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30/06/2008 | FRANCE | N°07MA00868

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 30 juin 2008, 07MA00868


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 15 mars 2007, sous le n° 07MA00868, présentée par le PREFET DES BOUCHES-DU-RHONE ; Le PREFET DES BOUCHES-DU-RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0205471 du 15 février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à verser à la société Navarro la somme de 239 329,90 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à l'occasion de la grève nationale des conducteurs routiers du 10 au 13 mars 2002 ;

2°) de rejeter la demande présent

ée par la société Navarro devant le Tribunal administratif de Marseille ;

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille le 15 mars 2007, sous le n° 07MA00868, présentée par le PREFET DES BOUCHES-DU-RHONE ; Le PREFET DES BOUCHES-DU-RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0205471 du 15 février 2007 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à verser à la société Navarro la somme de 239 329,90 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à l'occasion de la grève nationale des conducteurs routiers du 10 au 13 mars 2002 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Navarro devant le Tribunal administratif de Marseille ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 2008 :

- le rapport de Mme Pena, conseiller ;

- et les conclusions de Mme Paix, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.2216-3 du code général des collectivités territoriales : L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de quatre constats d'huissiers suffisamment circonstanciés, qu'au cours d'une période comprise entre la nuit du 10 mars 2002 et la soirée du 12 mars 2002, quarante-trois véhicules appartenant à la société de transports Navarro ainsi que dix-huit semi-remorques appartenant à certains de ses fournisseurs et contenant des marchandises destinées à lui être livrées ont fait l'objet d'immobilisations aux abords et au sein de sa plate-forme logistique située dans la zone d'activités des Milles à Aix-en-Provence alors que se déroulait un mouvement national de grève des transports routiers ; que les faits qui sont à l'origine de ces immobilisations ont été commis par des attroupements et rassemblements au sens des dispositions précitées de l'article L.2216-3 du code général des collectivités territoriales et sont constitutifs d'un délit, commis à force ouverte, d'entrave à la circulation au sens de l'article L.412-1 du code de la route ; qu'ils sont ainsi de nature à engager la responsabilité de l'Etat à raison des dommages directs et certains qui en ont été la conséquence sur le fondement des mêmes dispositions précitées de l'article L.2216-3 du code général des collectivités territoriales ; que la circonstance que la société Navarro aurait eu connaissance dudit mouvement de grève des transporteurs routiers par les médias n'est pas de nature à établir que cette dernière ait commis une imprudence en faisant circuler ses camions aux dates litigieuses ; que s'il n'est pas davantage établi par ailleurs que certains des chauffeurs de cette société se soient volontairement immobilisés par solidarité avec le mouvement, cette circonstance ne serait pas, au vu de l'ampleur dudit mouvement, de nature à exonérer même partiellement l'Etat de sa responsabilité ; qu'est enfin sans incidence sur ladite responsabilité, la circonstance également alléguée par le préfet selon laquelle la société intéressée n'aurait donné aucun élément d'information sur d'éventuels contrats d'assurances souscrits par elle et permettant d'établir les conditions de remboursement on non d'une partie de l'éventuel préjudice subi ; qu'il suit de là que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la société Navarro était fondée à rechercher la responsabilité de l'Etat sur le fondement des dispositions précitées de l'article L.2216-3 du code général des collectivités territoriales ;

Sur le préjudice :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Navarro, dont l'activité consiste en la préparation des expéditions et le transport de produits frais, a notamment produit un rapport d'expertise daté du 30 mai 2002 portant sur la perte économique qu'elle a subie au cours du mouvement de grève nationale des conducteurs routiers du mois de mars 2002 ; que si le PREFET DES BOUCHES-DU-RHONE qui se contente d'alléguer que le produit d'exploitation mensuel ayant servi de base pour calculer la perte de marge brute aurait été surévalué par ladite expertise, et persiste par ailleurs à soutenir que la période d'indemnisation retenue par ladite expertise serait erronée, il est constant que les barrages routiers n'ont été levés que le 12 mars au soir et que, eu égard au caractère périssable des denrées dont elle devait assurer le transport, la société a dû consacrer la journée du 13 mars à débarquer les marchandises périmées, procéder à leur destruction et reprogrammer ses tournées avant d'être en mesure d'assurer à nouveau ses prestations logistique et de transport ; que dans ces conditions, et au vu notamment des conséquences engendrées par lesdits blocages sur l'organisation des activités de la société dont le fonctionnement dépend directement ou indirectement du réseau routier, c'est à bon droit que le tribunal administratif s'est fondé sur l'expertise susmentionnée du 30 mai 2002 pour fixer le préjudice de la société Navarro à une somme globale de 234 954 euros sur une période de quatre jours ; que les frais d'expertise dont l'intéressée demande le remboursement sont également, et contrairement à ce que fait valoir le préfet, la conséquence directe des délits visés par l'article L.2216-3 du code général des collectivités territoriales ; que les frais de conseil juridique dont il est également demandé le remboursement sont pris en compte dans le remboursement des frais irrépétibles ; que par suite son préjudice total doit être évalué, ainsi que l'ont justement estimé les premiers juges, à la somme de 239 329,90 euros ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de sa requête, le PREFET DES BOUCHES-DU-RHONE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à verser à la société Navarro la somme de 239 329,90 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis à l'occasion de la grève nationale des conducteurs routiers du 10 au 13 mars 2002 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : «Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de condamner l'Etat à payer à la SAS SLD Aix-en-Provence qui vient aux droits de la SA Navarro une somme de 1 600 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête du PREFET DES BOUCHES-DU-RHONE est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la SAS SLD Aix-en-Provence qui vient aux droits de la SA Navarro une somme de 1 600 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et à la SAS SLD Aix-en-Provence.

Copie en sera adressée au PREFET DES BOUCHES-DU-RHONE.

N° 07MA00868 2

mp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 07MA00868
Date de la décision : 30/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BONMATI
Rapporteur ?: Mme Eleonore PENA
Rapporteur public ?: Mme PAIX
Avocat(s) : SCP OMAGGIO

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2008-06-30;07ma00868 ?
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