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10/06/2008 | FRANCE | N°06-46000

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 juin 2008, 06-46000


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite de la décision de la société Air France de rétablir les vols vers Alger, en juin 2003, le syndicat UGICT-CGT (le syndicat) a invité le personnel navigant à exercer un droit de retrait sur ces vols ; que l'inspecteur du travail des transports ayant estimé, le 2 juillet 2003, après enquête, que les mesures de sécurité mises en place par Air France excluaient tout risque de danger grave et imminent pour son personnel, le syndicat a fait diffuser le 3 juillet 2003 u

n nouveau tract rappelant que le décret du 11 juillet 1991 imposait ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite de la décision de la société Air France de rétablir les vols vers Alger, en juin 2003, le syndicat UGICT-CGT (le syndicat) a invité le personnel navigant à exercer un droit de retrait sur ces vols ; que l'inspecteur du travail des transports ayant estimé, le 2 juillet 2003, après enquête, que les mesures de sécurité mises en place par Air France excluaient tout risque de danger grave et imminent pour son personnel, le syndicat a fait diffuser le 3 juillet 2003 un nouveau tract rappelant que le décret du 11 juillet 1991 imposait aux membres de l'équipage ressentant une déficience quelconque pouvant leur faire croire qu'ils ne rempliraient pas les conditions d'aptitude nécessaires à l'exercice de leurs fonctions de s'abstenir de les exercer ; que l'employeur ayant ensuite appliqué sur la rémunération des membres du Personnel navigant commercial (PNC) exerçant ce droit une retenue égale au trentième du salaire forfaitaire mensuel, le syndicat a saisi le juge civil pour qu'il soit mis fin à cette pratique et pour obtenir paiement de dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 3.1.3 de l'annexe I du décret du 11 juillet 1991, ensemble l'article 1134 du code civil ;
Attendu que, pour faire défense à la société Air France d'appliquer une retenue sur la rémunération des membres du PNC s'abstenant de vol en application de l'article 3.1.3 de l'annexe I du décret susvisé et pour la condamner au paiement de dommages-intérêts, la cour d'appel a retenu qu'il incombe aux compagnies aériennes de prendre toute mesure propre à assurer la protection des biens et des personnes, passagers transportés et personnel, sans distinguer entre navigants techniques et navigants commerciaux, l'objectif étant de garantir la sécurité à bord des avions ; que l'article 3.1.3 crée pour le salarié une obligation de s'abstenir de voler dès qu'il ressent un état de fatigue tel qu'il n'est plus en possession de tous ses moyens, ce qui pourrait avoir pour effet de mettre en danger les passagers et ses collègues de travail, peu important la nature de la défaillance ressentie ; et qu'il en résulte que le dispositif mis en place par le décret du 11 juillet 1991 crée un risque à la charge de la compagnie aérienne dont elle doit assumer les conséquences financières, sans pouvoir opérer de retenue sur le salaire du personnel navigant qui s'abstient d'exercer ses fonctions à la suite d'une déficience ;
Attendu cependant, que lorsqu'un salarié n'est pas en mesure de fournir la prestation inhérente à son contrat de travail, l'employeur ne peut être tenu de lui verser un salaire que si une disposition légale, conventionnelle ou contractuelle lui en fait obligation ; que l'article 3.1.3 de l'annexe I du décret du 11 juillet 1991 ne prévoit pas qu'un membre d'équipage qui n'exécute pas ses fonctions en raison de la déficience qu'il ressent a droit au paiement du salaire lié à l'exercice de ces fonctions ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur les deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième branches du moyen :
Vu l'article 3.1.3 de l'annexe I du décret du 11 juillet 1991, ensemble l'article 1134 du code civil et l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour faire droit aux demandes du syndicat, la cour d'appel retient également qu'en tout état de cause, le salarié qui s'abstient de voler doit demeurer, ainsi que cela est reconnu par chacune des parties, à la disposition de l'employeur, qui a seul le pouvoir d'organiser les conditions de travail et par suite de lui attribuer une affectation adaptée ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, qu'il ne résulte pas du dossier de la procédure que la société Air France ait admis que le salarié s'abstenant de vol devait rester à sa disposition, et alors d'autre part, que l'article 3.1.3 de l'annexe I du décret susvisé n'oblige pas l'employeur à attribuer une autre affectation au salarié refusant d'accomplir son travail sur un vol, pour la raison qu'il prévoit, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé les textes susvisés ;
Et sur les deux dernières branches du moyen :
Vu le principe d'égalité de traitement ;
Attendu que, pour faire droit à la demande du syndicat, la cour d'appel retient encore que la société Air France opère une différence de traitement entre personnel navigant commercial et personnel navigant technique ; qu'aucune retenue sur salaire n'est effectuée sur le salaire du personnel navigant technique, contrairement au personnel navigant commercial auquel est retiré un trentième de salaire ; que la société Air France ne peut invoquer le fait que la prime horaire de vol n'est pas versée au personnel navigant technique qui s'abstient de voler en vertu de l'article 3.1.3 du décret, alors que la rémunération du personnel navigant technique comprend un salaire fixe, des primes de vol variables selon la spécialité de l'appareil, ainsi que des primes annuelles ; que rien ne justifie que le salaire fixe des personnels navigants techniques ne soit pas diminué comme celui des personnels navigants commerciaux, l'argument selon lequel le salarié subit également une baisse de rémunération du fait du non-paiement de la prime horaire de vol étant inopérant, dès lors qu'en toute hypothèse, en n'assurant pas effectivement un vol, il ne peut réclamer le versement d'une prime déterminée notamment en fonction du type d'avion ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la différence de traitement appliquée à ces deux catégories de personnel s'expliquait par une différence dans le mode de rémunération et alors qu'il lui revenait de rechercher si les retenues opérées aboutissaient à des résultats équivalents au regard du mode de rémunération applicable à chacune des deux catégories de personnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, au regard du principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 octobre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne le syndicat UGICT CGT Air France aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille huit.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 06-46000
Date de la décision : 10/06/2008
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Salaire - Egalité des salaires - Atteinte au principe - Défaut - Conditions - Eléments objectifs justifiant la différence de traitement - Office du juge

Une différence de traitement entre les salariés pouvant être justifiée par une différence de situation, il revient au juge du fond de vérifier si l'application de modalités de retenues sur salaires différentes aux membres du personnel navigant technique et au personnel navigant commercial, liée à une différence dans le mode de rémunération, n'aboutissait à des résultats équivalents


Références :

Principe d'égalité de traitement

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 octobre 2006

Sur le n° 1 : Sur les limites à l'obligation de l'employeur de verser une rémunération au salarié qui n'est pas en mesure de fournir la prestation inhérente à son contrat de travail, à rapprocher : Soc., 18 novembre 2003, pourvoi n° 01-44280, Bull. 2003, V, n° 285 (1) (cassation) ; Soc., 8 juin 2005, pourvoi n° 03-44913, Bull. 2005, V, n° 193 (cassation partielle) Sur le n° 3 : Sur l'office du juge statuant sur l'atteinte au principe d'égalité de traitement, à rapprocher : Soc., 20 février 2008, pourvoi n° 05-45601, Bull. 2008, V, n° 39 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 jui. 2008, pourvoi n°06-46000, Bull. civ. 2008, V, N° 130
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2008, V, N° 130

Composition du Tribunal
Président : Mme Collomp
Avocat général : M. Foerst
Rapporteur ?: M. Bailly
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen et Thouvenin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2008:06.46000
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