LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 231-8-1 devenu l'article L. 4131-3 du code du travail, ensemble l'article L. 1121-1 du même code interprété à la lumière de l'article 8 § 4 de la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989 ;
Attendu d'une part qu'aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un travailleur ou d'un groupe de travailleurs qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif légitime de penser qu'elle présentait une danger grave ou imminent pour chacun d'eux ; d'autre part que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat en matière de protection et de sécurité au travail, doit en assurer l'effectivité ; qu'il s'ensuit qu'est nul le licenciement prononcé par l'employeur pour un motif lié à l'exercice légitime par le salarié du droit de retrait de son poste de travail dans une situation de danger ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 2 février 2007) que M. X... salarié de la société Sovab occupait un poste de peintre automobile sur une chaîne de peinture ; qu'apprenant la décision de l'employeur de ne laisser qu'une seule personne sur ce poste, il a signalé, le 16 janvier 2002, le risque présenté par cette décision, en raison du sol glissant de la cabine située au dessus d'une chaîne de montage avançant en continu sans qu'un autre opérateur de l'atelier puisse se rendre compte d'une éventuelle chute pour arrêter la chaîne ; que lors de sa prise de poste le 17 janvier 2002, il a exercé le droit de retrait prévu par l'article L. 231-8-1 devenu l'article L. 4131-3 du code du travail ; qu'il a alors refusé l'ordre de sa hiérarchie de rejoindre la cabine, tant qu'un second opérateur ne serait pas présent et de rejoindre un autre poste alors qu'il avait été remplacé ; qu'après avoir quitté l'atelier, il a repris son travail deux heures plus tard lorsque la décision de maintenir provisoirement un second opérateur sur ce poste a été prise, à l'issue de la réunion exceptionnelle du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail consulté sur le sujet ; que, pour prévenir les risques d'accidents dénoncés, des aménagements ont été apportés avec l'accord de l'inspecteur du travail du 1er février 2002 ; que le salarié a été licencié pour faute grave par une lettre du 30 janvier 2002 motivée par le refus abusif de se conformer à plusieurs reprises aux consignes de la hiérarchie, la remise en cause du pouvoir de l'employeur et un "abandon de poste" ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale en demandant l'annulation de ce licenciement, sa réintégration et le paiement des salaires depuis son licenciement ;
Attendu que pour rejeter ces demandes, la cour d'appel relève que les griefs énoncés dans la lettre de licenciement à l'encontre de M. X... tiennent aux circonstances de l'exercice régulier de son droit de retrait, qu'ils ne sauraient dès lors ni caractériser une faute grave, ni constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement et ajoute que si ce licenciement est ainsi privé de cause, il n'est pas pour autant annulable ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié avait exercé régulièrement le droit de retrait et que les griefs formulés dans la lettre de licenciement tenaient aux circonstances de son exercice contesté par l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Vu l'article 627, alinéa 2, du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du licenciement et dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 2 février 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
Dit le licenciement de M. X... nul ;
Renvoie la cause et les parties pour qu'il soit statué sur les conséquences de cette nullité devant la cour de Metz ;
Condamne la société Sovab aux dépens ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils pour M. X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Thierry X... de ses demandes tendant à l'annulation de son licenciement, à sa réintégration et au paiement de l'intégralité des salaires et accessoires depuis son licenciement.
AUX MOTIFS QU'en vertu de l'article L.231-8-1 du Code du travail, le salarié est en droit de se retirer de son poste de travail s'il estime que son exécution présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ; que l'exercice de retrait, dès lors qu'il est justifié, ne peut entraîner de retenue de salaire à l'encontre du salarié qui en a usé, que de même dans cette hypothèse, le salarié ne peut faire l'objet d'aucune sanction du fait d'avoir utilisé ce droit et s'il est licencié, il pourra demander réparation de son licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse ; (…) ; qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que les griefs reprochés à Monsieur X... relatifs à l'insubordination et à la désorganisation concernent tant l'exercice contesté de son droit de retrait que son refus de rejoindre un autre poste ; (…) ; qu'il apparaît ainsi que c'est à bon droit que Monsieur X... a exercé son droit de retrait, sans qu'aucun grief ne puisse lui être fait sur son refus réitéré de rejoindre son poste de travail en cabine voile 2 et sur la désorganisation qui s'en est suivie ; (…) ; qu'il en résulte que le licenciement est non pas annulable, mais dénué de cause réelle et sérieuse.
ALORS QU'aucune sanction ne peut être prise à l'encontre d'un salarié qui s'est retiré d'une situation de travail dont il avait un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour sa vie ou pour sa santé ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le licenciement de Monsieur Thierry X... était intervenu à raison de l'exercice légitime de son droit de retrait ; qu'en refusant d'annuler le licenciement de Monsieur Thierry X..., la Cour d'appel a violé par refus d'application l'article L.231-8-1 du Code du travail ensemble les articles 8 § 4 et 13 de la directive 89/391/CEE du 12 juin 1989 relative à la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail.