AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit mai deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire CHAUMONT, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Gian Luca,
contre l'arrêt n° 149 de la cour d'appel de BASTIA, chambre correctionnelle, en date du 7 juillet 2004, qui, pour infractions au Code de l'urbanisme et travail dissimulé, l'a condamné à quatre mois d'emprisonnement avec sursis et deux amendes de 20 000 euros et 150 euros et a ordonné, sous astreinte, la remise en état des lieux ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de violation des articles L. 480-3, L. 480-4 du Code de l'urbanisme, 6, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Gian Luca X... coupable de l'infraction de continuation de travaux sans permis de construire et en conséquence l'a condamné à une peine de 4 mois d'emprisonnement avec sursis et à 20.000 euros d'amende outre la démolition de l'ouvrage litigieux ;
"aux motifs que s'agissant de la poursuite de travaux de construction sans permis, Gian Luca X... fait valoir qu'il a déjà été condamné pour cette infraction par le tribunal correctionnel d'Ajaccio, suivant jugement du 20 septembre 2002, à une peine d'amende de 5 000 euros qu'il a payée et, qu'en outre, il a obtenu l'accord de la commune, le 16 janvier 2003, sur la réalisation d'un abri de jardin, objet des travaux en cause ; à l'appui de cet argument, Gian Luca X... produit un arrêté interruptif de travaux du maire de Bonifacio portant la date du 15 mai 2001 ; toutefois, force est de constater que les travaux dont s'agit ne sont pas les mêmes que ceux évoqués par Gian Luca X... ; en effet, l'arrêté interruptif de travaux du maire de Bonifacio, annexé en pièce 05 de l'enquête de gendarmerie, porte la date du 17 mai 2001 et concerne, non pas un abri de jardin mais, selon les éléments d'information de ladite enquête, un solarium circulaire de 18 m2 en pierres maçonnées et un escalier qui permet d'accéder au toit, le tout implanté sur les rochers en granit, sur la partie sud de l'hôtel des Pêcheurs ; Gian Luca X... ne justifie d'aucune manière avoir procédé aux démarches nécessaires à la régularisation desdits travaux et l'infraction est donc bien constituée ;
"alors qu'aux termes de l'article 6 du Code de procédure pénale, l'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la chose jugée ; que les infractions de construction sans permis de construire et de continuation de travaux en méconnaissance d'un arrêté en ordonnant l'interruption procèdent d'une même cause ;
qu'en l'espèce, par un jugement en date du 20 septembre 2002, Gian Luca X... a été déclaré coupable de construction sans permis de construire d'un solarium de sorte que la Cour d'appel ne pouvait retenir à l'encontre de Gian X... l'infraction de continuation de travaux, procédant d'une même cause que l'infraction de travaux de permis de construire, et réalisée antérieurement au jugement du 20 septembre 2002, devenu définitif, qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé le principe de l'autorité de la chose jugée" ;
Attendu que le moyen qui se borne à reprendre l'argumentation que, par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel a écartée à bon droit, ne saurait être accueilli ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 480-3, L. 480-5 du Code de l'urbanisme, 6, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Gian Luca X... coupable d'avoir continué des travaux de construction sans permis de construire malgré un arrêté interruptif de travaux et en conséquence a ordonné la démolition de la construction litigieuse, à savoir un solarium circulaire de 18 m et un escalier permettant d'accéder au toit dans un délai de 3 mois, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
"aux motifs que, s'agissant de la poursuite de travaux de construction sans permis, Gian Luca X... fait valoir qu'il a déjà été condamné pour cette infraction par le tribunal correctionnel d'Ajaccio, suivant jugement du 20 septembre 2002, à une peine d'amende de 5 000 euros qu'il a payée et, qu'en outre, il a obtenu l'accord de la commune le 16 janvier 2003 sur la réalisation d'un abri de jardin, objet des travaux en cause ; à l'appui de cet argument, Gian Luca X... produit un arrêté interruptif de travaux du maire de Bonifacio portant la date du 15 mai 2001 ; toutefois, force est de constater que les travaux dont s'agit ne sont pas les mêmes que ceux évoqués par Gian Luca X... ; en effet, l'arrêté interruptif de travaux du maire de Bonifacio, annexé en pièce 05 de l'enquête de gendarmerie, porte la date du 17 mai 2001 et concerne, non pas un abri de jardin mais, selon les éléments d'information de ladite enquête, un solarium circulaire de 18 m2 en pierres maçonnées et un escalier qui permet d'accéder au toit, le tout implanté sur les rochers en granit, sur la partie sud de l'hôtel des Pêcheurs ; Gian Luca X... ne justifie d'aucune manière avoir procédé aux démarches nécessaires à la régularisation desdits travaux et l'infraction est donc bien constituée ;
"et aux motifs que, vu les dispositions de l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme, vu les observations écrites de M. le Directeur régional et départemental de l'Equipement en date du 14 mai 2003 visant expressément le prononcé de la peine ajournée au 23 mai 2003 ; compte tenu de la carence de Gian Luca X... qui n'a procédé à aucune régularisation, s'agissant d'un établissement se trouvant sans un site classé réserve naturelle dont l'environnement doit être particulièrement protégé, il y a lieu d'ordonner la démolition de l'ouvrage irrégulier susvisé sous astreinte de 75 euros par jour de retard à compter de la présente décision ;
"alors, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme, une mesure de restitution ne peut être ordonnée qu'en cas de condamnation d'une personne physique ou morale pour une infraction prévue aux articles L. 160-1 et L. 480-4 du Code de l'urbanisme de sorte que la cour d'appel qui ordonne la démolition du solarium pour l'infraction de continuation de travaux en méconnaissance d'un arrêté en ordonnant l'interruption, infraction prévue et réprimée par l'article L. 480-3 du Code de l'urbanisme, a étendu le champ d'application de l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme, violant les articles visés au moyen ;
"alors d'autre part, et subsidiairement, que la méconnaissance des prescriptions d'un arrêté interruptif de travaux ne peut entraîner que la restitution ou la démolition des travaux qui ont été réalisés postérieurement à l'arrêté interruptif ; qu'en l'espèce, le tribunal, dans son jugement du 20 septembre 2002, devenu définitif, n'avait pas prescrit de mesures de restitution de sorte qu'en condamnant Gian Luca X... à la démolition de l'intégralité du solarium tandis qu'il n'était poursuivi que pour la continuation des travaux, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attachait au jugement du 20 septembre 2002, violant les articles visés au moyen" ;
Vu les articles 111-2 et 111-3 du Code pénal, ensemble l'article L. 480-5 du Code de l'urbanisme;
Attendu que les juges ne peuvent, sans excéder leurs pouvoirs, prononcer d'autres peines ou mesures que celles prévues par la loi ;
Attendu qu'après avoir déclaré le prévenu coupable de continuation de travaux nonobstant l'arrêté en prescrivant l'interruption, délit prévu par l'article L. 480-3 du Code de l'urbanisme, l'arrêt ordonne, sous astreinte, la démolition de l'ouvrage irrégulièrement édifié ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'article L.480-5 du Code précité attribue à la juridiction le pouvoir de statuer sur la démolition des ouvrages en cas de condamnation pour les infractions prévues aux articles L. 160-1 et L. 480-4, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, par voie de retranchement, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bastia, en date du 7 juillet 2004, en ses seules dispositions ayant ordonné, sous astreinte, la démolition du solarium irrégulièrement édifié, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bastia et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Chaumont conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;