LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié du crédit agricole depuis 1966, a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie à compter du 5 mai 2000, prolongé jusqu'au 28 février 2003 ; qu'informé de ce qu'il avait été placé en invalidité 2e catégorie par l'organisme social, le salarié a sollicité l'examen médical du médecin du travail qui, le 26 février 2003, a conclu « doit être considéré à compter du 1er mars 2003 inapte à son ancien poste et à toute reprise de travail dans l'entreprise » et précisant qu'un deuxième examen n'avait pas lieu d'être par application de l'article R. 241-51-1 du code du travail ; qu'il a été licencié le 29 avril 2003 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident formé par l'employeur, qui est préalable :
Attendu que la caisse régionale de crédit agricole Nord Midi Pyrénées fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l'avoir, en conséquence, condamnée à payer au salarié des sommes à titre de dommages-intérêts, d'indemnités compensatrice de préavis et congés payés afférents, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge du fond ne peut dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en l'espèce, l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail lors de la visite de reprise concluait que M. X... « doit être considéré à compter du 1er mars 2003 inapte à son ancien poste et à toute reprise du travail dans l'entreprise » ; qu'en affirmant que cet avis d'inaptitude ne concernait que le poste occupé antérieurement par M. X..., bien qu'il mentionnait par ailleurs l'inaptitude du salarié à toute reprise du travail dans l'entreprise, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cet avis en violation de l'article 1134 du code civil ;
2°/ que l'employeur peut se prévaloir de toutes les conclusions et indications émises par le médecin du travail sans qu'un examen supplémentaire du salarié ne soit nécessaire, en vue de justifier de l'impossibilité de reclassement, l'examen médical ne s'imposant que pour la constatation de l'inaptitude du salarié à reprendre son ancien emploi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le médecin du travail, après avoir constaté l'inaptitude de M. X... à son ancien emploi lors d'une visite le 26 février 2003, avait adressé à l'employeur un certificat médical du 18 mars 2003 concluant à l'inaptitude du salarié à tout poste ; qu'en retenant que le certificat médical, à défaut d'examen supplémentaire, était dépourvu de valeur de sorte qu'il ne pouvait permettre à l'employeur d'établir l'impossibilité de reclassement, la cour d'appel a violé les articles L. 122-24-4, R. 241-51 et R. 241-51-1 du code du travail ;
3°/ que l'employeur justifie de l'impossibilité de reclassement lorsque le salarié a été médicalement reconnu comme incapable d'exercer toute activité professionnelle quelle qu'elle soit ; en l'espèce, l'employeur soutenait que « l'état de santé de M. X... empêchait toute forme de reclassement quel que soit le poste proposé, même avec aménagements » et se prévalait à cet égard, d'une part, du classement de ce dernier à compter du 1er mars 2003 en invalidité de deuxième catégorie par la MSA qui l'a donc médicalement reconnu comme « invalide absolument incapable d'exercer une activité professionnelle quelconque », d'autre part, des conclusions du médecin du travail émises le 26 février 2003 et confirmées le 18 mars 2003 aux termes desquelles ce dernier a médicalement constaté l'inaptitude de M. X... à « toute reprise du travail dans l'entreprise », autrement dit, une incapacité totale de travail ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir tenté de rechercher un reclassement dans l'entreprise, sans rechercher si M. X... n'était pas inapte à exercer toute activité professionnelle quelle qu'elle soit, en sorte que son reclassement était de toute façon impossible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-24-4 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout travail s'entend nécessairement d'une inaptitude à tout emploi dans l'entreprise ;
Et attendu, ensuite, qu'un tel avis ne dispense pas l'employeur d'établir qu'il s'est trouvé dans l'impossibilité de reclasser le salarié au sein de l'entreprise et le cas échéant au sein du groupe auquel elle appartient, au besoin par des mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagements du temps de travail ;
Et attendu, enfin, que le classement d'un salarié en invalidité 2e catégorie par la sécurité sociale, qui obéit à une finalité distincte et relève d'un régime juridique différent, est sans incidence sur l'obligation de reclassement du salarié inapte qui incombe à l'employeur par application des dispositions du code du travail ;
Et attendu qu'ayant retenu que l'avis du médecin du travail ne dispensait pas l'employeur qui seul connaît les possibilités d'aménagements des postes de son entreprise, de rechercher un reclassement pour M. X..., la cour d'appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal formé par le salarié :
Vu l'article 14 de la convention collective nationale du crédit agricole ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en complément d'indemnité conventionnelle de licenciement par application de l'article 14 de la convention collective, la cour d'appel a énoncé que M. X... ayant été licencié pour inaptitude, l'indemnité due était seulement celle prévue par l'article 23 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle venait de décider que le licenciement pour inaptitude était dépourvu de cause réelle et sérieuse, ce dont il résultait que le salarié avait droit à l'indemnité prévue par l'article 14 de la convention collective pour tout licenciement pour motif inhérent à la personne du salarié, la cour d'appel a violé le texte susivisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en sa disposition confirmant le jugement en ce qu'il a rejeté la demande en paiement d'un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 19 janvier 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la caisse régionale de crédit agricole Nord Midi Pyrénées aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la caisse régionale de crédit agricole Nord Midi Pyrénées à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille huit.