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15/10/2009 | FRANCE | N°07MA03935

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 15 octobre 2009, 07MA03935


Vu, I, sous le n° 07MA03935, le recours enregistré le 24 septembre 2007, présenté par le MINISTRE DE LA SANTE, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0503199 en date du 27 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nice a déclaré l'Etat responsable de la sclérose en plaques dont souffre Mme X, condamné l'Etat à verser à l'intéressée une allocation provisionnelle de 20 000 euros, mis les frais d'expertise, liquidés à la somme de 500 euros à la charge de l'Etat et ordonné une expertise complémentaire au

x fins de statuer sur les différents préjudices exposés par Mme X ;

2°) de rej...

Vu, I, sous le n° 07MA03935, le recours enregistré le 24 septembre 2007, présenté par le MINISTRE DE LA SANTE, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0503199 en date du 27 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nice a déclaré l'Etat responsable de la sclérose en plaques dont souffre Mme X, condamné l'Etat à verser à l'intéressée une allocation provisionnelle de 20 000 euros, mis les frais d'expertise, liquidés à la somme de 500 euros à la charge de l'Etat et ordonné une expertise complémentaire aux fins de statuer sur les différents préjudices exposés par Mme X ;

2°) de rejeter la demande de Mme X ;

.........................................................................................................

Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;

Vu l'arrêté du 11 décembre 2008 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L.376-1 et L.454-1 du code de la sécurité sociale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 septembre 2009 :

- le rapport de M. Bédier, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;

- et les observations de Me Tora, pour Mme ;

Considérant que les recours du MINISTRE DE LA SANTE ET DES SPORTS, enregistrés sous le n° 07MA03935 et sous le n° 08MA02220, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu d'y statuer par un même arrêt ;

Considérant que Mme X, du fait des fonctions d'infirmière qu'elle exerçait au centre hospitalier universitaire de Nice, qui la soumettaient à une obligation de vaccination, a reçu, comme en attestent les documents d'ordre médical versés aux débats, trois injections de vaccin contre l'hépatite B le 18 septembre 1991, le 15 octobre 1991 et le 14 janvier 1992, suivies d'un rappel le 25 janvier 1993 ; qu'imputant à cette vaccination la sclérose en plaques dont elle est atteinte, elle a demandé à être indemnisée de ses préjudices au ministre chargé de la santé, qui lui a fait une proposition d'indemnisation à hauteur de 8 000 euros par lettre du 17 décembre 2002, qu'elle a refusée ; que Mme X a alors saisi le Tribunal administratif de Nice d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser de ses divers préjudices ; que, par un premier jugement en date du 27 juin 2007, le Tribunal administratif de Nice a déclaré l'Etat responsable, sur le fondement de la responsabilité sans faute, de la sclérose en plaques dont souffre Mme X et condamné l'Etat à verser à l'intéressée une allocation provisionnelle de 20 000 euros ; que, par un second jugement en date du 1er février 2008, le tribunal a, d'une part, condamné l'Etat à verser à Mme X la somme de 78 000 euros sous déduction de la somme de 20 000 euros déjà versée à titre de provision en application du jugement du 27 juin 2007 et, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, la somme de 15 010,34 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 août 2005 sur la somme de 14 100,34 euros, et d'autre part, mis à la charge de l'Etat, la somme de 500 euros au titre des frais d'expertise ainsi qu'en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros au profit de Mme X et la somme de 500 euros au profit de l'organisme social ; que le MINISTRE DE LA SANTE ET DES SPORTS demande à la cour d'annuler les jugements du 27 juin 2007 et du 1er février 2008 ; que, par la voie de l'appel incident, Mme X demande à la Cour de porter à la somme de 117 000 euros la réparation de ses différents préjudices ;

Sur la régularité des jugements :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques, les agents de l'Etat ou des personnes publiques mentionnées à l'article 7 de cette ordonnance, au nombre desquelles les établissements publics hospitaliers, ou les ayants droit de ces agents qui demandent en justice la réparation d'un préjudice qu'ils imputent à un tiers doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci ; qu'en vertu de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale, ils sont tenus à la même obligation, en tant qu'assurés sociaux, envers la caisse de sécurité sociale ou la société mutualiste leur servant les prestations en nature de l'assurance maladie ; que cette obligation, dont la méconnaissance est sanctionnée par la possibilité reconnue à toute personne intéressée de demander pendant deux ans l'annulation du jugement, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des personnes publiques et des organismes de sécurité sociale susceptibles d'avoir versé ou de devoir verser des prestations à la victime ou à ses ayants droit ; que devant le Tribunal administratif de Nice, Mme X a fait connaître sa qualité de fonctionnaire hospitalier ; qu'en ne communiquant pas sa requête à l'établissement hospitalier qui l'employait et à la Caisse des dépôts et consignations, en sa qualité de gérante de la caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales, le tribunal administratif a entaché ses jugements d'irrégularité ; que ces derniers doivent, par suite, être annulés ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Nice ;

Sur le principe de la responsabilité de l'Etat :

Considérant qu'aux termes de l'article L.3111-4 du code de la santé publique : Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention ou de soins, exerce une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B (...) ; et qu'aux termes de l'article L.3111-9 du même code dans sa rédaction applicable au litige : Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation d'un dommage imputable directement à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est supportée par l'Etat (...) ;

Considérant que la responsabilité de l'Etat peut être engagée en raison des conséquences dommageables d'injections vaccinales contre l'hépatite B réalisées dans le cadre d'une activité professionnelle ou assimilée eu égard, d'une part, au bref délai ayant séparé l'injection de l'apparition du premier symptôme cliniquement constaté d'une pathologie ultérieurement diagnostiquée et, d'autre part, à la bonne santé de la personne concernée et à l'absence, chez elle, de tous antécédents à cette pathologie antérieurement à sa vaccination ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des conclusions du rapport d'expertise établi le 12 août 2000 pour l'information de la commission de règlement amiable des accidents vaccinaux ainsi que de celles du rapport d'expertise établi le 30 juillet 2004 pour l'information du tribunal administratif que Mme X a présenté, selon ses dires, dix à douze jours après la deuxième injection de vaccin, des douleurs aux doigts de la main gauche s'étendant progressivement à la main et à l'avant-bras assorties d'une gêne motrice ; que, toutefois, les affirmations de Mme X sur ce point ne sont pas corroborées par des documents médicaux permettant de mettre en évidence dans les semaines qui ont suivi la deuxième injection reçue les premiers symptômes de la pathologie dont elle est victime ; qu'en revanche, du 21 au 23 janvier 1991, une semaine après la troisième injection de vaccin qu'elle a reçue, Mme X a été hospitalisée dans le service de neurologie de l'hôpital Pasteur de Nice pour un déficit du membre supérieur gauche ; qu'une imagerie par résonance magnétique effectuée à cette occasion a mis en évidence des lésions de la moelle cervicale et de l'encéphale particulièrement évocatrices d'atteintes par la sclérose en plaques ; que les bilans complémentaires réalisés lors de cette hospitalisation ont confirmé ce diagnostic ; qu'il résulte des conclusions des mêmes rapports d'expertise que Mme X était, antérieurement aux injections vaccinales qu'elle a reçues, en bonne santé et ne présentait aucun antécédent personnel ou familial en lien avec la pathologie dont elle est victime ; que, dans ces conditions, si aucune conclusion ne peut être tirée en ce qui concerne l'incidence de la deuxième injection sur l'état de santé de la patiente, eu égard au bref délai séparant la troisième injection effectuée le 14 janvier 1991 des symptômes de sclérose en plaques ensuite cliniquement constatés au cours de l'hospitalisation du 21 au 23 janvier 1991, le lien de causalité entre la vaccination de Mme X et la sclérose en plaques dont elle est atteinte doit être regardé, contrairement à ce que soutient le ministre, comme établi ;

Sur les droits à réparation de Mme X, de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes et du centre hospitalier universitaire de Nice :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial de Mme X :

S'agissant des dépenses de santé à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes :

Considérant que les frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation, directement liés à la sclérose en plaques dont souffre Mme X s'élèvent à la somme justifiée et non contestée en appel de 14 100,34 euros ; qu'il y a lieu d'allouer cette somme à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes avec intérêts à compter du 4 août 2005, date à laquelle ces intérêts ont été demandés, ainsi que la somme forfaitaire de 955 euros en application de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale ;

S'agissant des dépenses de santé à la charge du centre hospitalier universitaire de Nice :

Considérant que le centre hospitalier justifie avoir pris en charge les frais d'hospitalisation de Mme à hauteur de 18 339,89 euros ; qu'il est en droit de recouvrer les sommes en cause auprès du tiers responsable sur le fondement de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;

S'agissant des pertes de revenus :

Considérant, en premier lieu, que Mme X demande à ce titre une indemnisation de 64 622 euros correspondant aux pertes de revenus proprement dites qu'elle chiffre à 52 272 euros pour les années 1994 à 2007 et à un manque à gagner sur primes de service qu'elle chiffre à 12 350 euros ;

Considérant que, par la production de ses bulletins de salaire des mois de novembre des années 1994 à 2007, qui ne permet pas de vérifier ses prétentions, Mme X ne justifie pas de la perte, qu'elle allègue, de la moitié de la prime de service attachée à ses fonctions ; qu'en revanche, il résulte de l'instruction et notamment de la production par Mme X de justificatifs de salaires probants pour la période allant de 1994 à 2007 que l'intéressée a subi du fait de la pathologie dont elle souffre et de l'obligation, dans laquelle elle s'est trouvée, d'interrompre son activité professionnelle ou de l'exercer à temps partiel, une perte de revenus qui peut être évaluée à 20 % des revenus qu'elle pouvait escompter retirer de son activité professionnelle au cours de chacune des quatorze années en cause si elle avait pu la poursuivre normalement ; que la requérante justifie avoir perçu un revenu net imposable de 133 108,41 francs en 1994, 119 788,90 francs en 1995, 133 895,98 francs en 1996, 87 088,66 francs en 1997, 104 850,70 francs en 1998, 124 288,90 francs en 1999, 134 179,08 francs en 2000,104 373,36 francs en 2001, 148 584,10 francs en 2002, francs en 2006 et 166 148,40 francs en 2007 soit une rémunération nette totale de 1 876 702,82 francs sur l'ensemble de la période ; que la perte de revenus qu'elle a subie pourra être chiffrée à 20 % de ce dernier montant soit 375 340,56 francs (57 220,30 euros) ;

Considérant, en second lieu, que le centre hospitalier universitaire de Nice justifie avoir versé à Mme X la somme de 3 154,84 euros au titre de ses rémunérations pendant ses arrêts de travail ; qu'il est en droit de recouvrer les sommes en cause auprès du tiers responsable sur le fondement de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel de Mme X :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des conclusions du rapport d'expertise relatif à l'étendue des préjudices subis par Mme X que son incapacité permanente partielle peut être évaluée au taux de 20 % ; que la réparation correspondant à ce chef de préjudice sera réparée par l'allocation de la somme de 30 000 euros ; qu'il sera fait une juste appréciation de la réparation accordée au titre des souffrances physiques endurées par Mme X, chiffrée à 3, 5 sur une échelle de 1 à 7 par l'expert, par l'allocation de la somme de 5 000 euros, la même somme étant accordée au titre de l'aide d'une tierce personne ; qu'enfin, le montant de la réparation accordée à Mme X au titre du préjudice d'agrément occasionné par la fatigabilité importante de l'intéressée qui l'empêche de pratiquer certaines activités sportives et qui l'oblige à limiter ses déplacements pourra être fixé à la somme de 3 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X est fondée à demander la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 100 220,30 euros ; que le centre hospitalier de Nice est également fondé à demander la condamnation de l'Etat à lui verser les sommes de 18 339,89 euros et 3 154,84 euros soit un total de 21 494,73 euros ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 500 euros par ordonnance du président du Tribunal administratif de Nice en date du 19 novembre 2007 à la charge de l'Etat ;

Sur l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par Mme X en première instance et en appel et non compris dans les dépens et la somme de 1 000 euros au titre des mêmes frais exposés en première instance et en appel par la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes ;

D É C I D E :

Article 1er : Les jugements du Tribunal administratif de Nice en date du 27 juin 2007 et du 1er février 2008 sont annulés.

Article 2 : L'Etat (MINISTRE DE LA SANTE ET DES SPORTS) est condamné à verser à Mme X la somme de 100 220,30 euros.

Article 3 : L'Etat (MINISTRE DE LA SANTE ET DES SPORTS) est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes la somme de 14 100,34 euros avec intérêts à compter du 4 août 2005 ainsi que la somme forfaitaire de 955 euros en application de l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 4 : L'Etat (MINISTRE DE LA SANTE ET DES SPORTS) est condamné à verser au centre hospitalier universitaire de Nice la somme de 21 494,73 euros.

Article 5 : Les frais d'expertise, liquidés à la somme de 500 euros par ordonnance du président du Tribunal administratif de Nice en date du 19 novembre 2007 sont mis à la charge de l'Etat (MINISTRE DE LA SANTE ET DES SPORTS).

Article 6 : L'Etat (MINISTRE DE LA SANTE ET DES SPORTS) versera à Mme X la somme de 3 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes la somme de 1 000 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Les recours du MINISTRE DE LA SANTE ET DES SPORTS et le surplus des conclusions incidentes de Mme X sont rejetés.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE LA SANTE ET DES SPORTS, à Mme Patricia X, à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes, au centre hospitalier universitaire de Nice et à la Caisse des dépôts et consignations.

Copie en sera adressée à Me Borra, Me Boitel et à Me Martin.

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Nos 07MA03935,08MA02220


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07MA03935
Date de la décision : 15/10/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. Jean-Louis BEDIER
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : CABINET CHRISTIAN BOITEL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2009-10-15;07ma03935 ?
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