LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 23 février 2007), que M. X..., propriétaire d'un terrain d'une superficie de 2 ha 44 a et 63 ca, a fait notifier par son notaire, la SCP Hoarau et le Goff, à la société d'aménagement foncier et d'établissement rural de la Réunion (la SAFER), son intention de vendre celui-ci aux époux Y..., avec réserve d'un droit d'usage et d'habitation sur la maison et la cour attenante ; que la SAFER, qui avait notifié, le 23 mai 2002, son intention de préempter, a été mise en demeure par acte d'huissier de justice du 23 septembre 2002 de régulariser l'acte chez le notaire, lequel a fixé au 23 octobre 2002 la date de la signature ; que M. X... n'ayant pas comparu à cette date, la SAFER l'a assigné pour se faire déclarer propriétaire de l'immeuble ; que M. X... a appelé la SCP Hoarau et le Goff en intervention forcée ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de dire que la SAFER pouvait exercer son droit de préemption, alors, selon le moyen, que le droit de préemption des SAFER ne peut s'exercer, hormis le cas de fraude à l'occasion de la vente de la nue-propriété d'un bien rural ; dès lors, en retenant, pour écarter toute absence de droit de préemption du fait de la nature de la vente et déclarer la SAFER de la Réunion propriétaire du terrain vendu par M. X..., cadastré à Entre Deux section AS n° 1061, qu'il résultait notamment de la déclaration d'intention d'aliéner et du projet d'acte que la vente portait sur la pleine propriété de l'immeuble en cause, la cour d'appel, qui a relevé que la vente mentionnait une réserve d'usage et d'habitation au bénéfice du vendeur sur la maison et la cour attenante de 500 m², n'a pas tiré de ses constatations, d'où il ressort qu'il n'était cédé qu'une propriété démembrée puisque grevée d'un droit d'usage et d'habitation réservé au vendeur, les conséquences légales qui s'imposaient et a violé l'article L. 143-1, ensemble les articles L. 143-2, L. 143-4 du code rural ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il résultait tant des termes de la déclaration d'intention d'aliéner que des documents produits comme des conditions intrinsèques de la vente - prix comptant et viager, mention d'une réserve d'usage et d'habitation au bénéfice du vendeur portant sur la seule maison avec cour attenante et droit de passage et excluant toute idée d'usufruit du tout - que l'intention des parties était de vendre le bien "en toute propriété", la cour d'appel en a exactement déduit que la SAFER pouvait exercer son droit de préemption ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé de ce chef ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article L. 412-8, alinéa 4, du code rural ;
Attendu qu'en cas de préemption, celui qui l'exerce bénéficie alors d'un délai de deux mois à compter de la date d'envoi de sa réponse au propriétaire vendeur pour réaliser l'acte de vente authentique ; que passé ce délai, sa déclaration de préemption sera nulle de plein droit, quinze jours après une mise en demeure à lui faite par acte d'huissier de justice et restée sans effet ; que l'action en nullité appartient au propriétaire vendeur et à l'acquéreur évincé lors de la préemption ;
Attendu que pour débouter M. X... de sa demande en nullité de la déclaration de préemption, l'arrêt retient que si la date prévue pour signer chez le notaire n'a été fixée par celui-ci que pour le 23 octobre 2002, pour autant il ne peut être considéré que la sommation du 23 septembre est restée sans effet puisque la SAFER a immédiatement, dès le 30 septembre, rappelé au notaire qu'elle était disposée à signer l'acte authentique, ce qu'elle lui avait d'ailleurs déjà indiqué dans un courrier du 2 septembre 2002 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de signature de l'acte authentique dans les quinze jours de la mise en demeure, celle-ci était restée sans effet, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit que la SAFER pouvait exercer son droit de préemption sur le bien vendu par M. X...,
l'arrêt rendu le 23 février 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis la Réunion ; remet, en conséquence, sauf sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis la Réunion, autrement composée ;
Condamne la SAFER de la Réunion aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SAFER de la Réunion et de la SCP Hoarau et le Goff et condamne, ensemble, la SAFER de la Réunion et la SCP Hoarau et Le Goff à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille huit.