LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 1134 du code civil et L. 1231-1, L. 1237-2 et L 1235-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 4 janvier 1990 par la société Compagnie européenne des peintures Julien, où il occupait en dernier lieu les fonctions de directeur national des ventes ; qu'après avoir saisi la juridiction prud'homale le 6 mai 2005 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, il a pris acte de la rupture le 12 mai 2005 reprochant à son employeur diverses modifications unilatérales de son contrat de travail, notamment en ce qui concerne sa rémunération ;
Attendu que pour décider que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail par le salarié produisait les effets d'une démission et le débouter de ses demandes, l'arrêt retient que si le plafonnement du potentiel annuel de primes 2005 constituait indiscutablement une modification unilatérale de sa rémunération, illicite en ce qu'elle ne pouvait intervenir sans son accord, ce manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles n'était pas suffisamment grave pour autoriser l'intéressé à rompre brutalement son contrat de travail dans la mesure où, en fin de compte, il était assuré d'une rémunération qui, partie fixe et partie variable cumulées, était supérieure à l'ancienne ;
Attendu, cependant, que le mode de rémunération contractuel d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, peu important que le nouveau mode soit plus avantageux ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que l'employeur avait, sans recueillir l'accord du salarié, modifié sa rémunération contractuelle, ce dont elle devait déduire que la prise d'acte de la rupture par le salarié était justifiée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur les autres branches :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Compagnie européenne des peintures Julien aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Blanc, avocat aux Conseils pour M. X...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la lettre du 12 mai 2005 par laquelle Monsieur X... avait pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, produisait les effets d'une démission ;
Aux motifs qu' il était indifférent que Monsieur X... ne rapporte plus directement au président directeur général de la compagnie Européenne des peintures Julien mais, à compter du 1er décembre 2004, qu'il soit sous la coupe d'un autre directeur, cette circonstance n'étant pas une modification essentielle de ses conditions de travail ; que la nouvelle synergie voulue entre la maison-mère et la filiale avait fait que les deux anciens postes de directeur commercial avaient doublonné et qu'il était logique de placer Madame Z... au-dessus de Monsieur X... compte tenu de son expérience ; que sa situation professionnelle n'en n'avait pas été affectée puisqu'il avait évolué du poste de directeur commercial à celui de directeur national des ventes, chargé d'animer quatre équipes de ventes contre deux auparavant ; que ses responsabilités étaient objectivement accrues ; que le fait que les négociations de prix avec les centrales d'achat étaient désormais confiées à un directeur marketing n'était pas significatif d'une modification du contrat de travail de Monsieur X... puisque celui-ci conservait la responsabilité du portefeuille des marques ; que mieux, alors qu'il gérait en 2004 un portefeuille de marques pour un chiffre d'affaires de 33.462.000 €, il se voyait confier en 2005 une portefeuille représentant un chiffre d'affaires de 74.629.099 € ; que ces faits constants interdisaient de retenir que son employeur avait réduit son secteur d'activité ; que le fait que Monsieur X... ne participait plus au comité de direction de la société Ici Paints Déco France était indifférent puisque celui-ci n'avait jamais eu vocation à s'ingérer dans le fonctionnement de cette société avec laquelle il n'était pas lié par un contrat de travail ; que son salaire fixe était passé de 5.193 à 5.790 € ; que le plafonnement de son potentiel annuel de primes à 9.147 € en 2005 au lieu de 12.806 € en 2002, 2003, 2004, constituait indiscutablement une modification unilatérale de sa rémunération, illicite, ne pouvant intervenir sans son accord ; que le juge social n'aurait pas manqué de répondre favorablement à une demande tendant au maintien de sa rémunération selon les modalités antérieures, mais que le salarié ayant choisi de prendre le risque d'une rupture unilatérale de son contrat de travail, il devait convaincre le juge de la gravité du manquement de son employeur à ses obligations contractuelles pour justifier l'inexécution de son contrat de travail ; que l'appréciation de l'importance du manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles lui était défavorable puisqu'il était assuré d'une rémunération partie fixe + partie variable supérieure à son ancienne rémunération ; que cette situation ne justifiait donc pas qu'il s'autorise à rompre brutalement son contrat de travail ;
Alors 1°) que la modification de la position hiérarchique du salarié, qui constitue un élément de son contrat de travail, lui permet de prendre acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur ; que la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles 1°) après avoir été placé sous la subordination directe du président directeur général de la compagnie Européenne des peintures Julien, Monsieur X... avait, à compter du 1er décembre 2004, été placé «sous la coupe d'un autre directeur» 2°) Monsieur X... ne participait plus au comité de direction de la société Ici Paints Déco France (violation des articles L. 122-6, L. 122-8, L. 122-9, L. 122-14-2 et L. 122-14-3 du Code du travail) ;
Alors 2°) que la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles avaient été retirées à Monsieur X... les négociations des prix avec les centrales d'achat, d'où résultait une transformation de ses attributions et du niveau de ses responsabilités puisqu'il n'était plus en charge de la grande distribution (violation des articles L. 122-6, L. 122-8, L. 122-9, L. 122-14-2 et L. 122-14-3 du Code du travail) ;
Alors 3°) que la rémunération contractuelle d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifiée sans son accord, peu important que le nouveau mode de rémunération soit plus avantageux que l'ancien ; que la modification de la structure de la rémunération du salarié justifie sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur ; que la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations selon lesquelles l'employeur avait instauré un plafonnement du potentiel annuel des primes de Monsieur X... à 9.147 € en 2005 au lieu de 12.806 € en 2002, 2003, 2004 et que «ce plafonnement constitue indiscutablement une modification unilatérale de sa rémunération, laquelle est illicite car elle ne pouvait intervenir sans son accord» (arrêt p. 5), ce dont il résultait que, nonobstant le caractère éventuellement plus favorable au salarié du nouveau calcul mis en place, il était en droit de prendre acte de la rupture de son contrat de travail (même grief) ;
Alors 4°) que les juges du fond doivent rechercher le véritable motif de rupture du contrat de travail ; que Monsieur X... a soutenu que son employeur l'avait, par des voies détournées, forcé à rompre son contrat de travail, car la société Ici Paints France devait organiser la fermeture de la société Cep Julien, à court terme ; qu'il avait produit des documents mettant en évidence que la société Cep Julien n'exerçait plus aucune activité, avait été vidée de sa substance, et avait quitté définitivement ses locaux commerciaux le 2 août 2007 (conclusions d'appel p. 17) ; que la cour d'appel était donc, dans ces conditions, tenue de rechercher le véritable motif de la rupture du contrat de travail (violation de l'article L. 122-14-3 du Code du travail).