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23/11/2006 | FRANCE | N°05MA00462

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 23 novembre 2006, 05MA00462


Vu la requête enregistrée le 22 février 2005 présentée pour M. Serge X, demeurant ... par Me PREZIOSI ; M. X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 02-01856 en date du 21 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a condamné l'Assistance publique de Marseille à lui verser une somme de 18 750 euros, mis les frais d'expertise à la charge de l'Assistance publique de Marseille, condamné l'Assistance publique de Marseille à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplu

s de conclusions de sa demande ;

2°) de condamner l'Assistance publ...

Vu la requête enregistrée le 22 février 2005 présentée pour M. Serge X, demeurant ... par Me PREZIOSI ; M. X demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 02-01856 en date du 21 décembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Marseille a condamné l'Assistance publique de Marseille à lui verser une somme de 18 750 euros, mis les frais d'expertise à la charge de l'Assistance publique de Marseille, condamné l'Assistance publique de Marseille à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de conclusions de sa demande ;

2°) de condamner l'Assistance publique de Marseille à lui verser une somme de 2 440 euros au titre de l'ITT, 110 000 euros de l'IPP, 15 000 euros au titre du pretium doloris, 13 000 euros au titre du préjudice esthétique, 15 000 euros au titre du préjudice d'agrément, une somme quotidienne du 10 février 1997 au jour de l'arrêt à venir de 384 euros au titre de l'assistance d'une tierce personne et également, au même titre, une somme de 2 628 840,96 euros ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

…………………………………………………………………………………………..

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 octobre 2006,

- le rapport de M. Marcovici, rapporteur ;

- les observations de Me Gambini substituant Me Preziosi pour M. X ;

- et les conclusions de M. Dubois, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. X a été admis à l'hôpital de la Timone à Marseille dépendant de l'Assistance publique de Marseille, afin d'y subir une intervention chirurgicale à la suite de l'aggravation des troubles de la marche, se traduisant notamment par des dérobements des membres inférieurs avec chute et, après qu'une IRM du rachis dorso-lombaire ait révélé un processus tumoral ; qu'à la suite de l'intervention pratiquée le 14 octobre 1996, l'état de l'intéressé a évolué vers une paraplégie des membres inférieurs associée à des troubles sphinctériens et sexuels ; que M. X demande en appel la réévaluation des sommes que le Tribunal administratif de Marseille a condamné l'Assistance publique de Marseille à lui verser ; que, par la voie de l'appel incident, l'Assistance publique de Marseille demande l'annulation du jugement et le rejet de la demande présentée par M. X devant les premiers juges ;

Sur la responsabilité sans faute :

Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;

Considérant que la responsabilité de l'établissement hospitalier ne saurait être retenue en l'absence de faute dès lors que l'état antérieur de M. X au moment de son hospitalisation n'est pas sans lien avec les complications post-opératoires survenues ; qu'il résulte en effet de l'instruction que le risque opératoire a été chiffré par l'expert nommé par les premiers juges à 30% et que si le geste opératoire a été déclenchant, c'est sur un état antérieur représentant un risque très marqué ;

Sur la responsabilité pour faute :

Considérant que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité, de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les praticiens de leur obligation ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort de l'expertise que l'état post-opératoire de M. X résulte tant de l'intervention chirurgicale que de l'état pré-existant ; qu'aucun manquement aux règles de l'art n'a été observé avant, pendant et après l'opération litigieuse et que la technique opératoire utilisée était classique et adaptée ; qu 'ainsi, aucune faute médicale ne peut être reprochée au centre hospitalier ;

Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que, lors de la consultation pré-opératoire, l'intéressé a été informé qu'il était porteur d'une tumeur intra-médullaire et de la nécessité de l'intervention chirurgicale pour résorber cette tumeur à l'origine des troubles de la marche dont il souffrait depuis plusieurs années ; que, toutefois, le risque d'aggravation post-opératoire ne lui a pas été clairement explicité ; que ce manquement à l'obligation d'information a fait perdre à l'intéressé une chance de refuser l'intervention ; que la responsabilité du centre hospitalier est engagée sur ce fondement ;

Sur l'évaluation des préjudices subis :

Considérant que la réparation du dommage résultant pour M. X de la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subis ; que, compte tenu du rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à l'intervention et, d'autre part, les risques d'évolution de son affection auxquels s'exposait l'intéressé en cas de renoncement à cette intervention, cette fraction doit être fixée au tiers ;

Considérant que le préjudice afférent à la période d'incapacité temporaire totale durant laquelle M. X a subi des dommages spécifiques liés à son état doit être évalué à la somme 2 440 euros ; que l'intéressé, qui demeure atteint d'une paraplégie entraînant une incapacité permanente de 75 % et nécessitant l'aide d'une tierce personne à temps partiel dont 45% sont imputables à l'opération en cause, subit de ce fait des troubles dans ses conditions d'existence pouvant être évalués à 60 000 euros, dont 30 000 euros au titre de l'atteinte à l'intégrité physique ; qu'il sera fait une juste appréciation des souffrances physiques et du préjudice esthétique endurés par M. X en évaluant à 16 000 euros l'ensemble de ces chefs de préjudice ; que l'état de M. X nécessite l'assistance d'une tierce personne 6 heures par jour ; qu'il sera fait une juste appréciation du chef de ce dernier préjudice en le fixant à une somme de 32 850 euros par an ; que le préjudice total subi par M. X, hors nécessité de l'assistance par une tierce personne, s'élève en conséquence à 78 440 euros, dont 30 000 euros au titre de l'atteinte à son intégrité physique et 48 440 euros au titre de son préjudice à caractère personnel ;

Considérant que le préjudice indemnisable résultant de la perte d'une chance de refuser l'intervention et d'éviter ainsi ses conséquences dommageables doit être fixé au tiers des sommes susmentionnées, soit 26 147 euros, dont 16 147 euros à titre personnel, auxquelles viendront s'ajouter une somme de 10 950 euros par an au titre de l'assistance par une tierce personne, à compter de l'année 1997 ;

Sur les droits de M. X :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour fixer le montant de l'indemnité due à M. X, de défalquer de la part de la condamnation mise à la charge de l'Assistance publique de Marseille représentative de la réparation des atteintes à l'intégrité physique de la victime les sommes devant revenir à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône dès lors que ladite caisse n'a pas produit dans l'instance les relevés des frais médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et d'hospitalisation résultant directement des conséquences dommageables de l'intervention, lesquels ne résultent pas davantage de l'instruction, en dépit de sa mise en cause dans la présente l'instance par la cour administrative d'appel ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à demander la réévaluation des préjudices qu'il a subis et que l'Assistance publique de Marseille n'est pas fondée à demander la réduction de ladite évaluation ;

Considérant qu'il y a lieu sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative de condamner l'Assistance publique de Marseille à verser à M. X la somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1 : L'Assistance publique de Marseille est condamnée à verser à M. X une somme de 10 950 euros par an, à compter de l'année 1997 au titre de l'assistance à tierce personne et une somme 16 147 euros.

Article 2 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.

Article 4 : L'appel incident de l'Assistance publique de Marseille est rejeté.

Article 5 : L'Assistance publique de Marseille est condamnée à verser une somme de 1 500 euros à M. X sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. X, à l'Assistance publique de Marseille, à la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches du Rhône et au ministre de la santé et des solidarités.

Copie en sera adressée à Me Preziosi, à Me Le Prado et au préfet des Bouches du Rhône.

2

N°0500462


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 05MA00462
Date de la décision : 23/11/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. DARRIEUTORT
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. DUBOIS
Avocat(s) : JACQUES ANTOINE PREZIOSI MARC ANDRE CECCALDI ; PREZIOSI CECCALDI AVOCATS ASSOCIES ; JACQUES ANTOINE PREZIOSI MARC ANDRE CECCALDI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2006-11-23;05ma00462 ?
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