Vu, la télécopie enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 7 août 2007, sous le n° 07MA03229, confirmée par requête le 8 août 2007, présentée pour la SOCIETE SEM QUEYRAS, dont le siège est Maison du Tourisme Molines en Queyras (05350), représentée par son liquidateur, par la SCP Gerbaud-Aoudiani-Canellas ; la SOCIETE SEM QUEYRAS demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0203965-0606594 du 5 juin 2007 en tant que par ce jugement le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce que la communauté de communes de l'Escarton du Queyras soit condamnée solidairement avec le syndicat mixte des stations du Queyras et les communes d'Abriès, Aiguilles, Arvieux, Ceillac, Château-Ville-Vieille, Molines, Ristolas et Saint Veran à l'indemniser des conséquences de la résiliation par la communauté de communes de l'Escarton du Queyras du contrat de construction et d'exploitation du service public des remontées mécaniques dans le périmètre du domaine skiable du Queyras conclu le 15 mars 1991 pour une durée de 18 ans ;
2°) de condamner solidairement la communauté de communes de l'Escarton du Queyras, le syndicat mixte des stations du Queyras et les communes d'Abriès, Aiguilles, Arvieux, Ceillac, Château-Ville-Vieille, Molines, Ristolas et Saint Veran à lui verser les sommes de :
- 208.946,38 euros outre intérêts au 13 août 2002 et capitalisation des intérêts correspondant aux amortissements non réalisés et aux sommes dues au titre des charges à étaler ;
- 602.478 euros correspondant aux pertes d'exploitation subies du fait de la résiliation anticipée ;
- 6.328.006 euros au titre du préjudice patrimonial subi du fait de la résiliation anticipée du contrat de crédit bail et de la convention d'exploitation, ou subsidiairement les sommes retenues à ce titre par l'expert judiciaire ;
- 2.486.145 euros au titre de la répétition des sommes trop perçues en capital et intérêts du 31 mars 1991 au 31 mars 2001 ;
3°) de mettre à la charge des mêmes collectivités publiques une somme de 15.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 2010 :
- le rapport de Mme Favier, rapporteur ;
- les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public ;
- et les observations de Me Vivien, substituant Me Majerowicz, représentant la communauté de communes de l'Escarton du Queyras et les communes d'Abriès, Aiguilles, Arvieux, Ceillac, Château-Ville-Vieille, Molines, Ristolas et Saint Veran, et de Me Gautier, représentant le syndicat mixte des stations du Queyras ;
et après avoir pris connaissance de la note en délibéré présentée le 4 mars 2010 pour la communauté de communes de l'Escarton du Queyras ;
Considérant que la SOCIETE SEM QUEYRAS fait appel du jugement du 5 juin 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande indemnitaire qu'elle avait dirigée contre la communauté de communes de l'Escarton du Queyras puis, contre cette même communauté, ses communes membres et le syndicat mixte des stations touristiques du Queyras, en conséquence de la résiliation en 2001 de la convention de construction et d'exploitation des aménagements destinés à la pratique du ski alpin sur le massif du Queyras signée le 15 mars 1991 pour une durée de 18 ans, et dont elle était titulaire ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'était annexée à ladite convention du 15 mars 1991, un contrat de crédit-bail, passé pour une durée de 15 ans entre les mêmes parties, à savoir le district du Queyras, aux droits duquel vient la communauté de communes, et la société nouvelle de gestion des aménagements et équipements touristiques et sportifs de la région du Queyras, également dénommée SOCIETE SEM QUEYRAS ; qu'à la suite d'observations formulées par la chambre régionale des comptes, la communauté de communes a décidé de résilier la convention du 15 mars 1991 ; que cette résiliation, intervenue pour un motif d'intérêt général, a été notifiée à la SOCIETE SEM QUEYRAS le 2 novembre 2001 ; que faute d'accord entre les parties sur les conséquences indemnitaires de cette résiliation, la SOCIETE SEM QUEYRAS a, d'une part, demandé en référé le 6 juin 2002 la désignation d'un expert, et, d'autre part, saisi le Tribunal administratif d'une demande indemnitaire, enregistrée le 13 août 2002 ; qu'en outre, par un protocole d'accord signé le 15 décembre 2004, la communauté de communes et la SOCIETE SEM QUEYRAS ont entendu régler les contentieux financiers qui les opposaient, à l'exception de celui lié à la résiliation du contrat, avec le versement par l'établissement public de coopération intercommunale à la SOCIETE SEM QUEYRAS d'une somme de 546.643,58 euros, en vue de permettre à ladite société, en situation de liquidation amiable, d'apurer son passif ;
- Sur la recevabilité de la demande de la SOCIETE SEM QUEYRAS devant le Tribunal et devant la Cour :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 237-24 du code de commerce : Le liquidateur représente la société. Il est investi des pouvoirs les plus étendus pour réaliser l'actif, même à l'amiable. Les restrictions à ces pouvoirs, résultant des statuts ou de l'acte de nomination, ne sont pas opposables aux tiers. /Il est habilité à payer les créanciers et répartir le solde disponible. /Il ne peut continuer les affaires en cours ou en engager de nouvelles pour les besoins de la liquidation que s'il y a été autorisé, soit par les associés, soit par décision de justice s'il a été nommé par la même voie. ; qu'en application de ces dispositions, le liquidateur est légalement habilité à exercer les actions de la société, par voie de demande et de défense devant toute juridiction ; que la communauté de communes de l'Escarton du Queyras n'est dès lors pas fondée à soutenir que la demande présentée par le liquidateur de la SOCIETE SEM QUEYRAS devant le Tribunal administratif de Marseille et sa requête d'appel devant la Cour ne seraient pas recevables faute de justifier d'une habilitation particulière ; que la fin de non-recevoir tirée de ce défaut d'habilitation doit donc être rejetée ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que par courrier du 17 avril 2002, la SOCIETE SEM QUEYRAS a présenté une demande indemnitaire à la communauté de communes de l'Escarton du Queyras par laquelle elle précisait différentes sommes qu'elle estimait lui être dues en exécution de la convention et indiquait que le montant de l'indemnité de résiliation devrait être déterminé par voie d'expertise ; que par le même courrier, elle mettait la communauté de communes en demeure de lui verser 1.000.000 d'euros qu'elle affirmait être indispensable à l'apurement du passif, sans toutefois limiter sa demande indemnitaire à ce montant ; que par courrier du 26 avril 2002 la communauté de communes a rejeté ces demandes, sans toutefois faire courir le délai du recours contentieux en l'absence de toute indication relative aux voies et délais de recours ; que dans ces conditions, la SOCIETE SEM QUEYRAS, qui n'était pas, contrairement à ce que soutient la communauté de communes, limitée devant les premiers juges par le montant de 1.000.000 euros sur lequel portait la mise en demeure, était recevable à demander au Tribunal la condamnation de son ancien co-contractant à une somme supérieure ; que la fin de non-recevoir tirée de l'absence de demande préalable portant sur l'intégralité des sommes sollicitées au contentieux et de la tardiveté des conclusions indemnitaires doit donc être rejetée ;
- Sur la collectivité publique débitrice
Considérant que la communauté de communes de l'Escarton du Queyras a fait valoir devant les premiers juges que par délibération du conseil de communauté du 1er août 2003, approuvée à la majorité qualifiée des communes membres, la compétence qu'elle exerçait antérieurement en matière de gestion du domaine skiable lui a été retirée pour être restituée aux communes, qui l'ont elles-mêmes transférée au syndicat mixte des stations touristiques du Queyras ; qu'elle estime donc qu'en raison de ce transfert elle ne peut plus être regardée comme liée par une quelconque obligation ressortissant de la compétence gestion du domaine skiable et que les conclusions de la SOCIETE SEM QUEYRAS sont dès lors mal dirigées ; qu'en conséquence de ce moyen, la SOCIETE SEM QUEYRAS a demandé, d'abord devant le Tribunal, puis en appel, la condamnation solidaire de la communauté de communes de l'Escarton du Queyras, des communes qui la composent, et du syndicat mixte des stations touristiques du Queyras à l'indemniser des préjudices résultant, pour elle, de la résiliation ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.5211-25-1 du code général des collectivités territoriales : En cas de retrait de la compétence transférée à un établissement public de coopération intercommunale : 1° Les biens meubles et immeubles mis à la disposition de l'établissement bénéficiaire du transfert de compétences sont restitués aux communes antérieurement compétentes et réintégrés dans leur patrimoine pour leur valeur nette comptable, avec les adjonctions effectuées sur ces biens liquidées sur les mêmes bases. Le solde de l'encours de la dette transférée afférente à ces biens est également restitué à la commune propriétaire ; 2° Les biens meubles et immeubles acquis ou réalisés postérieurement au transfert de compétences sont répartis entre les communes qui reprennent la compétence ou entre la commune qui se retire de l'établissement public de coopération intercommunale et l'établissement ou, dans le cas particulier d'un syndicat dont les statuts le permettent, entre la commune qui reprend la compétence et le syndicat de communes. Il en va de même pour le produit de la réalisation de tels biens, intervenant à cette occasion. Le solde de l'encours de la dette contractée postérieurement au transfert de compétences est réparti dans les mêmes conditions entre les communes qui reprennent la compétence ou entre la commune qui se retire et l'établissement public de coopération intercommunale ou, le cas échéant, entre la commune et le syndicat de communes. Les contrats sont exécutés dans les conditions antérieures jusqu'à leur échéance, sauf accord contraire des parties. La substitution de personne morale aux contrats conclus par les communes n'entraîne aucun droit à résiliation ou à indemnisation pour le cocontractant. L'établissement public de coopération intercommunale qui restitue la compétence informe les cocontractants de cette substitution. ; que ces dispositions, contrairement à celles relatives au transfert des compétences communales vers un établissement public de coopération intercommunale, n'instituent pas une substitution de plein droit des communes à l'établissement public qui leur restitue une compétence dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes, ainsi que dans leurs droits et obligations, mais une restitution des biens et emprunts afférents à ces biens aux communes qui en étaient antérieurement propriétaires, et une répartition résultant, en principe, d'un accord amiable, pour les biens acquis et les obligations souscrites directement par l'établissement public ; qu'en l'espèce, et en l'absence de tout accord entre la communauté de communes de l'Escarton du Queyras et ses communes membres portant sur les conséquences du retrait de la compétence, notamment en ce qui concerne les contentieux en cours, la responsabilité liée à la résiliation du contrat de concession prononcée à l'initiative de la communauté de communes ne peut être regardée comme ayant été transférée à ses communes membres, qui l'auraient ensuite elles-mêmes transférée de nouveau au syndicat mixte ; que dans ces conditions, la communauté de communes de l'Escarton du Queyras n'est pas fondée à demander à être mise hors de cause du fait du dessaisissement dont elle affirme avoir fait l'objet, de même que la SOCIETE SEM QUEYRAS n'est pas fondée à demander la mise en jeu de la responsabilité solidaire des communes membres et du syndicat mixte ;
- Sur le montant de l'indemnisation sollicitée :
- en ce qui concerne la valeur non amortie des immobilisations :
Considérant que la SOCIETE SEM QUEYRAS demande à être indemnisée d'une somme de 140.762 euros correspondant à la valeur non amortie des remontées mécaniques telle qu'évaluée par l'expert à partir du bilan de l'entreprise au 30 juin 2001 ;
Considérant que pour rejeter la demande d'indemnisation sur ce point, les premiers juges ont estimé que la société requérante aurait pu y prétendre, mais que l'indemnisation qu'elle avait déjà perçue en exécution du protocole d'accord du 15 décembre 2004 incluait déjà les mêmes immobilisations, pour un montant supérieur, fixé à 219.560 euros (matériels de transport), et qu'elle était, en conséquence, débitrice de la différence ; que toutefois, il résulte des termes mêmes du protocole du 15 décembre 2004, d'une part, que celui-ci ne portait pas sur les conséquences de la résiliation, qui devaient faire l'objet d'une évaluation par l'expert, et, d'autre part, que la reprise des actifs constitués par des matériels de transport dans le cadre du protocole du 15 décembre 2004 ne portait que sur des éléments mobiliers, et non sur les remontées mécaniques, lesquelles sont des éléments de l'actif immobilier ; que la SOCIETE SEM QUEYRAS est donc fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal avait considéré qu'elle avait déjà été indemnisée des 140.762 euros qu'elle demandait à ce titre ;
Considérant, cependant, qu'aux termes de l'article 23 de la convention du 15 mars 1991 résiliée le 2 novembre 2001 : L'autorité organisatrice peut résilier unilatéralement le présent contrat à tout moment lorsque l'intérêt général l'exige. La dévolution des biens s'effectue conformément à l'article 26. L'autorité organisatrice verse en outre à l'exploitant une indemnité de résiliation anticipée qui, à défaut d'accord amiable, est fixée à dire d'expert désigné dans les conditions de l'article 27. ; qu'aux termes de l'article 26 : Dévolution des biens en fin de concession : (...) En aucun cas, l'exploitant ne pourra prétendre à une indemnité quelconque, sauf si l'autorité organisatrice souhaitait écourter l'échéance de 18 ans. En cas de non-renouvellement (...) les biens fournis par l'exploitant et ceux devenus sa propriété au terme du contrat de location-vente annexé sont remis à l'autorité organisatrice, à charge pour elle de verser à l'exploitant une somme égale à la valeur d'utilisation desdits biens. Cette valeur d'utilisation, fixée à dire d'expert, n'intégrera que la valeur vénale des biens ; les autres biens fournis par l'exploitant ainsi que les approvisionnements et stocks existants, s'ils sont nécessaires à la bonne exploitation des services, doivent être repris en tout ou partie par l'autorité organisatrice si l'exploitant le lui demande, à prix fixé à dires d'experts à défaut d'accord amiable (...). ; qu'enfin aux termes de l'article 27 : Les parties au contrat peuvent faire choisir de fixer les valeurs vénales des biens et les indemnités de fin de contrat par un ou des experts désignés conjointement. A défaut d'accord sur le montant ou sur l'expert, ce dernier est désigné par ordonnance du président du Tribunal administratif. ;
Considérant que ces stipulations ne prévoient le remboursement à l'exploitant de la valeur non amortie des biens que pour les biens fournis par lui ou devenus sa propriété au terme du contrat de crédit-bail ; que les remontées mécaniques dont la valeur a été fixée par l'expert à 140.762 euros au 30 juin 2001 n'étaient pas, à cette date, propriété de l'exploitant, faute pour le contrat de crédit-bail d'avoir atteint son terme ; que la SOCIETE SEM QUEYRAS ne pouvait, par suite, prétendre à être indemnisée de cette valeur ; qu'elle n'est ainsi pas fondée à se plaindre de ce que le Tribunal a rejeté sa demande sur ce point ;
- en ce qui concerne les charges à étaler :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport établi par l'expert désigné en référé, que les comptes de la SOCIETE SEM QUEYRAS faisaient apparaître une somme de 68.283 euros correspondant à des dépenses exposées par l'exploitant pour le compte de la collectivité concédante entre 1994 et 2001 ; que le Tribunal a admis la prise en compte de ces charges mais a ensuite estimé que la communauté de communes de l'Escarton du Queyras faisait valoir sans être contredite qu'une somme de 44.777 euros avait déjà été réglée à ce titre dans le cadre de l'accord amiable du 15 décembre 2004 et que seule pouvait donc être accordée la différence entre ces deux sommes, soit 23.506 euros;
Considérant, toutefois, que le rapport d'expertise dans le cadre duquel les parties ont pu faire valoir leur analyse, a été déposé en juillet 2006, soit plus de 18 mois après l'accord du 15 décembre 2004 et ne mentionne nullement que ces charges auraient déjà été partiellement été remboursées au titre de cet accord ; qu'aucun des dires de la communauté de communes de l'Escarton du Queyras dans le cadre de l'expertise ne porte sur un éventuel double emploi entre les sommes qu'elle a versées à la SOCIETE SEM QUEYRAS au titre de l'accord amiable, qui portait sur un objet différent de celui de l'expertise, et les indemnités proposées par l'expert ; qu'enfin aucun autre élément de l'instruction ne vient au soutien de l'affirmation qu'elle a présentée dans son mémoire du 11 janvier 2007 devant le Tribunal et selon laquelle les charges à étaler déterminées par l'expert engloberaient les sommes de 10.204 euros pour des travaux réalisés sur piste et de 34.573 euros pour la visite V3 du télésiège d'Aiguilles déjà incluses dans l'accord amiable du 15 décembre 2004 ; que par suite, la SOCIETE SEM QUEYRAS est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont déduit une somme de 44.777 euros de l'indemnité de 68.283 euros proposée par l'expert ;
- en ce qui concerne les loyers de crédit-bail versés avant résiliation , soit 2.486.145 euros :
Considérant que la SOCIETE SEM QUEYRAS demande à être indemnisée de la somme de 2.486.145 euros correspondant aux loyers de crédit-bail qu'elle a versés avant la résiliation de la convention ; qu'elle fait valoir que ces sommes ont été versées en pure perte puisqu'elle a été privée de la faculté de devenir propriétaire des biens du fait de la rupture du contrat de crédit-bail consécutive à la résiliation de la convention d'exploitation et que c'est à tort que le Tribunal administratif de Marseille a estimé que les loyers versés avaient trouvé leur contrepartie dans l'utilisation des biens ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la convention constituant l'annexe 3 à la convention de construction et d'exploitation du 15 mars 1991 était une convention de crédit-bail dans le cadre de laquelle les loyers versés pendant les quatorze premières années par la SOCIETE SEM QUEYRAS au District du Queyras, devenu communauté de communes de l'Escarton du Queyras lui permettaient de devenir propriétaire des biens à l'issue de la quinzième année, faculté dont elle a été privée du fait de la résiliation des conventions ; que toutefois, il résulte des mêmes de l'article 26 de la convention du 15 mars 1991 qu'à l'échéance de la convention, fixée à 18 ans, les biens mis à disposition de l'exploitant par l'autorité organisatrice dans le cadre de la convention de crédit-bail, même s'ils étaient devenus propriété de l'exploitant devaient être remis à l'autorité concédante, à charge pour elle d'indemniser la valeur d'utilisation desdits biens, dans la limite de leur valeur vénale, elle-même non significative au delà des 15 ans pendant lesquels s'exécutait le contrat de crédit-bail puisque le contrat mentionnait une valeur nulle, voire négative, pour les équipements de plus de quinze ans lors de sa conclusion ; qu'ainsi, l'acquisition des biens compris dans la location-vente ne pouvait, en aucun cas, et compte tenu de la nature de la convention principale, revêtir un caractère définitif ; que la SOCIETE SEM QUEYRAS, qui n'avait donc pas vocation à rester propriétaire des biens au delà de l'échéance du contrat, ne peut dans ces conditions utilement soutenir que les loyers qu'elle a versés l'auraient été en pure perte du seul fait de la résiliation des conventions dont elle était titulaire ; qu'elle n'est donc pas fondée à se plaindre de ce que les premiers juges ont écarté sa demande sur ce point ;
- en ce qui concerne la perte patrimoniale de 6.328.006 euros du fait de la rupture anticipée de la promesse de vente :
Considérant que la SOCIETE SEM QUEYRAS demande la prise en compte de la perte patrimoniale de 6.328.006 euros qu'elle aurait subie du fait de l'impossibilité dans laquelle elle s'est trouvée de devenir propriétaire des biens compris dans la convention de location-vente ; qu'ainsi qu'il l'a été dit ci-avant, l'acquisition desdits biens n'aurait pu, même en l'absence de résiliation anticipée, revêtir un caractère définitif ; qu'en l'absence de perte patrimoniale liée à la seule rupture de la promesse de vente, la société appelante n'est donc pas fondée à se plaindre de ce que le Tribunal a rejeté cette demande ;
- en ce qui concerne le manque à gagner :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert que la SOCIETE SEM QUEYRAS a réalisé des bénéfices de 1992 à 1998 pour un montant cumulé d'environ 900.000 euros ; qu'elle a, en revanche, subi des pertes en 1999, 2000 et 2001 pour un montant supérieur à 1.100.000 euros ; que le même rapport expose que si le résultat est globalement déficitaire, les charges représentées par les loyers versés à l'autorité organisatrice entrent pour une large part dans ce déficit ; qu'il observe enfin qu'au cours des quatre dernières années d'exploitation avant l'échéance normale du contrat de concession, la SOCIETE SEM QUEYRAS n'aurait plus eu à verser de loyer de location-vente, la convention de crédit-bail arrivant à échéance au bout de 15 ans et qu'en conséquence, le manque à gagner subi par la société appelante du fait de la résiliation du contrat de concession équivaut à quatre années de loyers, soit 602.478 euros ; que pour écarter la demande correspondante, le jugement attaqué s'est fondé principalement sur l'existence des déficits antérieurs ; que toutefois, et ainsi qu'il vient d'être dit, les pertes nettes de la période pendant laquelle la convention a couru sont inférieures aux loyers versés pendant la même période ; que la SOCIETE SEM QUEYRAS pouvait donc attendre un bénéfice en 2006, 2007, 2008 et 2009, exercices au cours desquels le loyer de crédit-bail n'aurait pas à être acquitté ; qu'elle est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a estimé qu'aucun bénéfice ne pouvait être escompté ; qu'en l'absence de toute contestation réelle sur ce point, il y a lieu de retenir la somme de 602.478 euros évaluée par l'expert ;
- en ce qui concerne la somme de 152.499,02 euros que la communauté de communes de l'Escarton du Queyras estime être en droit de recouvrer :
Considérant que les premiers juges ont déduit des sommes qu'ils estimaient devoir être mises à la charge de la communauté de communes de l'Escarton une somme de 152.499,02 euros qu'elle a dû verser au Crédit Agricole en avril 2003 en tant que caution d'un prêt bancaire que la SOCIETE SEM QUEYRAS n'avait pas honoré ; que toutefois, ce versement était antérieur à l'accord amiable passé en décembre 2004 entre la communauté de communes et la SOCIETE SEM QUEYRAS et qui mettait fin aux différends financiers autres que ceux liés à la résiliation de la concession qui les opposaient ; que cet accord avait donc nécessairement mis fin au différend issu de la mise en jeu de la caution ; que la SOCIETE SEM QUEYRAS est dès lors fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont regardée comme débitrice de ladite somme ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la communauté de communes de l'Escarton du Queyras doit être condamnée à verser à la SOCIETE SEM QUEYRAS une indemnité de 670.761 euros, correspondant à des charges à étaler pour 68.283 euros et à un manque à gagner de 602.478 euros ;
- Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts
Considérant que la SOCIETE SEM QUEYRAS demande que la condamnation mise à la charge de la communauté de communes de l'Escarton du Queyras soit assortie des intérêts au 13 août 2002, date de sa demande devant le Tribunal ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande ; qu'à cette date, il n'était toutefois pas dû une année d'intérêts ; qu'il n'y a donc lieu de faire droit à la demande tendant à la capitalisation des intérêts qu'à compter du 13 août 2003, puis à chaque échéance annuelle ;
- Sur les frais d'expertise :
Considérant que les frais d'expertise, arrêtés à la somme de 9.106,05 euros (neuf mille cent six euros et cinq centimes) doivent être mis à la charge de la communauté de communes de l'Escarton du Queyras ;
- Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE SEM QUEYRAS la somme de 3.000 euros que demande la communauté de communes de l'Escarton du Queyras en remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne convient pas, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SEM QUEYRAS les sommes que demandent les communes membres de la communauté de communes de l'Escarton du Queyras sur le fondement du même article ;
Considérant, enfin, qu'il y a lieu de mettre à la charge de la communauté de communes de l'Escarton du Queyras une somme de 2.000 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE SEM QUEYRAS et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du Tribunal administratif de Marseille du 5 juin 2007 sont annulés .
Article 2 : La communauté de communes de l'Escarton du Queyras est condamnée à verser à la SOCIETE SEM QUEYRAS une indemnité de 670.761 euros. Cette somme sera assortie des intérets à compter du 13 août 2002. Les intérêts seront capitalisés à compter du 13 août 2003 et à chaque échéance annuelle.
Article 3 : Les frais de l'expertise, taxés à 9.106,05 euros sont mis à la charge de la communauté de communes de l'Escarton du Queyras.
Article 4 : La communauté de communes de l'Escarton du Queyras versera à la SOCIETE SEM QUEYRAS une somme de 2.000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la SOCIETE SEM QUEYRAS est rejeté.
Article 6 : Les conclusions de la communauté de communes de l'Escarton du Queyras et des communes d'Abries, d'Aiguilles, d'Arvieux, de Ceillac, de Château-Ville-Vieille, de Molines, de Ristolas et de Saint Véran tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE SEM QUEYRAS, à la communauté de communes de l'Escarton du Queyras, au syndicat mixte des stations de montagne du Queyras, à la commune d'Abries, à la commune d'Aiguilles, à la commune d'Arvieux, à la commune de Ceillac, à la commune de Château-Ville-Vieille, à la commune de Molines, à la commune de Ristolas et à la commune de Saint-Véran et au ministre de ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.
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