Vu le recours, enregistré au greffe de la cour le 30 juillet 2007 sous le n° 07BX01625, présenté par le MINISTRE DE LA SANTE, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS qui demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0200388 en date du 5 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à Mlle Carine X la somme de 610.252,05 euros en réparation des préjudices subis à la suite d'une vaccination obligatoire contre l'hépatite B et une rente annuelle d'un montant de 10.950 euros, ainsi qu'une somme de 639.698,21 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne ;
2°) de rejeter la demande de Mlle X ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 octobre 2009,
- le rapport de M. Lafon, conseiller ;
- les observations de Me Dessaux, avocat de Mlle Carine X ;
- et les conclusions de M. Zupan, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;
Considérant que le MINISTRE DE LA SANTE, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS interjette appel du jugement en date du 5 juillet 2007 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat, en réparation des préjudices subis à la suite d'une vaccination contre l'hépatite B, à verser d'une part, à Mlle X une indemnité de 610.252,05 euros et une rente annuelle pour tierce personne d'un montant de 10.950 euros et d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne la somme de 639.698,21 euros ; que Mlle X demande, par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a limité à 610.252,05 euros le montant de la condamnation et à 10.950 euros le montant de la rente ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 3111-4 du code de la santé publique : Une personne qui, dans un établissement ou organisme public ou privé de prévention de soins ou hébergeant des personnes âgées, exerce une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination doit être immunisée contre l'hépatite B, la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et la grippe (...) ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au litige : Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation d'un dommage imputable directement à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est supportée par l'Etat ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il incombe au demandeur souhaitant obtenir réparation d'un dommage sur leur fondement d'apporter la preuve de l'imputabilité directe de son préjudice à la vaccination obligatoire ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise réalisée dans le cadre de l'examen de la demande indemnitaire par la commission de règlement amiable des accidents vaccinaux et de l'expertise ordonnée par un jugement avant-dire-droit du 3 février 2004 du Tribunal administratif de Toulouse, que Mlle X, qui n'avait manifesté aucun symptôme de sclérose en plaques antérieurement aux injections vaccinales contre l'hépatite B réalisées dans le cadre de son activité professionnelle et qui n'a pas d'antécédents familiaux, a fait l'objet de trois injections du 19 février 1992 au 20 juin 1992 et d'un rappel de vaccination en septembre 1994 ; qu'à la suite de la deuxième injection, l'intéressée a indiqué ressentir une fatigue intense, ainsi qu'une perte de sensibilité au niveau de la plante des pieds et avoir fait des chutes en pleine conscience ; qu'à la suite de la troisième injection, le vaccinateur et le médecin traitant de Mlle X ont constaté, dès le 24 juin 1992 et dans le courant du mois de septembre 1992, un syndrome vertigineux avec la sensation de perte de connaissance imminente, une asthénie, des céphalées et une diminution de la sensibilité des orteils ; que ces troubles relèvent de la symptomatologie de la sclérose en plaques ; que, par lettre du 10 décembre 2001, le directeur général de la santé à proposé à Mlle X une indemnisation au titre de la responsabilité de l'Etat du fait des vaccinations obligatoires, sur le fondement des dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, après avoir relevé que la commission nationale du règlement amiable des accidents vaccinaux avait (...) considéré au vu des éléments du dossier que la vaccination contre l'hépatite B pouvait être regardée comme un facteur déclenchant de (son) état de santé et qu'elle avait (...) ainsi retenu une imputabilité directe de (ses) troubles à (sa) vaccination ; qu'ainsi, dès lors que les rapports d'expertise, s'ils ne l'ont pas affirmé, n'ont pas exclu l'existence d'un tel lien de causalité, l'imputabilité au service de la sclérose en plaques dont souffre Mlle X doit être regardée comme établie, eu égard, d'une part, au bref délai ayant séparé l'injection de juin 1992 de l'apparition des premiers symptômes cliniquement constatés de la sclérose en plaques ultérieurement diagnostiquée et, d'autre part à l'absence, chez Mlle X, d'antécédents personnels et familiaux à cette pathologie, antérieurement à sa vaccination ; que, par suite, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Toulouse a déclaré l'Etat, qui ne peut utilement se prévaloir de fautes imputables aux différents vaccinateurs pour s'exonérer de la responsabilité qui lui incombe, entièrement responsable des conséquences dommageables de la vaccination subie ;
Sur la réparation :
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial de Mlle X :
Pour les dépenses de santé :
Considérant que le Tribunal administratif de Toulouse a évalué les frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation résultant de l'état de Mlle X à la somme de 119.666 euros ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne justifie, en appel, avoir pris en charge des dépenses de santé pour le compte de son assurée et en lien avec son état d'un montant de 157.773,80 euros ; que la totalité de la somme de 294.146,83 euros accordée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne par le tribunal administratif au titre des dépenses de santé futures est justifiée par l'état de santé de Mlle X ; qu'il y a donc lieu de porter la somme totale qui doit être réglée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne au titre des dépenses de santé de 413.812,83 euros à 451.920,63 euros ;
Pour les frais liés au handicap :
Considérant que le Tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à Mlle X, à compter du 3 juillet 1995, une rente annuelle de 10.950 euros au titre des frais de tierce personne ; que s'il ne ressort toutefois d'aucune pièce du dossier que l'état de santé de Mlle X nécessitait une telle assistance à la date retenue par le tribunal, l'intéressée justifie en revanche, compte tenu de la dégradation de son état de santé, la nécessité de l'assistance à domicile d'une tierce personne depuis le mois de mars 2002 ; qu'il y a donc lieu de confirmer la rente annuelle de 10.950 euros, mais en fixant son point de départ à compter du mois de mars 2002 ;
Pour les pertes de revenus :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mlle X, exerçant la profession d'infirmière, est aujourd'hui atteinte d'une incapacité permanente partielle de 50 % et n'est définitivement plus en mesure d'exercer sa profession depuis le mois de juillet 1995 ; que la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne justifie avoir versé à Mlle X une somme de 24.722,41 euros au titre des indemnités journalières pour la période du 3 juillet 1995 au 2 juillet 1998 et une somme de 35.030,88 euros au titre de la rente d'accident du travail pour la période du 30 janvier 2002 au 28 juin 2006 ; qu'elle justifie également devoir lui verser une rente dont le capital représentatif, calculé compte tenu de l'espérance de vie de Melle X, doit être évalué à 145.129,91 euros ; qu'il y a donc lieu d'accorder à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne la somme de 204.883,20 euros ;
Considérant par ailleurs que durant les six premiers mois de l'année 1995, précédant son arrêt définitif de travail, Mlle X justifie de revenus mensuels nets de 1.220 euros ; que sur la période du 3 juillet 1995 au 2 juillet 1998, pendant laquelle Mlle X n'a perçu que les indemnités journalières versées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, les pertes correspondantes de revenus s'élèvent donc à 43.920 euros dont, compte tenu des versements par la caisse d'une somme de 24.722,41 euros au titre des indemnités journalières, 19.197,59 euros restent à la charge de l'intéressée ; qu'en revanche, sur la période du 3 juillet 1998 au 29 janvier 2002, pendant laquelle Mlle X soutient avoir été sans ressources, elle ne justifie pas de sa situation professionnelle permettant d'évaluer ses pertes de revenus ; que toutefois, du fait du handicap résultant de son incapacité permanente partielle, Mlle X subira dans sa vie professionnelle des difficultés à retrouver un emploi et des pertes de revenus dont il sera fait une juste appréciation en les fixant à 430.000 euros ; que, compte tenu des versements effectués du 30 janvier 2002 au 28 juin 2006 par la caisse d'une somme de 35.030,88 euros au titre de la rente d'invalidité et du capital représentatif, évalué par la caisse compte-tenu de l'espérance de vie de Mlle X à 145.129,91 euros, 249.839,21 euros restent à la charge de Mlle X ; qu'il y a donc lieu d'accorder à Mlle X la somme totale de 269.036,80 euros au titre des pertes de revenus et du retentissement professionnel ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel de Mlle X :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le Tribunal administratif de Toulouse, que la sclérose en plaques dont souffre Mlle X a entraîné une période d'incapacité temporaire totale équivalente à la durée de ses hospitalisations ; que Mlle X a été hospitalisée, pour de longues durées, plus de trente fois depuis 1993 ; qu'il résulte de l'instruction que Mlle X souffre principalement de difficultés permanentes à la marche et à la station debout, d'une diminution de la force musculaire dans tous les membres, d'une diminution de la sensibilité, de troubles sphinctériens et digestifs, de douleurs récurrentes dans les jambes et au dos, de troubles sérieux de la vision et de troubles psychologiques ; qu'elle a également été atteinte d'une ménopause précoce ; que, dans ces circonstances et conformément aux conclusions du rapport de l'expertise réalisée dans le cadre de l'examen de la demande indemnitaire de Mlle X par la commission de règlement amiable des accidents vaccinaux, le taux de son invalidité doit être fixé à 50 % ; qu'il sera fait une juste appréciation des troubles de toutes natures dans les conditions d'existence résultant tant de l'incapacité temporaire que de l'incapacité permanente, y compris le préjudice d'agrément incluant la privation d'activités sportives, le préjudice psychologique lié notamment aux incertitudes de l'avenir, le préjudice sexuel et celui tiré de l'impossibilité d'avoir des enfants, en les évaluant à la somme de 220.000 euros ; que la maladie contractée par Mlle X est également à l'origine d'un préjudice esthétique évalué entre 2,5 et 4 sur une échelle de 1 à 7, lié notamment au trouble de la marche, dont le tribunal administratif a fait une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 6.000 euros ; que les souffrances physiques endurées par Mlle X ont été estimées entre 3,5 et 4,5 sur une échelle de 1 à 7 ; que les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice en résultant en l'évaluant à la somme de 15.000 euros ; qu'il y a lieu, par suite, d'accorder à Mlle X une somme de 241.000 euros au titre de ses préjudices à caractère personnel ;
Sur le total des indemnités dues par l'Etat :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Etat doit être condamné à verser à Mlle X une somme de 510.036,80 euros, à laquelle il convient d'ajouter la somme de 630,23 euros en remboursement des frais de déplacement aux opérations d'expertise, et une somme de 656.803,83 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne ; qu'il doit également être condamné à verser une rente annuelle de 10.950 euros à Mlle X à compter du mois de mars 2002 ;
Considérant que le MINISTRE DE LA SANTE est par suite seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse a condamné l'Etat à verser à Mlle X une somme globale supérieure à 510.667,03 euros et une rente annuelle de 10.950 euros antérieure au mois de mars 2002 ; que, par voie de conséquence, Mlle X n'est pas fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que le Tribunal administratif de Toulouse a limité la condamnation de l'Etat à la somme de 610.252,05 euros, assortie d'une rente annuelle de 10.950 euros à compter du 3 juillet 1995 ; qu'en revanche, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a condamné l'Etat à lui verser une somme inférieure à 656.803,83 euros ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement à Mlle X de la somme qu'elle réclame sur leur fondement ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'accorder à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne le bénéfice de ces mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : La somme que l'Etat est condamné à verser à Mlle Carine X est ramenée de 610.252,05 euros à 510.667,03 euros.
Article 2 : Le point de départ de la rente annuelle pour tierce personne que l'Etat est condamné à verser à Mlle Carine X est reporté au mois de mars 2002.
Article 3 : La somme que l'Etat est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne est portée de 639.698,21 euros à 656.803,83 euros.
Article 4 : Le jugement du 5 juillet 2007 du Tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il est contraire aux articles 1, 2 et 3 du présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions du MINISTRE DE LA SANTE, DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS et les conclusions d'appel incident de Mlle Carine X sont rejetés.
Article 6 : Les conclusions de Mlle Carine X et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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No 07BX01625