LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 18 octobre 2006) statuant en matière de référés, que la société Renault agriculture a conclu, le 31 juillet 1999, un accord sur la réduction du temps de travail et l'emploi qui institue, dans son article 4, un droit individuel à la formation financé par un compte épargne formation dont une partie s'exerce en dehors du temps de travail effectif et qui complète les formations aux postes de travail dispensées pendant le temps de travail effectif ; que le 22 décembre 2004, la société a consulté le comité central d'entreprise sur un projet "Alliance" portant sur l'installation d'un progiciel SAP modifiant son système informatique de communication et sur le plan de formation nécessaire à son utilisation ; qu'elle a imputé une partie des modules de cette formation sur les comptes épargne formation de chaque salarié lors de la mise en oeuvre de ce projet ; que la Fédération de la métallurgie CGT, qui n'avait pas signé l'accord, a saisi le juge des référés pour qu'il soit fait interdiction à la société de débiter le compte épargne formation des salariés ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Renault agriculture fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré recevable l'action de la Fédération de la métallurgie CGT alors, selon le moyen :
1°/ que l'action visant à obtenir l'exécution d'une convention ou d'un accord collectif, ou la réparation de son inexécution, prévue par les articles L. 135-4 et L. 135-5 du code du travail, est réservée aux syndicats dont les membres adhérents sont liés par la convention et aux syndicats liés par la convention, c'est-à-dire ceux qui l'ont signée ; qu'indépendamment des actions réservées aux syndicats par les articles L. 135-4 et L. 135-5 du code du travail, en cas d'extension d'une convention ou d'un accord collectif qui a pour effet de rendre les dispositions étendues applicables à tous les salariés et l'employeur compris dans leur champ d'application, les syndicats professionnels sont également recevables à en demander l'exécution sur le fondement de l'article L. 411-11 du code du travail, leur non-respect étant de nature à causer nécessairement un préjudice à l'intérêt collectif de l'ensemble de la profession ; qu'en déclarant la Fédération des travailleurs de la métallurgie-CGT recevable à solliciter l'exécution de l'accord du 31 juillet 1999, qu'elle n'avait pas signé, sans même constater que cet accord avait été étendu, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 135-4, L. 135-5 et L. 411-11 du code du travail ;
2°/ qu'en toute hypothèse, les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile relativement aux faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; qu'ils ne tiennent d'aucune disposition de la loi le droit de poursuivre la réparation du trouble que porte une infraction aux intérêts généraux de la société ; qu'en déclarant recevable l'action de la Fédération des travailleurs de la métallurgie-CGT, qui n'avait pas signé l'accord du 31 juillet 1999, aux motifs, d'une part, que "tout syndicat non signataire peut combattre dans l'intérêt collectif de la profession" et, d'autre part, "que le non-respect, par l'entreprise qui en est signataire, d'un accord qu'elle a négocié, porte atteinte à l'intérêt collectif de stabilité réglementaire de la profession", la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 411-11 du code du travail ;
Mais attendu qu'indépendamment des actions réservées par les articles L. 135-4 et L. 135-5 du code du travail aux syndicats liés par une convention ou un accord collectif de travail, les syndicats professionnels sont recevables à demander sur le fondement de l'article L. 411-11 du code du travail l'exécution d'une convention ou d'un accord collectif de travail, même non étendu, son inapplication causant nécessairement préjudice à l'intérêt collectif de la profession ;
Et attendu que la cour d'appel qui a relevé que l'action de la Fédération des travailleurs de la métallurgie CGT tendait à la suspension de la mesure prise par l'employeur en violation, selon elle, des dispositions de l'accord du 31 juillet 1999, n'a pas méconnu les textes visés au moyen ;
Et sur le second moyen :
Attendu que la société fait encore grief à l'arrêt de lui avoir fait défense sous astreinte, d'imputer sur le compte épargne formation des salariés créé par l'accord du 31 juillet 1999 le temps passé au titre de la formation SAP, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en se prononçant comme elle l'a fait, sans constater que l'imputation de la formation au progiciel SAP sur le compte-épargne formation instauré par l'accord du 31 juillet 1999 constituait un trouble manifestement illicite, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 809 du nouveau code de procédure civile ;
2°/ que l'existence d'une contestation sérieuse n'interdit pas au juge des référés de prononcer la mesure conservatoire qui s'impose pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en s'abstenant de vérifier, comme elle y était pourtant invitée et tenue, si l'imputation de la formation des salariés au progiciel SAP sur leur compte épargne formation était ou non licite, au regard de l'accord d'entreprise du 31 juillet 1999 et des dispositions de l'article L. 933-1 et suivants du code du travail, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, l'article 809 du nouveau code de procédure civile.
Mais attendu qu'il résulte à la fois de l'article L. 932-2 du code du travail alors applicable, et des dispositions de l'accord d'entreprise du 31 juillet 1999, que le temps passé par le salarié pour assurer son adaptation à son poste de travail est un temps de travail effectif ;
Et attendu qu'ayant relevé que les actions de formation liées au projet "Alliance" n'avaient pas été demandées par les salariés, ce dont il se déduisait que, quelle que soit leur nature, ces temps de formation ne pouvaient pas être débités des comptes épargne formation, la cour d'appel qui a fait ressortir que les débits effectués d'autorité constituaient un trouble manifestement illicite, a statué à bon droit ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Renault agriculture aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize janvier deux mille huit.