LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le trente mai deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire MENOTTI, les observations de Me SPINOSI, et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;
REJET du pourvoi formé par l'association Grande loge nationale française, partie civile, contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 12 juillet 2006, qui, dans l'information suivie, sur ses plaintes, contre Joseph Y... et Michel Z..., du chef de diffamation publique envers un particulier, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23,29,32 et 58 de la loi du 29 juillet 1881, R. 621-1 du code pénal,85,212,591 et 593 du code de procédure pénale :
" en ce que la chambre de l'instruction a dit n'y avoir lieu de poursuivre à l'égard de quiconque des chefs de diffamation ;
" aux motifs que les diffusions incriminées ont été effectuées à l'occasion d'élections organisées au sein de la Grande loge nationale française GLNF ; que Michel Z... a reconnu avoir fourni à Joseph Y... une liste d'adresses de personnes appartenant à la Grande loge de marque, en réalité Grande loge des maîtres maçons de marque de France, dont il a été membre et qu'il a qualifié, dans un premier temps, de " sous-famille " de la GLNF pour préciser ultérieurement que ses membres étaient nécessairement membres de la GLNF ;
qu'il résulte des pièces annexées au dossier de la procédure que la Grande loge des maîtres maçons de marque de France est intimement liée à la Grande loge nationale française, n'accueillant en son sein que des francs-maçons réguliers ;
que l'on comprend, à la lecture de ces pièces, qu'en France comme à l'étranger, les Grandes loges de marque réunissent les titulaires de grades appartenant à des obédiences, telle que la Grande loge nationale française, soumises aux règles traditionnelles de la franc-maçonnerie régulière (cf. lettre adressée le 21 juillet 2005 par le Grand maître de la GLMMMF au Grand maître de la GLNF) ;
que l'information n'a pas permis d'établir qu'une personne étrangère à cette communauté d'intérêts que constitue la maçonnerie régulière ait été destinataire du texte incriminé ; qu'en l'absence de publicité, il convient de rechercher si les faits dénoncés sont susceptibles de constituer la contravention de diffamation non publique réprimée par l'article R. 621-1 du code pénal ; que la contravention de diffamation non publique n'est constituée que pour autant que l'envoi privé ait été fait dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel ;
que cette exigence de nature à limiter la liberté d'expression et d'opinion et celle des correspondances doit être strictement interprétée, le destinataire étant lui-même soumis à une obligation de discrétion ; qu'en l'espèce il n'apparaît pas que les dix messages incriminés avaient été envoyés par Joseph Y... dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel ;
" alors que, d'une part, sont publics les propos qui, bien que diffusés à des personnes liées entre elles par une communauté d'intérêts, sont étrangers à cette dernière ; qu'en l'espèce les propos litigieux avaient trait aux élections internes de la Grande loge nationale française, obédience parmi d'autres de la franc-maçonnerie régulière, et étaient de ce fait étrangers à la communauté d'intérêts formée par l'ensemble des membres de la franc-maçonnerie régulière ;
qu'en en considérant, néanmoins, comme dépourvue de publicité leur diffusion de ces propos, la chambre de l'instruction a violé les textes qu'elle prétendait appliquer ;
" alors que, d'autre part, en se bornant à relever que la Grande loge des maîtres maçons de marque de France est intimement liée à la Grande loge nationale française sans constater une communauté d'intérêt entre ces deux associations permettant de considérer comme dépourvus de publicité les propos intéressant l'une et diffusés au sein de l'autre, la chambre de l'instruction n'a pas légalement motivé sa décision ;
" alors qu'en outre, en se bornant à relever que la Grande loge des maîtres maçons de marque de France n'accueille en son sein que les francs-maçons réguliers sans rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée par la partie civile, si les membres de cette loge sont nécessairement membres de la Grande loge nationale française visée par les propos litigieux, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale ;
" alors qu'au surplus, la partie civile dénonçait explicitement dans son mémoire la circonstance que quatre des dix destinataires du message litigieux n'avaient pu être identifiés ; qu'en conséquence, en retenant l'absence de publicité du fait que le message a été adressé à dix personnes liées entre elles par une communauté d'intérêts sans avoir pu identifier quatre de ces personnes et sans constater l'impossibilité de procéder à cette identification, la chambre de l'instruction n'a pas suffisamment motivé sa décision ;
" alors qu'enfin, n'est pas confidentiel le document comportant des imputations diffamatoires et adressé, par voie électronique, au moyen d'un courrier comportant la mention " à lire et à transmettre " ; qu'en l'espèce, il ressort du dossier que le document comportant les imputations diffamatoires a été joint à un courrier électronique comportant une telle mention ; qu'en conséquence, en qualifiant de confidentiel le message litigieux, et en écartant ainsi la contravention de diffamation non publique, la chambre de l'instruction a de nouveau violé les textes visés ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que la Grande loge nationale française a porté plainte et s'est constituée partie civile du chef de diffamation publique envers un particulier, en raison notamment de la diffusion, par voie électronique, à partir de l'adresse de Joseph Y..., d'un message auquel était joint un document de 40 pages intitulé " Le livre blanc, les frères de la vérité ", mettant en cause certaines personnes de cette obédience, adressé à une dizaine de membres de la Grande loge des maîtres maçons de marque ; que le juge d'instruction a prononcé non-lieu ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance entreprise, l'arrêt retient que l'information n'a pas établi que le message contenant les propos diffamatoires avait été adressé aux dix destinataires dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel ni qu'il avait été transmis à un tiers au groupement de personnes liées par une communauté d'intérêts que constituent la Grande loge nationale de France et la Grande loge des maîtres maçons de marque, toutes deux faisant partie de la " maçonnerie régulière " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, les juges ont justifié leur décision ;
Qu'en effet, les expressions diffamatoires visant une personne autre que les destinataires du message qui les contient ne sont punissables que si l'envoi a été fait dans des conditions exclusives d'un caractère confidentiel ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, Mme Ménotti conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;