Vu la requête, enregistrée par télécopie le 5 décembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Douai et régularisée par la production de l'original le 7 décembre 2007, présentée pour M. Ludovic X, demeurant ..., par Me Chirez, avocat ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0502653 du 3 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 août 2005 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement confirmant la décision du 17 février 2005 de l'inspecteur du travail accordant à la société La Brosse et Dupont l'autorisation de le licencier pour faute ;
2°) d'annuler ladite décision ministérielle du 5 août 2005 confirmant l'autorisation de licenciement accordée le 17 février 2005 par l'inspecteur du travail ;
3°) de condamner la société LBD Laflachère Force de vente à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- que la procédure préalable à son licenciement est irrégulière ; que les représentants syndicaux n'ont pas été présents à la réunion extraordinaire du comité d'établissement qui devait émettre un avis sur son licenciement et qu'ainsi, ils n'ont pas participé aux débats dudit comité ;
- que les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis et ne constituent pas une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; que le dépassement de ses heures de délégation était justifié par des circonstances exceptionnelles liées aux nécessités de ses fonctions représentatives ; qu'en tant que délégué syndical, il a dû se consacrer pleinement aux fonctions afférentes à son mandat, compte tenu des difficultés économiques de la société et de la restructuration de celle-ci ; qu'il a produit des justificatifs pour ses absences pour les mois de septembre, octobre, novembre, décembre 2004 et janvier, février 2005 ; que la société a procédé à une modification substantielle de son contrat de travail en réduisant son secteur d'activités qui lui était attribué en lui retirant près de 40 % du volume de celui-ci ; que compte tenu de ces éléments, l'autorité administrative a commis une erreur d'appréciation en autorisant son licenciement ;
- que son activité syndicale et l'exercice de son mandat sont à l'origine de la procédure de licenciement engagée à son encontre ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu l'ordonnance du 10 janvier 2008 portant clôture de l'instruction au 10 avril 2008 ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 août 2008, présenté pour la société par actions simplifiée La Brosse et Dupont, dont le siège social est 83 rue du Faubourg St Jacques à Beauvais (60026) cedex, par la SCP Fournal, Garnier, Jallu, Devillers ; elle conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. X à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle fait valoir :
- que la requête présentée par M. X est irrecevable en ce qu'elle se borne à reprendre les moyens soulevés en première instance sans critiquer le jugement attaqué ;
- à titre subsidiaire, sur le fond, que la procédure préalable au licenciement de M. X est régulière ; que l'interversion des réunions du comité d'entreprise a été acceptée par tous ses membres, y compris M. X lui-même et que la seule circonstance que deux délégués syndicaux, qui n'ont que voix consultative, soient arrivés une demi-heure en retard à la réunion du comité chargé d'émettre un avis sur le licenciement de l'intéressé n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la tenue de celle-ci ;
- que M. X n'établit pas l'existence de circonstances exceptionnelles justifiant le dépassement de son contingent d'heures de délégation ; qu'il ne justifie, également, d'aucune démarche, ni activité en rapport avec ses mandats ; qu'il ne justifie pas de ses absences, ni de l'impossibilité matérielle pour lui d'effectuer son travail ; que l'inspecteur du travail et le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement n'ont pas commis d'erreur d'appréciation en autorisant le licenciement de M. X ;
Vu l'ordonnance du 26 août 2008 portant réouverture de l'instruction ;
Vu les bordereaux de pièces, enregistrés par télécopie le 3 octobre 2008 et confirmé par la réception de l'original le 6 octobre 2008, présentés pour M. X ;
Vu l'examen des pièces desquelles il résulte que la requête a été communiquée au ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité qui n'a pas produit de mémoire en défense ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 octobre 2008 à laquelle siégeaient M. Gérard Gayet, président de chambre, Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur et Mme Corinne Baes Honoré, premier conseiller :
- le rapport de Mme Marie-Christine Mehl-Schouder, président-assesseur ;
- les observations de M. X ;
- et les conclusions de M. Alain de Pontonx, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société La Brosse et Dupont a demandé à l'inspecteur du travail, le 17 décembre 2004, l'autorisation de licencier pour faute M. X, délégué syndical, membre titulaire du comité d'entreprise et délégué du personnel suppléant ; que, par une décision du 17 février 2005, l'inspecteur du travail lui a accordé cette autorisation ; que, par une décision du 5 août 2005, le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, saisi par la voie du recours hiérarchique, a confirmé la décision de l'inspecteur du travail et maintenu l'autorisation de licencier M. X qui avait été accordée à la société La Brosse et Dupont ; que M. X doit, donc, être regardé comme relevant appel du jugement du 3 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision ministérielle du 5 août 2005, ensemble la décision du 17 février 2005 de l'inspecteur du travail ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par la société La Brosse et Dupont :
Considérant que la requête introduite par M. X tendant à l'annulation de la décision du 5 août 2005 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, confirmant la décision du 17 février 2005 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement, comporte une critique des motifs du jugement attaqué en ce qui concerne, notamment le caractère de gravité suffisante des faits qui lui sont reprochés ; que par suite, la fin de non-recevoir opposée par la société La Brosse et Dupont ne peut qu'être écartée comme non fondée ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'en vertu des dispositions des articles L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail, tout licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, d'un membre titulaire ou suppléant du comité d'entreprise ou d'un représentant syndical est obligatoirement soumis au comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement. Le licenciement ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que l'article L. 433-1 du même code dispose que : « Le comité d'entreprise comprend le chef d'entreprise ou son représentant et une délégation du personnel comportant un nombre de membres fixé par décret en Conseil d'Etat compte tenu du nombre des salariés. Cette délégation comporte un nombre égal de titulaires et de suppléants. Les suppléants assistent aux séances avec voix consultative (...). Sous réserve des dispositions de l'article L. 412-17, chaque organisation syndicale de travailleurs représentative dans l'entreprise peut désigner un représentant au comité. Il assiste aux séances avec voix consultative (...) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'ensemble des membres du comité d'établissement de la société a été convoqué, d'une part, à une réunion ordinaire qui devait se tenir le 15 décembre 2004 à 13 H 30 et était relative à l'activité et au fonctionnement de la société La Brosse et Dupont, et, d'autre part, à une réunion extraordinaire qui devait se tenir le même jour, mais à 15 H 30, et qui avait pour objet d'obtenir un avis sur le projet de licenciement de M. X ; que l'ordre de ces deux réunions a toutefois été inversé, avec l'accord des membres présents dudit comité et de M. X, afin de permettre à un des membres du comité d'établissement de partir plus tôt ; qu'il a ainsi été décidé de débuter la réunion portant sur le licenciement de M. X à 13 H 30, même s'il est constant qu'elle n'a en réalité débuté qu'avec retard, à 14 H 00, dans le but de permettre à un maximum de participants d'être présents ; qu'en dépit des précautions ainsi prises, il ressort d'une lecture combinée des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de la réunion extraordinaire du comité d'établissement et des écritures présentées par le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement en première instance, que la réunion en cause s'est déroulée en-dehors de la présence de deux délégués syndicaux, arrivés en fin de réunion et postérieurement au vote des membres du comité d'établissement ; qu'il n'est ni allégué ni soutenu que ce vote aurait été émis après 15 H 30, heure initialement fixée pour la convocation de ces délégués à la réunion extraordinaire ; que, dans ces conditions, lesdits délégués ne peuvent être regardés comme ayant été en mesure de participer aux débats dudit comité portant sur l'examen du projet de licenciement de M. X ; que, par suite, le requérant est fondé à soutenir que l'avis du comité d'établissement, qui a été favorable à son licenciement, a été émis dans des conditions irrégulières, nonobstant la circonstance que ces délégués n'avaient que voix consultative et qu'ils ne pouvaient, ainsi, participer au vote ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par M. X, que celui-ci est fondé à soutenir, pour ce seul motif, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif d'Amiens a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 5 août 2005 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, ensemble la décision du 17 février 2005 de l'inspecteur du travail ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à la société La Brosse et Dupont la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, d'autre part, il n' y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la SAS La Brosse et Dupont le paiement à M. X d'une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0502653 du 3 octobre 2007 du Tribunal administratif d'Amiens et les décisions des 17 février et 5 août 2005 de l'inspecteur du travail et du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de M. X est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société La Brosse et Dupont au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Ludovic X, à la société La Brosse et Dupont et au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
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N°07DA01837