Vu la requête, enregistrée le 23 mai 2006, présentée pour la société WEST AFRICA HOLDING LIMITED, dont le siège social est 1 Seaton Place, Saint-Helier à Jersey, par Me Gasquet, avocat au barreau de Toulouse ; la société WEST AFRICA HOLDING LIMITED demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 00723-00724-00725 du 14 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes en décharge, en droits et pénalités, des compléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés auxquels elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1995, 1996 et 1997, ainsi que des compléments de taxe sur la valeur ajoutée et de retenue à la source qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997 ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2008 :
* le rapport de M. Kolbert, président-assesseur ;
* et les conclusions de M. Lerner, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'après avoir été autorisée par ordonnance du président du Tribunal de grande instance de Cahors en date du 18 novembre 1997, à effectuer une visite domiciliaire au château de Septfons à Saint-Germain du Bel Air (Lot), propriété de M. Bosteen, gérant et principal associé de la société WEST AFRICA HOLDING LIMITED, dont le siège social est situé à Jersey, l'administration fiscale a, à l'issue de ces investigations au cours desquelles elle a procédé à la saisie de plus de six mille documents, notifié à ladite société, le 17 décembre 1998, des redressements de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997, ainsi que d'impôt sur les sociétés, de contribution supplémentaire sur l'impôt sur les sociétés et de retenue à la source au titre des exercices clos en 1995, 1996 et 1997 ; que cette société relève appel du jugement en date du 14 février 2006 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes en décharge des compléments d'imposition résultant desdits redressements ;
Sur la procédure d'imposition :
Considérant, en premier lieu, que s'il incombe à l'administration d'informer le contribuable dont elle envisage de rectifier les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication et qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements, avec une précision suffisante, afin que l'intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, et s'il lui appartient, de même, de satisfaire à une telle demande émanant du contribuable, il résulte de l'instruction que les renseignements que l'administration a, dans l'exercice de son droit de communication, obtenus auprès de la Poste, de France Télécom, d'Electricité de France et de la Mutualité sociale agricole, et qui lui ont permis d'obtenir du président du Tribunal de grande instance de Cahors l'autorisation de faire procéder, au château de Septfons, à une visite domiciliaire par application des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, n'ont été utilisés par le vérificateur ni pour déterminer l'assujettissement à l'impôt en France de la société WEST AFRICA HOLDING LIMITED, ni pour calculer les impositions en litige, la notification de redressements n'ayant, en effet, été établie qu'à partir des pièces et documents saisis au cours de cette visite ; qu'il en résulte que la société appelante ne peut utilement se prévaloir de l'absence d'indication, dans ladite notification, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus par l'administration dans l'exercice de son droit de communication, ni du refus qui lui a été opposé de les mettre à sa disposition, pour soutenir que la procédure suivie à son encontre aurait été irrégulière ;
Considérant, en deuxième lieu, que si la société WEST AFRICA HOLDING LIMITED soutient qu'elle n'a pu utilement bénéficier d'un débat oral et contradictoire en ce qui concerne les pièces qui avaient été saisies lors de la visite domiciliaire effectuée le 19 novembre 1997, il résulte de l'instruction que ces documents ont été restitués le 30 janvier 1998 au mandataire que son représentant légal, M. Bosteen, avait désigné à cet effet, avant que ne débute la vérification de comptabilité, le 16 juin 1998 ; que, sans pouvoir se prévaloir utilement à cet égard, de la prétendue qualité de tiers de M. Bosteen pour en obtenir une nouvelle communication, elle doit être regardée comme ayant été en possession de ces documents au cours de ladite vérification et que, dans ces conditions, quel que soit le nombre de documents concernés, elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe, de ce que le vérificateur se serait refusé à tout échange de vues quant à l'exploitation de ces documents, en la privant d'un débat oral et contradictoire ;
Considérant, en troisième lieu, que la notification de redressement du 17 décembre 1998 indique clairement et distinctement pour chaque année vérifiée, les différents chefs, les bases et les motifs de droit et de fait des redressements envisagés dans chaque catégorie d'impôt ; qu'elle comporte également par année, un décompte des commissions reçues par la société pour son activité de négoce international, le montant de ses encaissements bancaires et que s'y trouve enfin annexée la récapitulation des pièces utilisées par le vérificateur pour étayer sa démonstration ; que cette motivation, qui permettait à la société vérifiée de présenter utilement ses observations ainsi qu'elle l'a fait le 11 février 1999, répondait aux exigences énoncées à l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que de même, et ainsi que l'ont indiqué les premiers juges qui, sur ce point, n'ont commis aucune omission à statuer, l'administration a suffisamment motivé la réponse qu'elle a faite le 15 mars 1999 aux-dites observations du contribuable ;
Sur le principe de l'assujettissement à l'impôt en France de la société appelante :
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant qu'aux termes de l'article 259 du code général des impôts : « Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu, ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'ensemble des pièces saisies par l'administration, que la société WEST AFRICA HOLDING LIMITED exerce une activité d'intermédiaire pour des opérations de négoce international de denrées alimentaires entre des sociétés d'Europe du Nord et des sociétés d'Afrique de l'Ouest, mais qu'elle n'a aucune activité réelle à Jersey où se trouve son siège social, alors que son principal actionnaire et mandataire, M. Erik Bosteen, qui, au cours des années vérifiées, a résidé à plusieurs reprises dans sa propriété de Septfons pour une durée totale de trois à quatre mois par an, a, pendant ces séjours, effectué, depuis cette résidence où il disposait d'un bureau, d'un télécopieur et d'un téléphone affectés à l'activité de la société, l'ensemble des opérations commerciales et financières relevant de cette dernière, les correspondances émanant tant des sociétés qu'elle mettait en relations, que des banques, étant d'ailleurs libellées à l'adresse du château de Septfons ; qu'eu égard au nombre et à l'importance des transactions et opérations ainsi réalisées depuis cette résidence, l'administration doit être regardée comme établissant que cette dernière constituait un établissement stable de la société WEST AFRICA HOLDING LIMITED, au sens des dispositions précitées de l'article 259 du code général des impôts, et que les prestations de services correspondantes devaient bien être regardées comme ayant été accomplies en France et soumises, pour cette raison, à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à cet égard, la société appelante ne saurait utilement se prévaloir des énonciations de l'arrêt de la Cour d'appel d'Agen en date du 24 octobre 2002 qui a relaxé M. Bosteen, des poursuites pour fraude fiscale dont il a fait l'objet et dont les constatations de fait ne peuvent lier le juge administratif, cette relaxe ayant été prononcée au bénéfice du doute ; que, de même, ne sauraient s'imposer au juge administratif les termes de l'ordonnance du 16 septembre 2002 rendue en matière d'hypothèque, par le juge de l'exécution près le Tribunal d'instance de Gourdon ;
Considérant que la société WEST AFRICA HOLDING LIMITED se prévaut également des dispositions de l'article 259 B du code général des impôts aux termes desquelles : « Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle : ... 4° Prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d'études dans tous les domaines y compris ceux de l'organisation de la recherche et du développement ... 6° Opérations bancaires, financières et d'assurance ou de réassurance, à l'exception de la location de coffres-forts ... 8° Prestations des intermédiaires qui interviennent au nom et pour le compte d'autrui dans la fourniture des prestations de services désignées au présent article ... Le lieu de ces prestations est réputé ne pas se situer en France même si le prestataire est établi en France lorsque le preneur est établi hors de la communauté européenne ou qu'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée dans un autre Etat membre de la communauté » ;
Considérant, d'une part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'activité au titre de laquelle la société appelante percevait les commissions ayant donné lieu à taxation, ait consisté en des prestations de conseil et d'études, ni que ces commissions aient spécifiquement rémunéré les garanties de paiement afférentes aux factures dont elle assurait la transmission ; qu'ainsi, elle ne saurait, ni en application des 4° et 6° de l'article 259 B précité du code général des impôts, ni en se prévalant, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des termes de la doctrine administrative référencée 3A-2143 (§23 et 24) à jour au 20 octobre 1999, soutenir qu'elle ne pouvait pas être taxée en France au titre de son activité d'intermédiaire de commerce ;
Considérant, d'autre part, que la société appelante, dont l'activité d'intermédiaire concernait le négoce de denrées alimentaires et non l'une des prestations de services énumérées à l'article 259 B du code général des impôts, ne peut davantage se prévaloir des dispositions précitées du 8° et du dernier alinéa de cet article, pour soutenir que le lieu d'exercice de cette activité ne pouvait être réputé se situer en France ;
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts en sa rédaction alors applicable : « I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ... » ; qu'aucune convention internationale n'a été conclue entre la France et Jersey en application des dispositions qui précèdent ; qu'ainsi qu'il a été dit, l'ensemble des opérations de négoce réalisées habituellement par la société WEST AFRICA HOLDING LIMITED étaient, pendant les périodes durant lesquelles M. Bosteen résidait en France, centralisées au château de Septfons, où étaient alors prises toutes les décisions importantes et notamment celles de conclure lesdites transactions et qu'ainsi, nonobstant le caractère discontinu de l'activité exercée depuis ce centre de direction situé en France, ladite société doit être regardée comme entrant dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 209 du code général des impôts ;
Considérant que la société WEST AFRICA HOLDING LIMITED ne peut utilement se prévaloir sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des termes de la doctrine administrative référencée 4H 1412 du 1er mars 1995, laquelle ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle qui vient d'être énoncée ;
En ce qui concerne la retenue à la source :
Considérant qu'aux termes de l'article 115 quinquies du code général des impôts : « I. Les bénéfices réalisés en France par les sociétés étrangères sont réputés distribués, au titre de chaque exercice, à des associés n'ayant pas leur domicile fiscal ou leur siège social en France ... » ; qu'aux termes du 2 de l'article 119 bis du même code : « Sous réserve des dispositions de l'article 239 bis B, les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source ... » ;
Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la société WEST AFRICA HOLDING LIMITED doit être regardée comme ayant réalisé en France une partie des bénéfices provenant de son activité de négoce international et que lesdits bénéfices doivent être soumis aux dispositions précitées relatives à la retenue à la source ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que la société WEST AFRICA HOLDING LIMITED, qui n'a pas contesté en appel, le mode de calcul des impositions litigieuses, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes en décharge desdites impositions ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la société WEST AFRICA HOLDING LIMITED de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société WEST AFRICA HOLDING LIMITED est rejetée.
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N° 06BX01084