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14/03/2007 | FRANCE | N°06-81010

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 mars 2007, 06-81010


N° D 06-81.010 F-P+F
N° 1759

SH14 MARS 2007

M. DULIN conseiller le plus ancien, faisant fonction de président,

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze mars deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LEMOINE, les observations de Me SPINOSI et de la société civile professionnelle CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;
REJET des pourvois formés par Y... Joël, Z... Nes

sim, la ville de Cannes, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Prov...

N° D 06-81.010 F-P+F
N° 1759

SH14 MARS 2007

M. DULIN conseiller le plus ancien, faisant fonction de président,

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze mars deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire LEMOINE, les observations de Me SPINOSI et de la société civile professionnelle CHOUCROY, GADIOU et CHEVALLIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHARPENEL ;
REJET des pourvois formés par Y... Joël, Z... Nessim, la ville de Cannes, partie civile, contre l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 14 décembre 2005, qui, dans la procédure suivie contre le premier, des chefs de complicité d'abus de biens sociaux, complicité de corruption et faux, le second, des chefs de complicité d'abus de biens sociaux et complicité de corruption, a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé par Me Spinosi, pour la ville de Cannes, pris de la violation des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 461, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce que l'arrêt attaqué a écarté des débats la note en délibéré adressée à la cour par la ville de Cannes, parvenue à la cour «après la clôture des débats» ;
"alors que, d'une part, la clôture des débats en matière correctionnelle ne peut résulter que du prononcé du jugement ou de l'arrêt ; qu'en retenant, pour écarter la note en délibéré présentée par la ville, que celle-ci avait été adressée à la cour après la clôture des débats, lorsqu'elle avait été reçue entre l'audience de plaidoirie et celle de son prononcé, la cour d'appel a manifestement excédé ses pouvoirs ;
"alors que, d'autre part, la cour d'appel ne pouvait écarter la note en délibéré qui lui avait été adressée sans même l'avoir prise en considération et, partant, sans avoir aucunement apprécié s'il y avait lieu d'ordonner une reprise des débats et ce d'autant plus qu'il résultait de ses propres constatations que cette note avait été contradictoirement débattue, puisque certaines parties à la procédure y avaient répondu ;
"alors qu'en tout état de cause, le droit au procès équitable commande qu'une partie puisse produire, à la suite des observations qui ont été présentées par le ministère public à l'audience, des observations écrites en cours de délibéré ; qu'en écartant purement et simplement des débats la note qui lui a été adressée, sans en apprécier la teneur, la cour d'appel a méconnu les droits de la défense de la commune, tels qu'ils sont garantis par l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme" ;
Attendu que la demanderesse ne saurait se faire un grief de ce que l'arrêt a écarté la note produite en délibéré par son avocat, dès lors que la suite susceptible d'être réservée à cette note relève de l'appréciation souveraine des juges du fond ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, proposé par Me Spinosi, pour la ville de Cannes : (Publication sans intérêt) pris de la violation des articles 1382 du code civil, 433-1 du code pénal, 2, 3, 591, 593 du code de procédure pénale :
"en ce que l'arrêt attaqué a débouté la commune de l'ensemble de ses demandes au titre du préjudice matériel subi du fait des infractions poursuivies ;
"aux motifs que « le préjudice matériel invoqué, que ce soit au titre de l'effort artistique ou au titre des taxes, pour la période du 14 juillet 1998 au 15 juillet 2000, s'il n'est pas sans rapport avec les faits de corruption reprochés aux prévenus, est la conséquence des décisions de révocation de l'autorisation de jeu accordée à la SA Grand Casino de Cannes et du refus du ministre de l'intérieur d'envisager la reprise de l'exploitation du casino sans engager une nouvelle procédure de délégation de service public et ne présente pas le caractère d'un préjudice né directement des infractions de corruption active et passive retenues à l'encontre de Michel A..., Joël Y..., Martin B... et Nessim Z... » ;
"alors que constitue un dommage matériel qui découle directement des infractions en cause, la perte de financement d'une commune, consécutive au retrait par l'administration d'une autorisation d'exploitation d'un casino, prise au seul motif de l'existence de délits de corruption active et passive entre les dirigeants de ce casino et l'ancien maire de la cette commune ;
"alors qu'en tout état de cause la cour d'appel, qui constatait que le préjudice invoqué au titre de l'effort artistique ou au titre de taxe sur le produit des jeux n'était pas sans rapport avec les infractions en cause, ne pouvait se borner à refuser toute indemnisation, sans apprécier si les agissements des prévenus n'avait pas entraîné pour la commune une perte de chance d'obtenir le financement qui avait été contractuellement prévu" ;
Attendu que, pour débouter la ville de Cannes de sa demande d'indemnisation du préjudice matériel résultant pour elle du défaut de perception de la somme annuelle forfaitaire versée par le casino au titre de l'effort artistique et de la taxe perçue sur le produit des jeux, l'arrêt énonce que le préjudice invoqué, qui est la conséquence des décisions de révocation d'autorisation de jeux et du refus du ministre de l'intérieur d'autoriser la reprise de l'exploitation du casino, ne présente pas le caractère d'un préjudice né directement des infractions reprochées aux prévenus ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors qu'aucune perte de chance ne peut être invoquée, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par la société civile professionnelle Choucroy, Gadiou et Chevallier pour Joël Y... et Nessim Z..., commun à ces deux demandeurs : (Publication sans intérêt) pris de la violation des articles 1382 du code civil, 2, 3, 459, 464, 480-1 et 593 du code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné solidairement Michel A..., Joël Y..., Martin B... et Nessim Z... à payer à la ville de Cannes, partie civile, la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour son préjudice moral, ainsi que 10 000 euros par application de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
"au motif que la corruption du maire de la ville de Cannes, consentie par celui-ci et opérée par Martin B..., sur les instructions de Joël Y... et de Nessim Z..., porte une atteinte grave à la notoriété de cette ville mondialement connue, notamment au travers de son festival de cinéma et d'autres manifestations internationales ; que l'atteinte ainsi portée à sa notoriété est constitutive d'un préjudice moral spécifique, causé directement par l'infraction, qu'il convient d'évaluer à la somme de 100 000 euros ; que les infractions de corruption active, de corruption active et de complicité de corruption active étant connexes, Michel A..., Joël Y..., Martin B... et Nessim Z... seront condamnés solidairement au paiement de cette somme, sans qu'il y ait lieu de distinguer le rôle de chacun ;
"alors que, dans leurs conclusions d'appel, Joël Y... et de Nessim Z... soutenaient que le préjudice moral des personnes morales de droit public se confond avec l'intérêt social dont la protection est assurée par l'action publique et qu'en outre en l'espèce, où le maire de Cannes, qui les avait soumis à un chantage pour qu'ils se rendent coupables des faits de corruption pour lesquels ils avaient été condamnés avec lui, avait auparavant déjà été condamné pour des faits de même nature ayant entraîné son inéligibilité en sorte que le préjudice moral, subi par la ville qui l'avait malgré tout réélu dans ces conditions, était inexistant ou ne pouvait être distingué de celui résultant des précédentes condamnations de son maire ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire de défense et en prononçant en outre la condamnation solidaire dudit maire et des demandeurs à verser des dommages-intérêts destinés à réparer le prétendu préjudice moral subi par la ville, la cour a violé l'article 459 du code de procédure pénale ainsi que les autres textes visés au moyen" ;
Attendu que, pour indemniser la ville de Cannes au titre d'un préjudice moral résultant de l'atteinte portée à sa notoriété du fait des agissements des prévenus, l'arrêt énonce que la corruption de son maire, opérée sur les instructions des prévenus, porte une atteinte grave à la notoriété de cette ville mondialement connue notamment au travers de son festival de cinéma et d'autres manifestations internationales ; que les juges ajoutent que les infractions de corruption et de complicité étant connexes, les prévenus seront condamnés solidairement au paiement des dommages-intérêts ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, exemptes d'insuffisance et de contradiction, et répondant aux articulations essentielles des conclusions des parties, et dès lors qu'elle a caractérisé l'existence d'un préjudice moral distinct de l'intérêt social, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Qu'ainsi le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de la ville de Cannes, de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Dulin conseiller le plus ancien, faisant fonction de président en remplacement du président empêché, M. Lemoine conseiller rapporteur, Mme Thin, MM. Rognon, Chanut. Mmes Nocquet, Ract-Madoux, MM. Guérin, Bayet conseillers de la chambre, M. Soulard, Mmes Degorce, Labrousse conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Charpenel ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 06-81010
Date de la décision : 14/03/2007
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

JUGEMENTS ET ARRETS - Note en délibéré - Reprise des débats - Appréciation souveraine

La suite susceptible d'être réservée à une note en délibéré relève de l'appréciation souveraine des juges du fond


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 14 décembre 2005

Sur l'appréciation souveraine des juges du fond quant à la suite à donner à une note en délibéré, à rapprocher :Crim., 25 juin 1990, Bull. crim. 1990, n° 258, p. 664 (rejet) ;Crim., 1er avril 1998, Bull. crim., 1998, n° 125, p. 341 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 mar. 2007, pourvoi n°06-81010, Bull. crim. criminel 2007, n° 83, p. 416
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2007, n° 83, p. 416

Composition du Tribunal
Président : M. Dulin (conseiller le plus ancien, faisant fonction de président)
Avocat général : M. Charpenel
Rapporteur ?: M. Lemoine
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Choucroy, Gadiou et Chevallier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2007:06.81010
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