondable et que la SARL Pépinières Garcin a poursuivi et même étendu son exploitation en dépit de la survenance de cinq inondations depuis 1987, cette circonstance n'est pas de nature à atténuer la responsabilité des maîtres des ouvrages publics litigieux dès lors que ces derniers ont eu un rôle déterminant dans la survenance des dommages lesquels, en outre, n'étaient pas prévisibles par les victimes lors de leur installation sur les lieux antérieurement à la première inondation de 1987 ; que les intimés font valoir, sans être sérieusement contredits, qu'ils ne se sont pas agrandis mais se sont bornés à régulariser des installations non déclarées, du point de vue de la législation de l'urbanisme et à installer des serres sur des parcelles qui étaient déjà auparavant exploitées ; qu'ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ne résulte pas de l'instruction que l'emprise de l'exploitation des pépinières Garcin se serait étendue au cours de cette période ;
Sur la réparation des préjudices :
En ce qui concerne les préjudices subis par la SARL Pépinières Garcin :
Considérant, en premier lieu, que l'étendue des dommages causés aux cultures et aux installations au titre du sinistre subi en 2002 a été évaluée par l'expert judiciaire désigné par le juge des référé du tribunal administratif à partir du chiffrage effectué le 28 janvier 2003 par un expert agricole et foncier à la somme de 2 373 500 euros, déduction faite de la somme correspondant aux végétaux récupérés ; que cette évaluation a été reprise par le tribunal ; que si RÉSEAU FERRÉ DE FRANCE reproche à cette évaluation de ne pas tenir compte du montant des coûts de production et de commercialisation de ces végétaux, qui, du fait de leur destruction, n'ont pas été exposés, il ne résulte de l'instruction ni que cette évaluation, qui ne correspond que partiellement à la destruction d'une partie du stock de plantes de la société serait excessive, ni que les frais induits par la commercialisation des plantes de la société s'élèveraient, comme le soutient RESEAU FERRE DE FRANCE, à 20 % de la valeur de son stock ;
Considérant, en deuxième lieu, que, ainsi que l'ont relevé les premiers juges la circonstance que le chiffrage de ces dommages repose sur de simples devis et que cette évaluation ne permette pas de s'assurer de l'effectivité des travaux de remise en état n'est pas de nature à remettre en cause l'étendue des dommages causés aux cultures et aux installations ; que le calcul des différents chefs de préjudice a été effectué de manière extrêmement détaillée par l'expert agricole et foncier en faisant application d'une méthode d'évaluation différente en fonction de la nature des différents dommages, permettant ainsi au Tribunal et à la Cour de fixer le montant du préjudice ; que la circonstance qu'une partie des travaux de remise en état de serres ou de bâtiments n'ait pas encore été réalisée par la SARL Pépinières Garcin ne fait pas obstacle à ce que l'évaluation proposée par l'expert judiciaire, qui a pu être débattue contradictoirement entre les parties, soit retenue dès lors qu'il n'est pas établi qu'elle serait excessive ; que, compte tenu de l'usage que la société faisait de ses installations, l'amélioration éventuelle de leur état ne justifie pas un abattement de vétusté ; qu'il suit de là que RESEAU FERRE DE FRANCE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas opéré d'abattement de vétusté sur les sommes allouées ;
Considérant, en troisième lieu, que si RESEAU FERRE DE FRANCE estime que l'indemnisation de la baisse de chiffre d'affaires de la société, chiffrée à 100 000 euros fait double emploi avec l'indemnisation de la perte de stock, il résulte de l'instruction que ce chiffrage repose sur l'évaluation des conséquences sur le chiffre d'affaires de la destruction de la majeure partie des végétaux à la veille de la Toussaint, de la perte de tous les prospectus, mailings, documents publicitaires, tarifs et de toute communication écrite avec la clientèle, des surcoûts occasionnés par le rachat des végétaux divers pour honorer les commandes, de la non activité de trois agents commerciaux, et du ralentissement de la reprise de l'activité du fait des effets négatifs d'annonce dans la presse et à la télévision se répercutant à la fois sur la clientèle et l'image de marque de l'entreprise ; que cette évaluation correspond à la réparation d'un chef de préjudice distinct de celui réparé par la perte du stock, ce dernier ayant d'ailleurs été évalué à plus d'un million d'euros ; que si les défendeurs soutiennent que la société a réalisé, en 2002, un chiffre d'affaires supérieur à celui de l'année précédente, cette circonstance ne s'oppose pas à la constatation d'une perte de revenus dès lors que la clôture de l'exercice comptable est intervenue le 31 août 2002, soit à une date antérieure à la survenance du sinistre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant du préjudice global subi par la SARL Pépinières Garcin à la suite des pluies survenues en septembre 2002 s'élève à la somme de 2 473 500 euros ;
Considérant enfin que, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné par la voie du référé lequel constitue un élément de l'instruction dont il peut être tenu compte, même si l'expert a, sur ce point, excédé la mission qui lui avait été confiée par le juge des référés, que le montant du préjudice résultant de l'inondation survenue les 16 et 17 août 2004 doit être fixé au minimum à 35 % du montant du préjudice global évalué pour le sinistre de septembre 2002 ; que, par suite, il sera fait une juste appréciation du montant du préjudice subi par la société à cette occasion en le fixant à la somme de 865 725 euros ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice subi par la SARL Pépinières Garcin à la suite des intempéries de 2002 et de 2004 s'élève à la somme de 3 339 225 euros ;
En ce qui concerne les préjudices subis par M. et Mme A :
Considérant que la perte de rémunération de M. A, gérant non salarié de la société est en relation directe avec la baisse des résultats de la société consécutive au sinistre de septembre 2002 ; que le tribunal a chiffré son préjudice à la somme de 16 550 euros ; qu'il résulte toutefois de la lecture des rapports d'expertise sur lesquels se sont fondés les premiers juges que l'expert Miquel n'a mentionné une perte de rémunération qu'à hauteur de 11 459,08 euros, correspondant à une perte totale de revenus sur quatre mois en 2002, une diminution de moitié du revenu durant six mois en 2003, et une diminution du quart du revenu durant six mois en 2004 ; que toutefois, ainsi que le fait valoir RESEAU FERRE DE FRANCE, aucune des pièces du dossier ne justifie le montant retenu par l'expert, de 1 981,84 euros, comme étant celui du salaire mensuel que M. A aurait dû percevoir cette année là ; qu'en revanche, il résulte du procès verbal d'approbation des comptes de l'exercice clos en 2002, fixant la rémunération annuelle du gérant à 7 622 euros, et qui figure au nombre des pièces du dossier que le montant de la rémunération mensuelle à laquelle M. A aurait dû pouvoir prétendre en 2002 s'élevait à la somme de 635 euros ; que ce montant peut raisonnablement être également retenu pour l'année 2003 ; qu'il en résulte que, sur la base des éléments susmentionnés, la perte de revenus consécutive aux pluies survenues en septembre 2002 peut être évaluée à la somme de 5 397,50 euros ; que, s'agissant des conséquences des intempéries survenues en 2004, cette somme peut raisonnablement être évaluée, à partir des indications données par l'expert désigné en première instance par le juge des référés, à 1 890 euros ; que la perte totale de revenus subie par M. et Mme A à la suite des intempéries survenues en 2002 et 2004 doit être évaluée, au vu des pièces du dossier, à la somme de 7 287,50 euros ;
En ce qui concerne les droits des parties:
Considérant qu'il résulte de la lecture du jugement attaqué que le montant total des condamnations prononcées par le tribunal s'est élevé à la somme de 2 116 542,50 euros, dont 529 135,63 euros à la charge de RESEAU FERRE DE FRANCE, et 1 587 406,88 euros à la charge de l'État ; que la société Groupama, la SARL Pépinières Garcin et M. A n'ont pas relevé appel, ni principal, ni incident dudit jugement, dont elles ont au contraire demandé, à titre principal, la confirmation ; que si les intimés ont présenté des conclusions subsidiaires tendant à ce que le département soit substitué à l'État dans les condamnations prononcés, ils n'ont pas demandé que ces dernières soient revues à la hausse ; qu'il en résulte d'une part que le quantum des condamnations prononcées par les premiers juges à l'encontre de l'appelant ne saurait être alourdi en appel, et, d'autre part, que le quantum des sommes allouées à l'un des intimés ne saurait être augmenté au détriment d'un autre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le montant des sommes allouées à la société Groupama et mise à la charge conjointe et solidaire des maîtres d'ouvrage doit être maintenu à la somme de 250 885, 93 euros, le quart de cette somme, soit 62 721,48 euros devant être supporté par RESEAU FERRE DE FRANCE, et les trois quarts, soit 188 164,45 euros devant être supportés par le département du Gard ;
Considérant que, ainsi qu'il a été dit plus haut, M. et Mme A n'étaient pas recevables à demander devant les premiers juges la réparation du préjudice subi par la SARL Pépinières Garcin, mais seulement la réparation du préjudice résultant de leur perte de revenus, qui peut être évaluée comme cela est indiqué ci-dessus, à la somme de 7 287,50 euros qui doit être supportée conjointement et solidairement par les maîtres d'ouvrage ; que RESEAU FERRE DE FRANCE devra supporter in fine le quart de cette somme, soit 1 821,88 euros, et le département du Gard les trois quarts, soit 5 465,62 euros ;
Considérant enfin que la SARL Pépinières Garcin n'était pas recevable à demander réparation du préjudice correspondant à la perte de revenus subie par M. A ; qu'il en résulte que le montant de sommes qui lui ont été allouées au titre des deux sinistres, fixé par les premiers juges à la somme de 1 865 656,57 euros, doit être ramené à la somme de 1 858 369 euros, mise à la charge conjointe et solidaire de RESEAU FERRE DE FRANCE et du département du Gard dans les proportions respectives du quart et des trois quarts ;
Sur les dépens :
Considérant que, le département du Gard ayant été, au 1er janvier 2006, substitué à l'État dans les obligations que ce dernier tirait de sa qualité de propriétaire de la route nationale 580, c'est à tort que les premiers juges ont condamné l'État à supporter, conjointement et solidairement avec RESEAU FERRE DE FRANCE, les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 18 090, 60 euros ; qu'il y a lieu de mettre ces frais à la charge conjointe et solidaire de RESEAU FERRE DE FRANCE et du département du Gard ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, en premier lieu, que, s'agissant de l'application de ces dispositions en première instance, c'est à tort, pour les motifs qui viennent d'être rappelés ci-dessus, que le tribunal a mis cette condamnation, fût-ce pour partie, à la charge de l'État ; qu'il y a lieu de substituer le département du Gard à l'État pour l'application de ces dispositions en faveur de la SARL Pépinières Garcin et de M. A ;
Considérant, en second lieu que, s'agissant de l'application de ces dispositions au titre des frais exposés en appel, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que RESEAU FERRE DE FRANCE n'est pas fondé à demander que le montant des condamnations mises à sa charge par les premiers juges soit revu à la baisse ; qu'il y a lieu, en revanche, d'annuler le jugement contesté en tant qu'il a statué sur des conclusions irrecevables d'une part, et d'autre part, en tant qu'il a condamné l'État au paiement de sommes qu'il ne devait plus à la date où il a été statué ; qu'il y a lieu, enfin, de mettre les sommes mises à tort à la charge de l'État à la charge du département du Gard ;
D É C I D E :
Article 1er : L'établissement public Société nationale des chemins de fer français est mis hors de cause de la présente instance.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Nîmes est annulé en tant qu'il a fait droit aux conclusions présentées par M. et Mme A tendant à la réparation du préjudice subi par la SARL Pépinières Garcin, aux conclusions présentées par la SARL Pépinières Garcin tendant à la réparation du préjudice subi par M. A, et en tant qu'il a condamné l'État à réparer les préjudices subis par les requérants de première instance, mis à sa charge conjointe les dépens et la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La somme due par le département du Gard à la compagnie d'assurances Groupama Sud au titre de sa condamnation solidaire avec RESEAU FERRE DE FRANCE est fixée à un montant de 188 164,45 euros assorti des intérêts au taux légal à compter du 16 février 2005.
Article 4 : La somme due par RESEAU FERRE DE FRANCE, au titre de sa condamnation solidaire avec le département du Gard, en réparation des dommages résultant pour M. et Mme A des intempéries survenues en septembre 2002 et août 2004 est ramenée à la somme de 1 821,88 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 février 2005.
Article 5 : La somme due par le département du Gard, au titre de sa condamnation solidaire avec RESEAU FERRE DE FRANCE, en réparation des dommages résultant pour M. et Mme A des intempéries survenues en septembre 2002 et août 2004 est fixée à la somme de 5 465,62 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 février 2005.
Article 6 : La somme due par RESEAU FERRE DE FRANCE, au titre de sa condamnation solidaire avec le département du Gard, en réparation des dommages résultant pour la SARL Pépinières Garcin des intempéries survenues en septembre 2002 et août 2004 est ramenée à la somme de 464 592,25 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 février 2005.
Article 7 : La somme due par le département du Gard, au titre de sa condamnation solidaire avec RESEAU FERRE DE FRANCE, en réparation des dommages résultant pour la SARL Pépinières Garcin des intempéries survenues en septembre 2002 et août 2004 est fixée à la somme de 1 393 776,70 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 16 février 2005.
Article 8 : Les frais et honoraires de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 18 090,60 euros par ordonnance du président du Tribunal administratif de Montpellier le 10 décembre 2004 sont mis à la charge définitive et solidaire du département du Gard et de RESEAU FERRE DE FRANCE.
Article 9 : La somme de 1 000 euros allouée par les premiers juges au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à la SARL Pépinières Garcin et à M. A est mise à la charge du département du Gard et de RESEAU FERRE DE FRANCE.
Article 10 : Le surplus des conclusions présentées tant en première instance qu'en appel par chacune des parties est rejeté.
Article 11 : Le surplus du jugement en date du 23 juillet 2007 du Tribunal administratif de Nîmes est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 12 : Le présent arrêt sera notifié à RESEAU FERRE DE FRANCE, à la SARL Pépinières Garcin, prise en la personne de son mandataire liquidateur, à M. et à Mme A, à la société Groupama Sud, à la SNCF, au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire et au département du Gard.
Copie en sera adressée à la SCP Uettwiller, Grelon, Gout, Canat et associés, à Me Garreau, Me Gouard et à Me Scapel.
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N° 07MA04113 2