Vu la requête, enregistrée le 5 juin 2006, présentée pour Mlle Laurie A, domiciliée ... ;
Elle demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0205031, en date du 11 avril 2006, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, dans le dernier état de ses écritures, à ce que les hospices civils de Lyon (HCL) ou l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), soient condamnés à lui verser une somme de 135 479 euros, en réparation des conséquences dommageables d'interventions chirurgicales ;
2°) de condamner les HCL ou l'ONIAM, à lui verser une somme de 230 408,99 euros ;
3°) de mettre à la charge des HCL ou de l'ONIAM une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- l'hôpital a commis une faute en ne l'informant pas complétement des risques liés à l'intervention, alors qu'elle s'y serait soustraite si elle en avait été informée ;
- subsidiairement, les conséquences anormales de l'intervention lui ouvrent droit au bénéfice du régime de responsabilité sans faute défini par les dispositions de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique ;
- elle a subi un préjudice physiologique, une incapacité partielle permanente, des douleurs, un préjudice esthétique, un préjudice d'agrément, une perte de salaire et un préjudice professionnel ;
- elle a dû engager des frais pour les besoins des expertises.
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2006, présenté pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ; il conclut au rejet de la requête en tant qu'elle tend à sa condamnation ;
Il soutient que les conditions posées par les dispositions de l'article L. 1142-1, II du code de la santé publique ne sont pas remplies, dès lors que l'hôpital engage sa responsabilité pour faute au titre du défaut d'information et, subsidiairement, que le seuil de gravité requis n'est pas atteint ;
Vu le mémoire, enregistré le 9 mars 2007, présenté pour Mlle A ;
Elle conclut :
- à ce que la somme que les HCL ou l'ONIAM seront condamnés à lui verser soit portée au montant total de 340 408,99 euros ;
- pour le surplus, aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.
Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 juillet 2008, présenté pour les hospices civils de Lyon (HCL) ; ils concluent au rejet de la requête ;
Ils soutiennent que :
- même si l'information fournie à la patiente n'a pas été complète, ceci demeure sans incidence dès lors que l'intervention était nécessaire ;
- le régime de responsabilité sans faute défini par les dispositions de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique n'engage que le seul ONIAM.
Vu le mémoire, enregistré le 10 mars 2009, présenté pour Mlle A ; elle conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 28 septembre 2009, après la clôture de l'instruction, présenté pour Mlle A ;
Elle conclut :
- à ce que la somme que les HCL ou l'ONIAM seront condamnés à lui verser soit assortie des intérêt au taux légal à compter du 26 novembre 2002, ces intérêts étant eux-mêmes capitalisés au 26 novembre 2003 et à chaque échéance annuelle ultérieure ;
- pour le surplus, aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens.
Elle indique que le 26 novembre 2002 est la date de la saisine du tribunal administratif de sa demande indemnitaire ;
Vu les pièces dont il résulte que la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon, qui n'a pas produit d'observations, a été régulièrement mise en cause ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, et notamment son article 101 ;
Vu le décret n° 2003-314 du 4 avril 2003, relatif au caractère de gravité des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales prévu à l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er octobre 2009 :
- le rapport de M. Stillmunkes, premier conseiller ;
- les observations de Mlle Pichon et Me Demailly, avocat des hospices civils de Lyon ;
- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;
- les nouvelles observations de Mlle A;
La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise ordonnée en première instance, que Mlle A souffrait d'un syndrome bilatéral de la traversée thoracobrachiale, entraînant une gêne invalidante dans l'usage de ses bras ; que cette gêne est apparue tout d'abord sur le côté gauche, puis s'est étendue au côté droit ; qu'une rééducation n'ayant pas donné de résultats probants, il lui a été proposé une résection de la 1ère côte, qui est une intervention habituelle dans un tel cas ; qu'une première opération a ainsi été réalisée, le 31 janvier 2002, sur le côté gauche ; que le résultat en a été immédiat et satisfaisant ; qu'une seconde intervention, sur le côté droit, a alors été réalisée le 13 mars 2002 ; qu'elle a en revanche été suivie de complications neurologiques sensitives et motrices ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de Mlle A, qui tendait, dans le dernier état de ses écritures, à ce que les hospices civils de Lyon (HCL) ou l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), soient condamnés à réparer les conséquences dommageables d'une intervention chirurgicale réalisée à l'hôpital Edouard Herriot de Lyon ;
Sur le défaut d'information :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ;
Considérant que les hospices civils de Lyon ne contestent pas que Mlle A n'a reçu aucune information spécifique sur les complications susceptibles de survenir du fait de l'intervention dont elle a fait l'objet, en dehors de la seule allusion au fait que l'intervention pourrait laisser subsister les signes fonctionnels ; que, toutefois, la faute ainsi commise par l'hôpital ne peut avoir entraîné pour Mlle A que la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est réalisé ; qu'à cet égard, l'expert relève que l'absence de traitement aurait entraîné un syndrome du défilé thoracobrachial non traité, soit une gêne fonctionnelle croissante de l'ensemble du bras avec fourmillements et difficultés motrices ; que, d'ailleurs, l'expert relève également que dès mai 2001 les signes cliniques devenaient de plus en plus invalidants, et plus intenses sur le côté droit ; qu'une rééducation avait été tentée sans succès, et qu'il n'est pas établi qu'une chirurgie coelioscopique thoracique, évoquée par un médecin conseil de la requérante, aurait été praticable et moins risquée que l'intervention qui a été réalisée ; que l'expert souligne également que la complication qui s'est produite, liée à une lésion du plexus brachial, si elle intervient dans 10 % des cas, est normalement suivie d'une récupération, qui peut être totale ; qu'elle a pris chez la requérante une forme anormalement aigüe et persistante, qui a d'ailleurs conduit l'expert à s'interroger sur l'imputabilité de son état à l'opération ; que, dans ces conditions, compte tenu du rapprochement entre, d'une part les risques normalement prévisibles que présentait l'intervention, d'autre part les risques certains encourus en cas de renonciation, il ne résulte pas de l'instruction que Mlle A aurait renoncé à l'intervention si elle avait été pleinement informée ; que, dès lors le défaut d'information n'a pas entraîné pour elle de perte de chance de se soustraire aux risques de l'intervention ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, dans sa rédaction alors applicable : (...) II. - Lorsque la responsabilité d'un (...) établissement(...) n'est pas engagée, un accident médical (...) ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail. / Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d'incapacité permanente supérieur à un pourcentage d'un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret ; qu'aux termes de l'article 101 de la loi susvisée du 4 mars 2002, ces dispositions sont appplicables aux accidents médicaux consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées à compter du 5 septembre 2001 ; qu'aux termes de l'article L. 1142-22 du même code, dans sa rédaction alors applicable : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (...) est chargé de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale, dans les conditions définies au II de l'article L. 1142-1 (...) des dommages occasionnés par la survenue d'un accident médical (...) ; qu'enfin, aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 4 avril 2003, actuellement codifié à l'article D. 1142-1 du même code : Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %. / Un accident médical (...) présente également le caractère de gravité mentionné à l'article L. 1142-1 lorsque la durée de l'incapacité temporaire de travail résultant de l'accident médical (...) est au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois. / A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu : / 1° Lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical (...) ; / 2° Ou lorsque l'accident médical (...) occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'expertise susmentionnée, qui n'est pas sérieusement contredite, que l'incapacité partielle permanente dont Mlle A demeure atteinte ne dépasse pas un taux de 20 % ; que l'incapacité temporaire totale imputable à l'aléa dont elle a été victime n'a duré que du 13 avril 2002 au 27 septembre 2002 ; qu'enfin, si elle a dû abandonner son activité de coiffeuse, d'une part les gênes qu'elle ressentait et qui ont justifié l'intervention en perturbaient déjà l'exercice, d'autre part, elle a pu retrouver une activité d'agent administratif, et n'a dès lors pas subi un préjudice professionnel exceptionnellement grave ; qu'au demeurant, comme il a été dit, les conséquences de l'aléa dont Mlle A a été victime ne sont pas anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci ; qu'elle ne remplit en conséquence pas les conditions posées par les dispositions précitées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des HCL et de l'ONIAM, qui n'ont pas dans la présente instance la qualité de parties perdantes, une somme quelconque au titre des frais exposés par Mlle A et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mlle A est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Laurie A, aux hospices civils de Lyon, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, et à la caisse primaire d'assurance maladie de Lyon et au ministre de la santé et des sports.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2009 à laquelle siégeaient :
Mme Serre, présidente de chambre,
Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,
M. Stillmunkes, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 3 novembre 2009.
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N° 06LY01192