ARRÊT No PH
DU 02 FÉVRIER 2007
R. G : 06 / 02335
Conseil de Prud'hommes de BRIEY 02 / 047 19 mai 2003
COUR D'APPEL DE NANCY CHAMBRE SOCIALE
APPELANT :
Monsieur Thierry X...... 54800 JARNY Comparant en personne Assisté de Maître Amale EL MOUNFALOUTI substituant Maître Ralph BLINDAUER (Avocats au Barreau de METZ)
INTIMÉE :
SNC SOVAB prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social Zone Industrielle-BP 2 54980 BATILLY Représentée par Maître Gérard HIBLOT (Avocat au Barreau de BRIEY)
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats et du délibéré,
Président de Chambre : Madame SCHMEITZKY Conseillers : Monsieur CARBONNEL Madame MAILLARD
Greffier présent aux débats : Mademoiselle FRESSE
DÉBATS :
En audience publique du 14 décembre 2006 ;
L'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu le 02 février 2007 ;
A l'audience du 02 février 2007, la Cour après en avoir délibéré conformément à la Loi, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur X..., né le 11 août 1969, a été engagé à compter du 16 janvier 1995 par la société Sovab en qualité d'agent de fabrication peinture, coefficient 165-Palier A ; il a été promu à compter du 1er mars 1998 au coefficient 205-palier A, étant au palier B en dernier lieu.
La moyenne de ses trois derniers salaires mensuels bruts s'est élevée à 1 624,94 €.
L'intéressé s'est vu notifier un avertissement par lettre du 9 janvier 2002.
Monsieur X... a exercé son droit de retrait le 17 janvier 2002 après avoir constaté l'absence de pilote dans la cabine de peinture à laquelle il était affecté.
L'intéressé a été convoqué le 22 janvier 2002 à un entretien préalable à une mesure de licenciement fixé au 25 janvier suivant ; il a été licencié pour faute grave par lettre du 30 janvier 2002.
Contestant le bien-fondé de l'avertissement et la légitimité de son licenciement, Monsieur X... a saisi le 4 avril 2002 le Conseil de Prud'hommes de Briey de demandes aux fins d'annulation de l'avertissement, d'annulation du licenciement en violation des dispositions de l'article L. 231-8-1 du Code du Travail instituant l'exercice du droit de retrait, de réintégration sous astreinte et de rappel de salaire à compter du 1er février 2002.
Par jugement prononcé en formation de départage le 19 mai 2003, le Conseil de Prud'hommes a débouté Monsieur X... de l'intégralité de ses demandes.
Le salarié a régulièrement interjeté appel ; il conclut à l'infirmation du jugement et maintient à titre principal ses demandes d'annulation de licenciement, de réintégration sous astreinte et de rappel de salaire ; subsidiairement, il sollicite le versement d'indemnités de rupture et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, une indemnité de procédure et la remise sous astreinte de ses documents sociaux conformes.
La société Sovab conclut à la confirmation du jugement et au rejet de l'intégralité des demandes de Monsieur X..., sollicitant 2 000 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La Cour se réfère aux conclusions des parties, visées par le greffier, du 14 décembre 2006, dont elles ont maintenu les termes lors de l'audience, le conseil de Monsieur X... indiquant cependant lors de l'audience renoncer à sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement.
MOTIVATION
Il sera donné acte à Monsieur X... de ce qu'il renonce à sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et d'annulation de l'avertissement.
-Sur le licenciement
En vertu de l'article L. 231-8-1 du Code du Travail, le salarié est en droit de se retirer de son poste de travail s'il estime que son exécution présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé.
L'exercice de retrait, dès lors qu'il est justifié, ne peut entraîner de retenue de salaire à l'encontre du salarié qui en a usé. De même dans cette hypothèse, le salarié ne peut faire l'objet d'aucune sanction du fait d'avoir utilisé ce droit et s'il est licencié, il pourra demander réparation de son licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse.
Il appartient au juge appelé à statuer sur la légitimité de la sanction disciplinaire prise par l'employeur d'apprécier le caractère raisonnable ou non de l'exercice justifié ou abusif du droit de retrait.
La lettre de licenciement fait état des trois griefs suivants survenus le 17 janvier 2002 :
-refus abusif de se conformer à plusieurs reprises aux consignes données par l'encadrement,-remise en cause du pouvoir de direction de l'employeur et de son autorité,-abandon de poste.
La société Sovab affirme que le licenciement résulte du refus réitéré opposé par Monsieur X... de rejoindre un autre poste de son UET après avoir exercé son droit de retrait, d'être à l'origine d'une désorganisation grave de son UET pour être resté aux abords de son poste habituel intitulé cabine « voile » 2 et d'avoir ainsi fait preuve d'insubordination manifeste ; il lui est également reproché un abandon de poste pour avoir quitté son UET de 13h45 à 14h45 sans autorisation préalable de sa hiérarchie.
Est produit au dossier le courrier électronique adressé par Monsieur B...à Monsieur C..., dont on suppose qu'ils sont les supérieurs hiérarchiques de Monsieur X..., faisant état de la volonté affichée par Monsieur X... dès le 15 janvier 2002 de faire usage de son droit de retrait de son poste au voile 2.
Est versé un second mail adressé en date du 18 janvier 2002 par lequel Monsieur B...relate la chronologie des faits survenus le 17 janvier précédent, mentionnant le refus réitéré de Monsieur X... de prendre son poste à la cabine au voile 2 à 13h30 en raison de l'absence dans la cabine à ses côtés du pilote, cependant qu'une réunion du Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) était en cours. Il est indiqué que Monsieur X... a refusé de rejoindre un autre poste dans l'UET ou d'inverser avec son binôme en poste préparation apprêts, ce dernier quittant son unité de son propre chef à 13h45 avant de revenir à 14h45 ; il est mentionné qu'à son retour l'intéressé a refusé à nouveau à deux reprises de prendre son poste à la cabine voile 2 hors la présence d'un second peintre et s'est assis sur un tabouret en regardant le pilote travailler seul. Il est précisé que Monsieur X... n'a repris son poste qu'à 15h30, à l'issue de la réunion du CHSCT annonçant le retour provisoire du second peintre en cabine.
Est également versée aux débats l'attestation de Madame D..., technicienne au service de la paie, confirmant le passage de Monsieur X... à son service durant 30 minutes durant lesquelles il a réclamé des explications sur le salaire en euros et faisant état de son comportement agressif.
Monsieur X... affirme avoir légitimement exercé son droit de retrait ainsi que cela ressort des débats au sein du CHSCT et des préconisations adoptées par ce comité à l'issue d'une réunion en date du 31 janvier 2002 en présence de l'Inspectrice du travail. Il affirme que le poste laque 1 voile 2 auquel il est rattaché présente un danger grave du fait que l'opérateur est dorénavant seul en cabine et isolé, qu'il y a un risque d'accident en raison des nombreux passages devant le véhicule et que le sol est très glissant.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que les griefs reprochés à Monsieur X... relatifs à l'insubordination et à la désorganisation concernent tant l'exercice contesté de son droit de retrait que son refus de rejoindre un autre poste.
Or, au vu des rapports du CHSCT et des conclusions de l'Inspectrice du travail après son passage dans l'entreprise, il apparaît que de nouvelles mesures ont été prises pour rendre le sol moins glissant, pour assurer la surveillance de la circulation des peintres à l'intérieur des cabines de peinture notamment par la mise en place d'un dispositif de sécurité contrôle et l'installation de caméras de surveillance, toutes mesures estimées suffisantes par l'Inspectrice du travail.
Il apparaît ainsi que c'est à bon droit que Monsieur X... a exercé son droit de retrait, sans qu'aucun grief ne puisse lui être fait sur son refus réitéré de rejoindre son poste de travail en cabine voile 2 et sur la désorganisation qui s'en est suivie.
S'agissant de son refus de rejoindre un second poste constitutif, selon l'employeur, d'un nouveau grief d'insubordination et de désorganisation, aucune attestation n'est fournie à ce sujet, la société Sovab se bornant à produire le mail rédigé par Monsieur B...retranscrivant la chronologie des faits et le refus de Monsieur X... de travailler soit sur un autre poste qui serait celui de préparation apprêts, soit d'inverser avec son binôme en poste, toutes propositions qui auraient appelé des explications. En toute hypothèse, à supposer même caractérisé le refus de Monsieur X... de rejoindre ce ou ces postes, un tel refus ne saurait constituer une faute grave, ni davantage fonder la cause réelle et sérieuse d'un licenciement, eu égard aux circonstances particulières des événements, à l'ancienneté du salarié et au caractère disproportionné de la sanction de licenciement.
Pour les mêmes raisons, l'abandon de poste reproché au salarié et consistant à s'être absenté une heure de l'atelier où il était affecté ne saurait davantage caractériser une faute grave ou une cause réelle et sérieuse, étant observé que Monsieur X... a repris son travail dès 15h30, sans que l'employeur ait jugé nécessaire de prononcer à son encontre une mise à pied provisoire.
Il en résulte que le licenciement est non pas annulable, mais dénué de cause réelle et sérieuse.
Le jugement ayant retenu que le licenciement de Monsieur X... reposait sur une faute grave sera donc infirmé.
Le préjudice subi de ce fait par Monsieur X..., compte tenu de son âge, de son ancienneté et en l'absence de pièces produites sur sa situation et la durée de son chômage, sera réparé par l'allocation d'une somme que la Cour est en mesure de fixer à 9 800 €, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Les conditions d'application de l'article L. 122-14-4 du Code du Travail étant remplies, il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur à l'organisme concerné des indemnités de chômage effectivement payées au salarié à la suite de son licenciement, dans la limite de trois mois.
-Sur les indemnités de rupture
Il n'est pas contesté que l'indemnité de préavis à laquelle puisse prétendre Monsieur X... est de deux mois, eu égard à son ancienneté, de sorte qu'il sera fait droit à sa demande d'indemnité de préavis à hauteur de 3 200 €, outre les congés payés afférents de 320 €.
L'indemnité de licenciement calculée sur la base d'un dixième par année de présence devra être fixée à 1 137,50 €.
Ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du 30 août 2006, date de leur réclamation.
-Sur la remise des documents sociaux
Il y a lieu d'ordonner la remise par la société Sovab à Monsieur X... du certificat de travail et de l'attestation pour l'ASSEDIC conformes au présent arrêt sans nécessité d'assortir cette mesure d'une astreinte.
-Sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile
Il sera alloué 1 200 € à Monsieur X... au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire,
DONNE ACTE à Monsieur Thierry X... de ce qu'il renonce à sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et d'annulation d'avertissement ;
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a retenu que le licenciement de Monsieur X... reposait sur une faute grave, statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT que le licenciement de Monsieur X... est dénué de cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la société Sovab à lui payer :
-9 800 € (NEUF MILLE HUIT CENTS EUROS) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
-3 200 € (TROIS MILLE DEUX CENTS EUROS) à titre d'indemnité de préavis ;
-320 € (TROIS CENT VINGT EUROS) à titre de congés payés afférents ;
-1 137,50 € (MILLE CENT TRENTE SEPT EUROS ET CINQUANTE CENTS) à titre d'indemnité de licenciement ;
-1 200 € (MILLE DEUX CENTS EUROS) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
DIT que les intérêts courant sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse seront dus à compter du présent arrêt et les intérêts courant sur les indemnités de rupture dus à compter du 30 août 2006 ;
ORDONNE le remboursement par la société Sovab à l'organisme concerné des indemnités de chômage effectivement versées à Monsieur X... dans la limite de trois mois ;
ORDONNE la remise par la société Sovab à Monsieur X... de son certificat de travail et de son attestation pour l'ASSEDIC conformes au présent arrêt ;
CONDAMNE la société Sovab aux entiers dépens.
Ainsi prononcé à l'audience publique ou par mise à disposition au greffe du deux février deux mil sept par Madame SCHMEITZKY, Président, assistée de Mademoiselle FRESSE, Greffier Placé présent lors du prononcé.
Et Madame le Président a signé le présent arrêt ainsi que le Greffier.