Vu la requête, enregistrée le 7 février 2006, complétée par des mémoires enregistrés les 7 mars 2006 et 4 décembre 2006, présentée pour la SA EUROFOURRAGE, représentée par son président, dont le siège est situé dans la zone industrielle ZI des Giranaux à Arc-lès-Gray (70100), par la SCP d'avocats Pion-Glaive ; la SA EUROFOURRAGE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0101032 et 0101610 en date du 8 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 27 mars et 3 juillet 2001 par lesquelles l'office national interprofessionnel des oléagineux et protéagineux (ONIOL) lui a demandé de rembourser les aides agricoles communautaires qu'elle a perçues à raison de sa production de fourrage déshydraté, regardée par l'ONIOL comme non éligible aux aides communautaires à hauteur des sommes respectives de 524 889,12 F toutes taxes comprises pour la campagne 1997/1998 et de 730 606,63 F toutes taxes comprises pour les campagnes 1998/1999 et 1999/2000, ainsi que des titres de perception émis en application desdites décisions, et à la condamnation de l'ONIOL à lui payer les sommes précitées assorties des intérêts de retard à compter de sa demande ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) de condamner l'agence unique de paiement (AUP), venant aux droits de l'ONIOL, à lui restituer les sommes objet des titres de perception, assorties des intérêts de droit à compter de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de l'agence unique de paiement, une somme de 3 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- sur le premier redressement de mars 2001 pour un montant de 524 637,02 F toutes taxes comprises représentant 1 090 tonnes, le taux de protéines de 11 % sur le maïs est accepté mais celui de 16,7 % appliqué à la luzerne est contesté ; les 7 analyses pratiquées par l'office sur des granulés sont en contradiction avec les 74 résultats des analyses qu'elle a fait effectuer sur la luzerne en bottes et en granulés, montrant un taux moyen de protéines de 18,53 % pour la luzerne et de 15,42 % pour l'ensemble du fourrage ; le taux de protéines est identique quelque soit le produit analysé, bottes ou granulés, seul le taux d'humidité varie ; le taux relevé pour les bottes doit donc être pris en compte ;
- sur le second redressement de juillet 2001 pour un montant de 730 606,63 F toutes taxes comprises représentant 2 681 tonnes, les modalités du contrôle effectué ne permettent pas de recueillir un résultat fiable ; les prises d'échantillons dans une case unique le 20 octobre 1998 puis dans la benne d'un seul agriculteur et deux tas de stock le 10 septembre 1999, ne sont pas représentatives ; en contradiction avec la note du bureau des fourrages du 12 avril 2002, aucun exemplaire des échantillons prélevés ne lui a été laissé ; les contrôles successifs portant sur un même stock ont abouti à un résultat différent ; ainsi le contrôle du 20 octobre 1998 aboutit à un résultat de non conformité contraire aux résultats du contrôle effectué sur le stock subsistant le 10 septembre 1999, montrant un taux conforme ; aucune contre-analyse n'a été effectuée ; les règles contenues sans la directive n° 76/371/CEE de la commission du 1er mars 1976 sont autant applicables aux échantillons à présenter par l'entreprise à l'appui de ses demandes d'aides qu'à ceux prélevés par l'organisme de contrôle, une question préjudicielle pouvant être posée à la CJCE en cas de doute sur ce point ; la circulaire du 16 mai 1997 précise en ce sens les obligations pesant sur les agents de l'office ; le contrôle du 20 octobre 1998 a été effectué en l'absence d'un représentant de la société et on ne sait pas dans quelle case il a été effectué ;
- la somme de 252,30 F correspondant au fil de fer utilisé pour la mise en botte du fourrage a bien été déduite pour 47 000 kilos ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 août 2006, présenté pour l'agence unique de paiement (AUP), venant aux droits de l'ONIOL, dont le siège est 21 avenue Bosquet à Paris (75341 cedex 07), par Me Cordelier ; l'AUP conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SA EUROFOURRAGE une somme de 5 000 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- sur le premier redressement, la requérante ne peut utilement proposer un calcul prenant en compte le taux de protéines de la luzerne en bottes, seuls les granulés étant représentatifs ; en outre la teneur en protéines s'apprécie par lots et non pas tous produits confondus ;
- sur le second redressement, les contrôles ont été effectués conformément aux prescriptions des articles 11 et 14 du règlement (CE) n° 603/95 du 21 février 1995 ; la directive n° 76/371/CEE de la commission du 1er mars 1976 n'est applicable qu'aux échantillons à présenter par l'entreprise à l'appui de ses demandes d'aides ; l'autorité compétente peut prendre un échantillon sur n'importe quelle portion d'un lot homogène inférieur à 440 tonnes ; aucune disposition n'oblige l'office à informer l'entreprise des suites des contrôles ;
- la déduction de la somme de 252,30 F correspondant au fil de fer utilisé pour la mise en botte du fourrage n'est pas établie ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance par laquelle la clôture de l'instruction a été fixée à la date du 13 mars 2008 ;
Vu la directive n° 76/371/CEE de la commission du 1er mars 1976 ;
Vu le règlement (CE) n° 603/95 du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur des fourrages séchés ;
Vu le règlement n° 785/95 de la commission du 6 avril 1995 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 603/95 du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur des fourrages séchés ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2008 :
- le rapport de M. Devillers, premier conseiller,
- les observations de Me Pion et Me Jacquot, avocats de la SA EUROFOURRAGE, et de Me Roy-Thermes, avocat de l'agence unique de paiement (AUP), venant aux droits de l'ONIOL,
- et les conclusions de M. Wallerich, commissaire du gouvernement ;
Sur les aides aux fourrages séchés, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens :
Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 2 du règlement 785/95 de la commission du 6 avril 1995 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 603/95 du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur des fourrages séchés : «Au sens du présent règlement on entend par : 1) «Fourrages séchés», les produits visés à l'article 1er du règlement (CE) n° 603/95, en distinguant les : a) «fourrages déshydratés», à savoir les produits visés à l'article 1er point a) premier et troisième tirets dudit règlement, ayant subi un séchage artificiel à la chaleur, à l'exception de tous les produits définis à l'annexe I du règlement (CEE) n° 1765/92 et de leurs produits fourragers, sauf le lupin doux jusqu'à la floraison ; b) «fourrages séchés au soleil», à savoir les produits visés à l'article 1er point a) deuxième et quatrième tirets du règlement (CE) n° 603/95 ayant été séchés autrement qu'artificiellement à la chaleur et moulus (...) ; que l'article 3 du même règlement dispose : «1. Au sens du présent règlement, on considère sortis de l'entreprise de transformation, afin d'obtenir le droit à l'aide visée à l'article 3 du règlement (CE) n° 603/95, les produits visés à l'article 2 point 1 qui : a) sortent en l'état de : (...) et qui, au moment de leur sortie de l'entreprise de transformation, présentent une qualité «saine, loyale et marchande» répondant aux exigences de la mise sur le marché à destination de l'alimentation animale, ainsi que les caractéristiques suivantes : i) teneur maximale en humidité : (...) ; ii) teneur minimale en protéines brutes totales par rapport à la matière sèche : - 15 % pour les fourrages déshydratés, les fourrages séchés au soleil et les produits déshydratés (...)» ;
Considérant, en ce qui concerne le redressement du 27 mars 2001, qu'il résulte des dispositions précitées du règlement 785/95 de la commission du 6 avril 1995 que la luzerne en bottes «fourrages séchés au soleil», est, contrairement aux affirmations de l'AUP, pour l'appréciation du taux de protéines, prise en compte de façon identique à celle de la luzerne réduite en granulés ; qu'avec les bottes de luzerne, la teneur moyenne en protéines brutes par rapport à la matière sèche résultant de ses tableaux fait s'élever le taux de protéines à 18,53 % pour la luzerne, soit un taux moyen avec apport du maïs, de 15,42 %, supérieur à la teneur minimale exigée ; qu'elle est donc fondée à soutenir qu'elle avait satisfait aux conditions requises à l'obtention des aides litigieuses ;
Considérant, en second lieu, en ce qui concerne le redressement du 3 juillet 2001, qu'il résulte de l'instruction que, pour la campagne 97/98, 7 076 tonnes de fourrage ont été transformées ; que, compte tenu des résultats de l'analyse et de la contre-analyse du taux de protéines de l'échantillon de granulés prélevé à la date du 20 octobre 1998, date à laquelle il restait un stock de 4 371 tonnes, celui-ci été déclaré inéligible à l'aide communautaire ; que pourtant, l'analyse de l'échantillon prélevé le 10 septembre 1999 sur ce même stock, a, en revanche, été favorable, permettant de considérer le stock subsistant, soit 1 689,851 tonnes, comme éligible à l'aide ; que ces résultats contradictoires pour le même stock de fourrage, sans qu'il soit allégué par l'AUP une élimination prioritaire par la requérante d'une partie du stock non conforme, ne permettent pas de regarder comme suffisamment fiables le contrôle auquel il a été procédé ; que la SA EUROFOURRAGE est par suite fondée à demander l'annulation du redressement considéré ;
Sur le remboursement du fil de fer :
Considérant que la SA EUROFOURRAGE n'établit pas que la somme de 252,30 F correspondant au fil de fer utilisé pour la mise en botte du fourrage a bien été déduite pour 47 000 kilos et doit lui être remboursée ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SA EUROFOURRAGE est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 27 mars et 3 juillet 2001 par lesquelles l'office national interprofessionnel des oléagineux et protéagineux (ONIOL) lui a demandé de rembourser les aides agricoles communautaires qu'elle a perçues à hauteur des sommes respectives de 524.889,12 F (80 013,58 euros) (toutes taxes comprises) pour la campagne 1997/1998 et de 730.606,63 F (111 372,96 euros) (toutes taxes comprises) pour les campagnes 1998/1999 et 1999/2000, ainsi que des titres de perception émis en application desdites décisions, impliquant la décharge des sommes correspondantes et la condamnation de l'AUP à les lui reverser augmentées des intérêts de retard à compter de sa demande au tribunal ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'AUP une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la SA EUROFOURRAGE et non compris dans les dépens ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SA EUROFOURRAGE, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que l'AUP demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Il est accordé à la SA EUROFOURRAGE la décharge des sommes respectives de 80 013,58 euros toutes taxes comprises et de 111 372,96 euros toutes taxes comprises mises à sa charge au titre des campagnes 1997/1998, 1998/1999 et 1999/2000. Ces mêmes sommes seront reversées par l'AUP à la SA EUROFOURRAGE augmentées des intérêts au taux légal à compter du 28 mai 2001.
Article 2 : Le jugement n° 0101032 et 0101610 du 8 décembre 2005 du Tribunal administratif de Besançon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Agence unique de paiement versera une somme de 1 000 euros à la SA EUROFOURRAGE au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA EUROFOURRAGE et les conclusions de l'agence unique de paiement tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SA EUROFOURRAGE, à l'agence unique de paiement et au ministre de l'agriculture et de la pêche.
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N° 06NC00213