AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept septembre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller ANZANI, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Olivier,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 14 juin 2005, qui, dans la procédure suivie contre lui des chefs de violences avec arme, agression sexuelle, viol avec arme, a rejeté ses demandes de mise en liberté ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 5 et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 144 et suivants, 145 et suivants, 148-1, 199, 593, 657 et suivants du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté la demande de mise en liberté formée par Olivier X... ;
"aux motifs que l'instruction est terminée depuis l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel du 18 décembre 2003, que l'article 145-2 n'est pas applicable, que la durée de la détention s'apprécie au regard du délai raisonnable ; que la détention n'est pas incompatible avec l'état de santé du mis en examen ; que le mis en examen est toxicomane depuis l'âge de 14 ans, qu'il est indifférent aux autres, que toutes les tentatives de sevrage ont échoué, qu'il a frappé ses compagnes, dont l'une enceinte, qu'il convient d'éviter le renouvellement de l'infraction ;
que le mis en examen est déclaré inapte au travail, qu'il dispose d'un hébergement chez sa grand-mère, serait propriétaire d'un appartement, que, cependant, eu égard à la gravité de la peine encourue, il convient d'assurer la représentation en justice ; que la détention provisoire est l'unique moyen de répondre à ces exigences, que les mesures de contrôle judiciaire sont insuffisantes ; qu'en raison des difficultés de la procédure liées à la détermination du juge compétent, la détention provisoire n'a pas excédé un délai raisonnable ;
"1 ) alors qu'en énonçant que l'instruction est terminée depuis l'ordonnance de renvoi du 18 décembre 2003, la chambre de l'instruction a méconnu l'autorité de chose jugée qui s'attache à l'arrêt de la chambre criminelle du 16 février 2005 qui avait déclaré non avenue cette ordonnance ;
"2 ) alors qu'en affirmant que l'instruction est terminée depuis l'ordonnance de renvoi du 18 décembre 2003 tandis que, selon un arrêt du 17 mai 2005, la chambre de l'instruction avait, elle-même, ordonné un supplément d'information, elle a méconnu les pièces de la procédure et privé sa décision de tout fondement légal ;
"3 ) alors que la personne mise en examen ne peut être maintenue en détention au-delà de trois ans lorsque la peine encourue est supérieure ou égale à 20 ans de réclusion ou de détention criminelles ; que la prolongation ne peut être ordonnée que pour une durée de 4 mois, spécialement motivée ; qu'en se bornant à déclarer inapplicable l'article 145-2 du Code de procédure pénale, la chambre de l'instruction a violé cette disposition, ensemble les textes susvisés ;
"4 ) alors que la comparution du demandeur est de droit devant la chambre de l'instruction de sorte que la dispense ordonnée était inopérante et que la chambre de l'instruction a, derechef, violé les textes susvisés pour ne pas avoir ordonné cette comparution ;
"5 ) alors qu'en s'abstenant de donner les indications particulières qui justifient en l'espèce la poursuite de l'information et le délai prévisible de l'achèvement de la procédure, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard de l'article 145-3 du Code de procédure pénale ;
"6 ) alors qu'en se bornant à énoncer que la détention provisoire n'a pas excédé un délai raisonnable par la seule référence aux "difficultés de la procédure", la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale" ;
Sur le moyen pris en ses trois premières branches ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'Olivier X... a été mis en examen et placé sous mandat de dépôt criminel le 28 décembre 2001 pour tentative de meurtre et agressions sexuelles ;
Que, par jugement du 11 février 2004, le tribunal correctionnel, devant lequel il a été renvoyé des chefs de violences aggravées et agressions sexuelles, s'est déclaré incompétent au motif que les faits déférés seraient de nature à entraîner une peine criminelle et a décerné un mandat de dépôt contre Olivier X... par application de l'article 469 du Code de procédure pénale ; que, suivant arrêt du 16 février 2005, la chambre criminelle de la Cour de cassation réglant de juges a renvoyé la cause et le prévenu devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, pour statuer tant sur la prévention que sur la compétence ; que, par arrêt du 17 mai 2005, la chambre de l'instruction a ordonné un supplément d'information ;
Attendu que, pour refuser d'ordonner la mise en liberté d'office d'Olivier X... qui prétendait que sa détention ne pouvait excéder 3 ans en application de l'article 145-2 du Code de procédure pénale, l'arrêt retient que ce texte ne peut être invoqué dès lors que le demandeur a été renvoyé devant le tribunal correctionnel par ordonnance du 18 décembre 2003 ; qu'il ajoute que la durée de la détention doit s'apprécier au regard du délai raisonnable ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a fait l'exacte application des textes visés au moyen ;
Qu'en effet, le mandat de dépôt décerné par le tribunal correctionnel en vertu de l'article 469 du Code de procédure pénale conserve ses effets jusqu'à ce qu'il ait été statué par la chambre de l'instruction sur la compétence et la prévention ;
D'où il suit que le grief ne peut être admis ;
Sur le moyen pris en sa quatrième branche ;
Attendu qu'en constatant que le président de la chambre de l'instruction avait refusé la comparution personnelle du demandeur en application de l'article 148-2 du Code de procédure pénale dans sa rédaction issue de la loi du 9 mars 2004, l'arrêt n'a violé aucun des textes visés au moyen ;
Que le grief ne peut qu'être écarté ;
Sur le moyen pris en sa cinquième branche ;
Attendu que lorsque, comme en l'espèce, la détention a été ordonnée par une juridiction de jugement, la chambre de l'instruction n'est pas tenue par l'exigence de motivation spéciale prévue par l'article 145-3 du Code de procédure pénale ;
Qu'ainsi, le grief allégué n'est pas encouru ;
Sur le moyen pris en sa sixième branche ;
Attendu que le demandeur ne saurait être admis à critiquer les motifs pour lesquels la chambre de l'instruction a estimé que la durée de la détention provisoire n'excédait pas le délai raisonnable prévu par l'article 144-1 du Code de procédure pénale, une telle appréciation échappant au contrôle de la Cour de cassation ;
D'où il suit que le grief ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier, tant en la forme qu'au regard des dispositions des articles 137-3, 143-1 et suivants du Code de procédure pénale ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Anzani conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;