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23/03/2010 | FRANCE | N°07MA02314

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 23 mars 2010, 07MA02314


Vu la requête, enregistrée le 21 juin 2007, présentée pour M. et Mme Marc A, demeurant ... par Me Luciani ; les époux A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0305943 du 26 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1996, 1997 et 1998 ;

2°) avant dire droit, de désigner un expert afin de déterminer le montant des insuffisances de trésorerie éventuelle

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3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des impositions contestées e...

Vu la requête, enregistrée le 21 juin 2007, présentée pour M. et Mme Marc A, demeurant ... par Me Luciani ; les époux A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0305943 du 26 mars 2007 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1996, 1997 et 1998 ;

2°) avant dire droit, de désigner un expert afin de déterminer le montant des insuffisances de trésorerie éventuelles ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative et l'arrêté d'expérimentation du vice-président du Conseil d'Etat du 27 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 février 2010,

- le rapport de Mme Haasser, rapporteur,

- et les conclusions de M. Emmanuelli, rapporteur public ;

Considérant que M. A exerçait la profession d'huissier de justice au sein de la SCP Nicolai-Nicolai-Carabalona dont il était associé ; que suite à des anomalies mises en évidence par la chambre régionale des huissiers de justice des Alpes-Maritimes, les trois associés ont été en mars 1999 mis en examen par le juge d'instruction du Tribunal de grande instance de Grasse, du chef d'abus de confiance aggravée par officier ministériel, et banqueroute ; que par un avis de vérification du 2 septembre 1999, la société était informée qu'une procédure de vérification de comptabilité allait être engagée à son encontre, portant sur les exercices 1996, 1997 et 1998 ; qu'un nouvel avis de vérification informait les époux A de l'engagement d'un examen de situation fiscale personnelle portant sur la même période ; que l'administration a décidé d'exercer le droit de communication qu'elle détient des articles L.82 C et L.101 du livre des procédures fiscales auprès du ministère de la justice le 19 octobre 1999 ; que les documents consultés dans le dossier d'instruction ayant révélé des omissions et insuffisances concernant les bénéfices professionnels, l'administration a, en application des dispositions de l'article L.170 du livre des procédures fiscales, notifié le 7 avril 2000 des rappels relatifs à l'année 1996, ainsi qu'aux années ultérieures non prescrites 1997 et 1998 ;

Sur la prescription de l'action de l'administration :

Considérant que M. A soutient que le motif du rappel relatif à l'appropriation des fonds clients de l'étude d'huissiers trouvant son origine dans des années antérieures à la période vérifiée, ce rappel se trouve prescrit ; qu'aux termes de l'article L.170 du livre des procédures fiscales : Même si les délais de reprise sont écoulés, les omissions ou insuffisances d'imposition révélées par une instance devant les tribunaux peuvent être réparées par l'administration des impôts jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ; qu'une omission affectant l'année 1996 peut ainsi être réparée, c'est-à-dire faire l'objet d'une notification, jusqu'en 2006 ; que dès lors qu'il est constant que l'omission en cause qui affecte les années contrôlées 1996 à 1998 a été révélée par l'instance ouverte devant le Tribunal de grande instance de Grasse en mars 1999, l'administration disposait jusqu'à fin 2006 pour notifier une omission affectant le revenu de l'année 1996 ; qu'ainsi, la notification adressée le 7 avril 2000 n'était pas tardive et permettait de redresser les éléments du revenu d'ensemble de M. A de l'année 1996 en application des dispositions précitées ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que le requérant soutient que le jugement n'a pas répondu aux moyens invoqués en première instance visant l'irrégularité de procédure tenant à l'exercice du droit de communication, en ce que l'information fournie aux requérants dans la notification de redressements du 7 avril 2000 était insuffisante du fait qu'à cette notification ne pouvait matériellement être annexée copie de la notification adressée à la SCP d'huissiers seulement le 10 avril 2000, en ce que l'information sollicitée de l'administration ne visait pas les modalités d'obtention des renseignements utilisés pour établir les redressements, mais leur nature et leur teneur ; que pour sa part, Mme A, étrangère au contrôle, ne pouvait connaître ces informations suite à la carence dans la transmission de la notification à la SCP, ce qui l'a privée des éléments lui permettant d'apprécier les rappels notifiés à son foyer fiscal ;

Considérant qu'en indiquant qu'il ressort de la notification adressée à la SCP et jointe à celle adressée à celui-ci , le jugement a statué sur le moyen tiré des éventuelles difficultés de transmission soulevé par M. A ; qu'en indiquant l'administration a suffisamment informé le requérant de l'origine, la nature et la teneur des renseignements recueillis auprès de l'autorité judiciaire...que M. et Mme A ont ainsi disposé de la possibilité d'en demander communication , le jugement a répondu au moyen critiquant l'absence d'information sur la nature et la teneur des renseignements utilisés, en soulignant que les intéressés avaient tous les éléments pour demander communication des commissions rogatoires dont les références et la date étaient indiquées ; que le jugement, qui précise que M. et Mme A ont ainsi disposé de la possibilité d'en demander communication , a estimé que Mme A était incluse dans la procédure visant le revenu d'ensemble au même titre que son époux, conformément au texte qui rend opposable à chaque conjoint ses déclarations ; qu'il suit de là que le jugement attaqué a répondu aux moyens soulevés ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'est invoquée l'irrégularité de l'exercice du droit de communication, dès lors que l'information fournie aux requérants dans la notification de redressements du 7 avril 2000 aurait été insuffisante, du fait qu'à cette notification ne pouvait matériellement être annexée copie de la notification à la SCP d'huissiers Nicolai-Nicolai-Carabalona adressée seulement le 10 avril 2000, que la nature et la teneur des enseignements utilisés pour établir les redressements n'y sont pas indiquées, et que Mme A, étrangère au contrôle, ignorait tout de ces éléments faute d'avoir eu connaissance à temps de la notification adressée à la SCP ;

Considérant que l'administration produit l'accusé de réception de la notification datée du 7 avril 2000, présentée et distribuée le 17 avril 2000, et établit ainsi que ce pli pouvait contenir copie de la notification à la SCP, datée du 10 avril, et que Mme A était en mesure de connaître, dès réception des rappels notifiés à titre personnel, les éléments les fondant et tirés de la vérification de la SCP ; qu'en se bornant à soutenir avoir reçu le 10 avril 2000 la notification datée du 7 avril, les époux A ne contredisent pas utilement le service ;

Considérant que l'administration n'est pas tenue d'indiquer de manière détaillée dans une notification, le contenu des renseignements obtenus suite à l'exercice du droit de communication, mais seulement leur origine, leur nature et leur teneur ; que le service a rempli cette obligation en indiquant les références des commissions rogatoires, le nom du magistrat les ayant délivrées et leur date ; que ces éléments étaient suffisants, sans qu'il soit besoin d'indiquer en outre les cotes des procédures et leur contenu, pour permettre à M. A d'en demander communication au service, ce qu'il n'établit pas avoir fait ; qu'il ne peut reprocher au service d'avoir négligé son devoir de communication en estimant qu'il aurait pu se procurer les éléments en cause en s'adressant directement au juge judiciaire ; que, par ailleurs, la notification de redressements ne souffre d'aucun manque de motivation de ce chef ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Sur le principe du redressement :

Considérant que M. A soutient que le rappel effectué sur le fondement de l'article 92-1 du code général des impôts, consistant à regarder comme des bénéfices non commerciaux la discordance entre la trésorerie disponible dans la SCP et les sommes dues aux clients, n'est pas fondé, dès lors que cette discordance existait bien avant le début de la période vérifiée, ce qui a rendu impossible une appropriation des fonds clients par les associés de la SCP durant celle-ci ; que la période réelle d'appropriation des fonds ne saurait être déterminée que par voie d'expertise ; que l'insuffisance de trésorerie constatée ne signifie pas nécessairement appropriation par les associés des fonds clients ; que cette insuffisance n'est que provisoire et a été régularisée pour partie ; qu'il n'y aurait profit taxable qu'en cas d'insuffisance devenue définitive ; qu'il résulte tant d'une attestation de l'administrateur judiciaire Me Collet, que de l'examen des comptes bancaires des associés, qu'aucun enrichissement personnel n'a été constaté ;

Considérant que les fonds bancaires détenus par un office d'huissiers doivent être à tout moment suffisants pour permettre un reversement immédiat à ses clients des fonds récoltés et détenus pour leur compte ; qu'il ressort du jugement correctionnel du Tribunal de grande instance de Grasse du 18 juillet 2003 que M. A a été prévenu d'avoir détourné, courant 1995 jusqu'en 1999, des fonds ou valeurs qui lui avaient été remis et qu'il n'avait acceptés qu'à charge de les rendre, en disposant d'une somme de 6 900 000 F correspondant aux fonds clients...de s'être rendu coupable du délit de banqueroute en ayant employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds... en ayant détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif en tant que dirigeant d'une personne morale...en ayant tenu une comptabilité incomplète ou irrégulière ; que le même jugement condamne M. A à 32 mois de prison avec sursis et à une interdiction d'exercice de sa profession pendant cinq ans ; que la qualification des faits opérée par le juge pénal s'imposant au juge administratif, ce dernier, statuant sur les conséquences fiscales qu'en a tiré l'administration, a pu en l'espèce valider à bon droit le rappel fondé sur l'application de l'article 92-1 du code général des impôts, selon lequel constituent des bénéfices non commerciaux, les bénéfices de toutes exploitations lucratives et sources de profit ne se rattachant pas à une autre catégorie de revenus ; que l'insuffisance de trésorerie ayant été qualifiée de détournement au profit des associés, le service établit que ceux-ci doivent être regardés comme s'étant appropriés les fonds clients, générant de ce fait des revenus imposables qu'il y a lieu de constater au plus tard à la fin de l'exploitation ; qu'importent dès lors peu à cet égard, nonobstant l'absence d'enrichissement personnel constaté, la date de naissance de la discordance observée, son caractère provisoire ou non et sa prétendue régularisation, d'ailleurs non justifiée ; qu'il y a lieu de confirmer le redressement effectué par l'administration fiscale suite auxdits agissements, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise aux fins de déterminer la période réelle d'appropriation des fonds ;

Sur le montant du redressement :

Considérant que les époux A soutiennent que le montant imposé est exagéré dès lors que les prélèvements apparaissant sur les comptes courants des associés sont inférieurs à leurs apports et que l'insuffisance n'est pas de 6 590 845 F mais de 2 154 577 F selon le rapport de l'expert, M. B, qui a établi le dossier de cessation de paiements au 12 avril 1999 ;

Considérant que le vérificateur, après avoir écarté la comptabilité comme non probante, ce qui n'est pas contesté, a reconstitué le chiffre d'affaires existant au 31 décembre 1998, dernier exercice vérifié, en distinguant les recettes ventes aux enchères évaluées à 1 766 830 F, et les recettes huissier évaluées à 4 824 015 F à partir de la balance clients constatée au 11 mars 1999, date de mise sous administration judiciaire ; que le solde de ladite balance clients, de 6 894 997 F, a été diminué des écritures passées entre le 1er janvier et le 11 mars, et s'établit alors à 5 701 640 F, soit, après déduction de la trésorerie de 877 626 F présente fin décembre 1998, à 4 824 015 F ; que le total de la reconstitution des recettes des deux activités s'élève à 6 590 844 F, montant notifié à la SCP et imposé à M. A en proportion de ses parts ; que ce dernier, chargé de la preuve de l'exagération de l'imposition dès lors que la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a confirmé le bien-fondé du rejet de la comptabilité, ne l'apporte pas en se bornant à faire état du chiffre de M. D, qui relate la situation en avril 1999 et non à fin 1998, ou à affirmer que les retraits de M. A sont inférieurs à ses apports, alors même que les chiffres desdits retraits sont variables (3 968 791 F selon M. C ou 1 422 564 F selon un état non certifié de son compte courant), et que ses apports, 4 737 441 F selon le même compte courant, ne sont pas justifiés ; que M.A n'est pas fondé à soutenir que le rappel ne devait être constaté qu'à la fin de l'exploitation après liquidation de la société, dès lors que le vérificateur a arrêté la situation à la date de mise sous administration judiciaire, qui marque la fin des agissements frauduleux ; que le risque de double imposition entre la présente taxation et celle des plus-values lors de la vente de l'étude et lors de la vente de son patrimoine immobilier n'est pas avéré, dès lors que la présente imposition ne repose que sur les sommes détournées par les associés, calculées à partir des seuls fonds clients, sans confusion possible avec les éventuels apports ou prêts personnels consentis par les associés pour équilibrer la trésorerie, lesquels sont comptabilisés dans des comptes différents en raison de leurs niveaux différents d'exigibilité ;

Sur les frais financiers :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par l'administration pour irrecevabilité :

Considérant que M. A, qui déclare reprendre le moyen de première instance, a soutenu que la SCP a versé aux associés des intérêts équivalents à ceux que ces derniers supportent du fait de prêts qu'ils ont contractés à titre personnel pour renflouer la trésorerie de la société ; que lesdits intérêts n'ont pas été regardés comme des charges déductibles dans la société, faute d'accord express de la SCP en ce sens et d'écritures comptables correspondantes ; qu'il y a lieu de rejeter le moyen par adoption des motifs du jugement de première instance ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'il ressort de la notification de redressement du 10 avril 2000 adressée à la SCP, qu'elle développait les motifs tenant à la nature, la fréquence et l'importance des redressements pour lesquels le service avait décidé d'écarter la présomption de bonne foi ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que ces pénalités n'auraient pas été suffisamment motivées ;

Considérant qu'en relevant qu'il n'était pas possible que les associés ignorent l'appropriation des fonds clients, constatée chaque année, appropriation que les associés de la SCP avaient tenté de dissimuler par des écritures comptables et le recours à des emprunts personnels, et en précisant que les redressements se sont avérés supérieurs aux bénéfices déclarés, l'administration a établi la mauvaise foi et a justifié l'application des pénalités contestées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Marc A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

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N° 07MA02314 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 07MA02314
Date de la décision : 23/03/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Anita HAASSER
Rapporteur public ?: M. EMMANUELLI
Avocat(s) : LUCIANI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-03-23;07ma02314 ?
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