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04/10/2006 | FRANCE | N°04PA02901

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3eme chambre - formation a, 04 octobre 2006, 04PA02901


Vu, I, sous le n° 04PA02901, la requête enregistrée le 3 août 2004, présentée pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS, dont le siège est sis 3 avenue Victoria à Paris (75004), par Me Tsouderos ; l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0111248/6 en date du 25 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à M. et Mme Serge X la somme de 18 000 euros chacun et à Mme Monique X la somme de 238 070 euros en réparation des conséquences dommageables de l'hospitalisation de leur petite-fill

e Sarah du 6 au 8 décembre 1993 dans le service de pédiatrie de l'hôpi...

Vu, I, sous le n° 04PA02901, la requête enregistrée le 3 août 2004, présentée pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS, dont le siège est sis 3 avenue Victoria à Paris (75004), par Me Tsouderos ; l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0111248/6 en date du 25 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à M. et Mme Serge X la somme de 18 000 euros chacun et à Mme Monique X la somme de 238 070 euros en réparation des conséquences dommageables de l'hospitalisation de leur petite-fille Sarah du 6 au 8 décembre 1993 dans le service de pédiatrie de l'hôpital Saint Vincent de Paul et la somme de 22 387, 99 euros à la caisse générale de sécurité sociale de la Martinique en remboursement de ses débours, ainsi qu'au remboursement au fur et à mesure de leurs dépenses ou débours en lien direct avec les mêmes dommages dans la limite d'un capital d'un montant respectif de 772 733 euros et 435 545, 27 euros ;

2°) de ramener à de plus justes proportions le montant des indemnités demandées pour chaque chef de préjudice ;

3°) de ramener, en tout état de cause, le montant des indemnités mises à sa charge à 35 % des préjudices subis ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu, II, sous le n° 04PA03115, la requête enregistrée le 23 août 2004, présentée pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS, dont le siège est sis 3 avenue Victoria à Paris (75004), par Me Tsouderos ; l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS demande à la cour :

1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 0111248/6 en date du 25 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à M. et Mme Serge X la somme de 18 000 euros chacun et à Mme Monique X la somme de 238 070 euros en réparation des conséquences dommageables de l'hospitalisation de leur petite-fille Sarah du 6 au 8 décembre 1993 dans le service de pédiatrie de l'hôpital Saint Vincent de Paul et la somme de 22 387, 99 euros à la Caisse générale de sécurité sociale de la Martinique en remboursement de ses débours, ainsi qu'au remboursement au fur et à mesure de leurs dépenses ou débours en lien direct avec les mêmes dommages dans la limite d'un capital d'un montant respectif de 772 733 euros et 435 545, 27 euros ;

……………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2006 :

- le rapport de M. Jarrige, rapporteur,

- les observations de Me Tsouderos pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS, et celles de Me Ducos-Ader pour M. et Mme X,

- et les conclusions de Mme Folscheid, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées n° 04PA02901 et n° 04PA03115 présentées pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS tendent à l'annulation et au sursis à exécution du même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré par l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS de ce que, selon les dires de l'expert, l'erreur de diagnostic et le retard de traitement qui en a découlé ne sont intervenus qu'à concurrence de 35 % dans la constitution des différents préjudices et que, par suite, elle ne saurait être condamnée à la réparation intégrale desdits préjudices ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, ils ont entaché leur jugement d'irrégularité ; qu'il doit par suite être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées tant devant le tribunal administratif que devant la cour par les consorts X et la Caisse générale de sécurité sociale de la Martinique ;

Sur la responsabilité :

Considérant que, le 6 décembre 1993, la jeune Sarah X, née le 15 juillet précédent, a été adressée par le docteur Kovalsky aux services des urgences de l'hôpital Saint Vincent de Paul en raison d'un état hypotonique, d'une nuque molle et de fièvre ; que l'enfant y a été hospitalisée pour un bilan dans le service de pédiatrie et est sortie de l'hôpital le 8 décembre, après notamment un examen neurologique et une ponction lombaire, mais aucun scanner ; que, le 13 du même mois, elle a été transférée en urgence pour une hypertension intracrânienne dans le même service où un scanner cérébral a mis en évidence plusieurs fractures de la région temporale droite et un important hématome sous-dural bilatéral ; que, le même jour, elle a été transférée au service de réanimation pédiatrique de l'hôpital de Bicêtre où son hématome a fait l'objet de trois ponctions successives ; qu'ayant quitté ce service le 24 janvier 1994 pour la Pouponnière du 20ème arrondissement de Paris, elle y a été hospitalisée à nouveau le 3 mars suivant pour l'implantation le lendemain d'une valve ventriculo-péritonéale ; qu'elle est ensuite restée atteinte d'un déficit neurologique extrêmement sévère et définitif et, notamment, d'une cécité quasi-totale ; qu'elle est décédée le 24 juillet 2004, à l'âge de 11 ans, d'un arrêt cardio-respiratoire quelques jours après l'ablation d'une broche du fémur gauche ; que, renvoyée devant la Cour d'assises de Paris, sa mère, Sandrine X, a été condamnée, par un arrêt définitif en date du 3 mai 2001, à une peine de trois années d'emprisonnement avec sursis pour violences commises sur une mineure par ascendant naturel ayant entraîné une infirmité permanente ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert commis par le juge des référés du Tribunal administratif de Paris, le professeur Chodkiewicz, que lors de sa première admission le 6 décembre 1993 à l'hôpital Saint Vincent de Paul, Sarah X présentait tous les symptômes d'un hématome sous-dural du nourrisson, que le tableau clinique a été mal interprété, qu'un scanner qui s'imposait n'a pas été effectué alors qu'était pratiquée une ponction lombaire contre-indiquée en l'espèce et que cette erreur de diagnostic a, en différant de cinq jours l'administration du traitement approprié, fait perdre à l'enfant toute chance d'évolution favorable de son état, c'est-à-dire au prix de séquelles neurologiques modestes ou inexistantes ; que le retard de diagnostic imputable à l'erreur du médecin qui n'a pas correctement interprété les symptômes du patient est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS ; que ce retard de diagnostic a privé Sarah X de chances réelles de rétablissement même partielles si le diagnostic avait été posé de manière plus précoce ; que, dans ces conditions, il y a lieu de condamner l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS à réparer l'intégralité des préjudices subis par les consorts X ;

Sur la réparation :

En ce qui concerne le préjudice subi par Sarah X :

Considérant que la Caisse générale de sécurité sociale de la Martinique justifie avoir exposé des frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation pour le compte de Sarah de Lucy de Fosssarieu d'un montant de 22 387, 99 euros jusqu'à son décès ;

Considérant que le professeur Chodkiewicz a fixé à 90 % le taux de l'incapacité permanente partielle dont est restée atteinte l'enfant ; que, par suite, il sera fait une juste appréciation des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence, de son préjudice esthétique et de son pretium doloris en les évaluant à la somme globale de 450 000 euros, dont les deux tiers réparent l'atteinte portée à son intégrité physique ; que, contrairement à ce que soutient l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS, le décès prématuré de l'enfant à l'âge de 11 ans ne peut qu'être sans incidence sur le montant de ces préjudices qui doivent être évalués à la date fixée par l'expert pour la consolidation de l'état de la victime ;

En ce qui concerne le préjudice subi par les grands-parents, M. et Mme Serge X :

Considérant que si M. et Mme Serge X demandent le remboursement de frais de voyage exposés pour le traitement de leur petite-fille et de frais médicaux ainsi que de rééducation non remboursés par la Caisse générale de sécurité sociale de la Martinique, ils ne justifient pas, par les pièces produites, de la réalité, de l'objet et du montant des dépenses alléguées ;

Considérant qu'ils ne peuvent pas plus prétendre au remboursement de frais de scolarité et de garderie faute de justifier d'un surcoût lié à l'infirmité de leur petite-fille ; que s'ils font malgré tout état de l'aide spécifique apportée par une assistance maternelle, ils n'ont pas produit de justificatifs probants, ni même chiffré précisément les dépenses correspondantes ;

Considérant qu'ils ne sauraient obtenir le remboursement des honoraires d'avocat occasionnés par la procédure devant le juge administratif qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Considérant qu'en revanche, eu égard à la participation active aux opérations d'expertise du médecin auquel ils ont fait appel pour les assister et à la complexité desdites opérations, il sont en droit de demander le remboursement des dépenses exposées à cet effet qui ne sont justifiées qu'à concurrence de la somme de 3 978, 92 euros ;

Considérant qu'ils peuvent aussi prétendre au remboursement des frais engagés pour leur logement lors du traitement de leur petite-fille en métropole au premier semestre 1999 et pour l'achat de matériels spécialisés pour les sommes respectives de 2 963, 61 euros et 1 340, 64 euros ;

Considérant, enfin, que, faute de justifier de l'assistance d'une tierce personne ou de l'abandon ou la réduction de leur activité professionnelle pour prendre en charge leur petite-fille de la date de l'accident à celle de son décès, ils ne peuvent prétendre qu'à l'indemnisation de leur préjudice moral et de leurs troubles dans les conditions d'existence ; qu'il sera fait une juste évaluation de ces préjudices en allouant la somme de 18 000 euros à chacun d'entre eux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préjudice indemnisable de M. et Mme Serge X s'établit à la somme de 44 283, 77 euros ;

Sur les droits de la Caisse générale de sécurité sociale de la Martinique ;

Considérant que la Caisse générale de sécurité sociale de la Martinique a droit au remboursement de ses frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation d'un montant de 22 387, 99 euros ; que, par suite, l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS doit être condamnée à lui verser cette somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2001, date d'introduction de sa demande devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur les droits de M. et Mme Serge X :

Considérant qu'il y a lieu de condamner l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS à verser à M. et Mme Serge X, sous déduction des provisions qui leur ont déjà été versées, d'une part, en leur qualité d'héritiers de leur petite-fille Sarah du fait de la renonciation de leur fille à la succession par une déclaration enregistrée au greffe du Tribunal de grande instance de Fort-de-France le 12 octobre 2004, la somme de 450 000 euros en réparation des préjudices subis par Sarah et, d'autre part, celle de 8 283, 17 euros en réparation de leur préjudice matériel propre ainsi que celle de 18 000 euros chacun en réparation de leur préjudice moral et de leurs troubles dans les conditions d'existence ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant que les frais et honoraires de l'expertise du professeur Chodkiewicz, taxés et liquidés à la somme de 7 495, 77 euros par une ordonnance en date du 9 mars 2000 du président du Tribunal administratif de Paris, doivent être mis à la charge de l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions de Mlle Sandrine X ;

Considérant que les conclusions de Mlle Sandrine X tendant à ce qu'il lui soit donné acte qu'elle se réserve le droit de présenter des prétentions indemnitaires à l'issue de la procédure pénale en cours sont irrecevables et doivent être rejetées ;

Sur la demande de sursis à exécution :

Considérant que la demande de sursis à exécution du jugement attaqué présentée pour l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS est devenue dépourvue d'objet dès lors qu'il a été statué au fond par le présent arrêt sur l'appel dudit jugement ; que, par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête susvisée n° 04PA03115 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation » ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS à verser la somme de 2 500 euros à M. et Mme Serge X et celle de 1 500 euros à la Caisse générale de sécurité sociale de la Martinique au titre des frais exposés par eux tant en première instance qu'en appel et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 25 mai 2004 est annulé.

Article 2 : L'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS est condamnée à verser à M. et Mme Serge X, sous déduction des provisions déjà versées, d'une part, en leur qualité d'héritiers de Sarah X, la somme de 450 000 euros et, d'autre part, celle de 8 283, 17 euros ainsi que celle de 18 000 euros chacun.

Article 3 : L'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS est condamnée à verser à la Caisse générale de sécurité sociale de la Martinique la somme de 22 387, 99 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 septembre 2001.

Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée en référé sont mis à la charge de l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 04PA02901 de l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS et des demandes de première instance ainsi que des conclusions d'appel de M. et Mme Serge X, de Mlle Sandrine X et de la Caisse générale de sécurité sociale de la Martinique est rejeté.

Article 6 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 04PA03115 de l'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS.

Article 7 : L'ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE PARIS versera la somme de 2 500 euros à M. et Mme Serge X et celle de 1 500 euros à la Caisse générale de sécurité sociale de la Martinique au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 04PA0290—04PA03115


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3eme chambre - formation a
Numéro d'arrêt : 04PA02901
Date de la décision : 04/10/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme CARTAL
Rapporteur ?: M. Antoine JARRIGE
Rapporteur public ?: Mme FOLSCHEID
Avocat(s) : TSOUDEROS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2006-10-04;04pa02901 ?
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