Attendu selon l'arrêt attaqué (Bourges,7 septembre 2006), que Louis Robert de X... est décédé le 13 janvier 1993 en laissant pour recueillir sa succession son épouse Mme Suzanne d'Y... et sa mère, Magdeleine de X..., elle-même décédée le 25 avril 1995 aux droits de laquelle se trouve M. Z... ; que la succession était notamment composée de deux châteaux, le château Guillaume et le château de La Garde Giron ; que les déclarations de successions de Louis Robert de X... et de Magdeleine de X... ainsi que les déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune de Mme d'Y... de 1993 à 1997 valorisaient à 106 714,31 euros le château Guillaume et à 182 938,82 euros le château de La Garde Giron ; que les valeurs déclarées ont été remises en cause par l'administration fiscale ; que ces notifications de redressements du 17 décembre 1996 et du 16 décembre 1997 concernant Mme d'Y... lui ont été adressées sous son nom d'épouse tandis que la seconde notification de redressement du 16 décembre 1997 relative à M. Z... le désignait par son titre nobiliaire ; qu'après avoir vainement formé réclamation devant l'administration fiscale, Mme d'Y... et M. Z... ont assigné le directeur général des impôts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme d'Y... et M. Z... font grief à l'arrêt d'avoir considéré que la procédure d'imposition n'était pas entachée d'irrégularité au regard de l'article 4 de la loi du 6 fructidor An II, et d'avoir rejeté l'ensemble de leurs demandes, alors, selon le moyen :
1° / qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 6 fructidor an II, " il est expressément défendu à tous fonctionnaires publics de désigner les citoyens dans les actes autrement que par le nom de famille, et les prénoms portés en l'acte de naissance " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'établissement des actes publics au nom des citoyens tel qu'il est déterminé par la loi civile est une condition de validité de ces actes ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte précité ;
2° / qu'aux termes de l'article 114 du code de procédure civile " La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité " ; que ces dispositions concernent exclusivement les règles de forme ; que l'interdiction, figurant à l'article 4 de la loi du 6 fructidor an II, qui est faite à " tous fonctionnaires publics de désigner les citoyens dans les actes autrement que par le nom de famille, et les prénoms portés en l'acte de naissance " constitue une règle de fond ; qu'en l'espèce, en écartant l'exception de nullité invoquée aux motifs que ceux-ci ne justifieraient pas qu'en les désignant, sous son nom de femme marié, pour l'une, et sous son titre nobiliaire, pour l'autre, l'administration fiscale leur aurait causé un grief, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;
3° / qu'il est de principe que les usages ne peuvent déroger aux dispositions d'une loi impérative ; qu'en l'espèce, la cour d'appel se fonde sur l'usage contra legem du nom d'épouse dans les actes publics pour refuser de faire application de l'article 4 de la loi du 6 fructidor an II qui prescrit de nommer les femmes mariées par leur nom de naissance figurant à l'état civil ; qu'en statuant de la sorte la cour d'appel a violé le principe susvisé
Mais attendu que la règle de l'article 4 de la loi du 6 fructidor an II, qui fait défense à tous fonctionnaires publics de désigner les citoyens dans les actes autrement que par le nom de famille et les prénoms portés en l'acte de naissance, n'est pas prescrite à peine de nullité de ces actes ; que la cour d'appel, en validant les actes de procédure adressés par l'administration en matière d'assiette ou de recouvrement de l'impôt à une personne mariée sous son nom d'épouse ou en mentionnant un titre nobiliaire, a respecté les dispositions de la loi susvisée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen :
Attendu que Mme d'Y... et M. Z... font grief à l'arrêt d'avoir écarté leurs demandes en décharge des suppléments de droits auxquels ils ont été assujettis du fait de la remise en cause par l'administration fiscale de la valorisation des châteaux, alors, selon le moyen :
1° / qu'il est de principe que, lorsque l'administration conteste, en application de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, le prix ou l'évaluation énoncés dans un acte ou portés dans une déclaration, il lui appartient d'établir le bien fondé de ses propres évaluations par le recours à des éléments de comparaison tirés de la cession de biens intrinsèquement similaires en fait et en droit ; qu'ainsi, en particulier, la valeur vénale de biens immobiliers indivis doit être déterminée par référence à des éléments de comparaison tirés de la cession de biens intrinsèquement similaires et spécialement de droits immobiliers indivis, de même que les demeures classées monuments historiques ou inscrites à l'inventaire supplémentaire doivent être évaluées par comparaison avec des immeubles soumis à un tel statut ; qu'en l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'administration comme les juges du fond ont admis que les évaluations en litige qui concernent, d'une part, des droits immobiliers indivis relatifs à un château classé monument historique et, d'autre part, un château inscrit à l'inventaire supplémentaire n'ont pas été opérées par comparaison avec des cessions présentant les mêmes caractéristiques juridiques ; que, par ailleurs, l'abattement de 30 % opéré par l'administration fiscale sur la valeur vénale de l'immeuble en indivision n'est pas de nature à pallier cette insuffisance ; que, par suite, la cour d'appel a violé les texte et principe susvisés ;
2° / que Mme d'Y... et M. Z..., qui reprochaient à l'administration fiscale de ne pas avoir pris en considération dans ses évaluations les sujétions inhérentes au statut de monument historique dont relèvent les immeubles en cause, se prévalaient notamment, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la documentation administrative 7 G 2311 du 15 décembre 1991 précisant qu'il convient de tenir compte des charges importantes et des contraintes spécifiques liées au classement d'un immeuble en monument historique ou à son inscription à l'inventaire supplémentaire ; qu'en se bornant à répondre que l'administration fiscale aurait tenu compte " des sujétions et des avantages résultant du statut de monument historique " la cour d'appel a entaché sa décision d'insuffisance de motivation en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu que, dès lors que la comparaison n'est pas possible parce qu'il n'exite pas un marché de biens similaires en fait et en droit, l'administration peut utiliser d'autres méthodes comme celle de l'abattement ;
Et attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que pour rectifier le prix ou l'évaluation, l'administration a utilisé la méthode de comparaison du prix unitaire au mètre carré de la superficie développée pondérée hors oeuvre de cinq châteaux de la région vendus entre 1989 et 1992 et d'un château d'une région proche ; que l'administration a retenu les valeurs les plus basses et a tenu compte des facteurs d'isolement, de l'état d'entretien, des sujétions et des avantages résultant du statut de monument historique, et enfin du caractère indivis du château Guillaume et de son statut de monument historique en décidant un abattement de 30 % de la valeur vénale ; qu'en l'état de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel en a exactement déduit, sans insuffisance, compte tenu des éléments de preuve présentés par l'administration, que les valeurs retenues apparaissaient très largement sous-estimées ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme d'Y... et M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme d'Y... et M. Z... à verser au directeur général des impôts la somme globale de 2 000 euros et rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze février deux mille huit.