AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X... a été engagé au mois de septembre 1971 par la société Bourgeois SA ; qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société, prononcée le 31 juillet 1981, les activités de cette dernière ont été reprises par la société coopérative ouvrière de production Bourgeois (la SC Bourgeois) constituée, en janvier 1982, par M. X... et plusieurs anciens salariés de la société liquidée qui ont été embauchés par la nouvelle société qu'ils avaient créée ; que depuis le mois de mai 1988, M. X..., par ailleurs délégué syndical, exerçait des fonctions de technico-commercial, statut cadre ; que licencié le 8 novembre 2001 sans l'autorisation de l'inspecteur du travail, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution de son contrat de travail et à sa rupture illicite ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de la société SC Bourgeois :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt attaqué (Chambéry, 27 avril 2004), de l'avoir condamnée à payer à M. X... diverses sommes à titre d'heures supplémentaires et de congés payés, alors, selon le moyen :
1 / qu'il résulte des termes mêmes de l'accord initial sur la réduction de la durée du travail du 28 février 1997, complété par l'avenant du 9 avril 1997, que celui-là ne s'appliquait qu'au personnel non-cadre ;
qu'en considérant qu'il concernait "l'ensemble du personnel y compris les cadres" et en accordant l'attribution d'heures supplémentaires à M. X..., salarié exerçant la fonction de technico commercial grand public, ayant le statut de cadre, la cour d'appel a violé cet accord ;
2 / qu'un salarié n'a droit au paiement que des heures supplémentaires qui ont été accomplies avec l'accord au moins implicite de l'employeur ; qu'en l'espèce, en l'absence d'un tel accord, la cour d'appel ne pouvait que débouter M. X... de sa demande en paiement d'heures supplémentaires prétendument effectuées ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 212-5 du code du travail ;
3 / que la cour d'appel a laissé sans réponse les conclusions de la société SC Bourgeois faisant valoir qu'elle n'avait jamais imposé d'heures supplémentaires à M. X..., de sorte qu'en l'absence d'une telle obligation au-delà de l'horaire légal s'appliquant dans l'entreprise, cette dernière ne pouvait être condamnée à payer à ce salarié de prétendues heures supplémentaires ; qu'en décidant le contraire, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
4 / que la cour a laissé sans réponse les conclusions de la société SC Bourgeois faisant valoir que lorsqu'il n'était pas au camion-forum aux horaires qui lui étaient imposés, M. X... était totalement libre de disposer de son temps et n'avait alors aucun lien de subordination avec l'employeur, de sorte qu'il ne pouvait qu'être débouté de sa demande en paiement de prétendues heures supplémentaires, heures accomplies en réalité en dehors de son temps de travail à des fins syndicales ; qu'en décidant le contraire, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
5 / qu'en considérant que M. Y..., conseiller culinaire, salarié non cadre, travaillant sur le camion-forum, qui avait refusé de communiquer ses bulletins de salaire, avait indiqué dans son attestation qu'il effectuait bien des heures supplémentaires faisant l'objet le plus souvent d'une récupération, la cour d'appel a statué par un motif inopérant insusceptible d'exercer une influence sur la demande en paiement d'heures supplémentaires introduite par M. X... , salarié travaillant également sur le camion-forum, mais en qualité de technico commercial ayant le statut cadre ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que l'accord d'entreprise du 28 février 1997 sur la réduction de la durée du travail, et l'avenant du 9 avril 1997 qui le complète énoncent que la réduction de l'horaire de 10 % concerne l'ensemble du personnel de l'entreprise ; que la cour d'appel a exactement décidé que cet accord était applicable aux cadres et notamment à M. X... ;
Et attendu que sous le couvert de griefs non fondés de violation de la loi et défaut de réponse à conclusions, le moyen en ses quatre autres branches ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par les juges du fond qui ont constaté qu'en raison des tournées qu'il devait effectuer avec le "camion-forum", conformément aux prescriptions de son employeur, le salarié accomplissait une moyenne annuelle de 180 heures supplémentaires ;
D'ou il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le pourvoi incident de M. X... :
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de sa demande en paiement de l'équivalent d'un treizième mois pour les années 1998 à 2001 inclus, alors, selon le moyen :
1 / que l'existence d'un licenciement prononcé par le premier employeur ne fait obstacle au maintien du contrat de travail en cas de reprise de l'activité d'une entité économique autonome avec les mêmes moyens par une autre entreprise ; qu'à défaut d'accord de substitution, après l'expiration du quinzième mois suivant l'expiration du délai de préavis à compter de la reprise de l'activité par le nouvel employeur, une prime de treizième mois, prévue par accord dans l'entreprise reprise et remis en cause de plein droit par l'effet de la modification de la situation juridique de l'employeur, devient un avantage individuel acquis incorporé au contrat de travail ; qu'en excluant le versement d'une prime à défaut d'accord signé entre la direction de la SA Bourgeois reprise et les représentants du personnel et délégué syndical instituant un treizième mois au motif qu'il n'y a pas eu lors de la création de la SCOP application de l'article L. 122-12 du code du travail, alors qu'elle constatait que les contrats de travail des anciens salariés de la SA Bourgeois ayant été rompus précisément pour leur permettre de constituer une SCOP avec les indemnités de licenciement et les primes à la création d'entreprise perçues, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient au regard des articles L. 122-12, alinéa 2 et L. 132-8, alinéa 3, 6 et dernier alinéa du code du travail ainsi violés ;
2 / que le juge ne peut statuer par voie d'affirmation ; qu'en énonçant que le versement de la prime de fin d'année qui était fixe et forfaitaire et identique pour l'ensemble du personnel résulte d'un usage pris en 1982 de concert entre la direction et l'ensemble du personnel et s'inspirant des pratiques antérieures, sans indiquer les éléments de preuve sur lesquels elle se serait fondée pour constater ce fait, alors pourtant que ce fait n'était allégué par aucune des parties, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
3 / qu'une dénonciation pour être valable doit préciser de manière expresse l'avantage qu'elle remet en cause ; qu'en énonçant que M. X... ne peut affirmer que les termes généraux de la lettre de dénonciation ne lui permettait pas de savoir qu'il s'agissait de la prime de treizième mois, la cour d'appel a violé l'article L. 121-1 du code du travail ;
4 / qu'il résulte clairement du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 27 mai 1997 qu'était inscrit comme absent, M. X... représentant syndical CFDT ; qu'en énonçant que ce dernier a participé au comité d'entreprise des 27 mai 1997 et 25 juin 1997 où a été évoqué la suppression du treizième mois si l'accord d'intéressement était signé, la cour d'appel a dénaturé les termes du procès-verbal de réunion du comité d'entreprise du 27 mai 1997 en violation de l'article 1134 du code civil ;
5 / qu'en relevant la présence du salarié aux réunions du comité d'entreprise des 27 mai et 25 juin 1997 où a été évoquée la suppression du treizième mois si l'accord d'intéressement était signé, la cour d'appel a statué par un motif inopérant insusceptible de justifier le rejet de la demande de paiement du treizième mois formulée par le salarié puisque ce fait ne pouvait relever la lettre de dénonciation du 17 juin 1998 de son invalidité formelle et en tout cas, tenir lieu d'information du salarié sur les usages et accords atypiques dénoncés en raison de problèmes rencontrés par l'entreprise ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a retenu que postérieurement à la liquidation judiciaire de la société Bourgeois SA, les contrats de travail des salariés, dont celui de M. X..., avaient été régulièrement rompus pour leur permettre de constituer une société coopérative ouvrière avec les indemnités de licenciement qu'ils avaient perçues ; qu'elle en a justement déduit que les licenciements devenus définitifs avaient produit tous leurs effets et que les contrats de travail conclus avec la société Bourgeois SA n'étant plus en cours au jour où la société SC Bourgeois était devenue l'employeur de M. X..., il n'y avait pas lieu à application de l'article L. 122-12 du code du travail, de sorte que le salarié ne pouvait se prévaloir de l'accord du 14 mai 1976 afférent à son ancien contrat de travail ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel, retenant que le versement de la prime de treizième mois qui était fixe, forfaitaire et identique pour l'ensemble du personnel, résultait d'un usage remontent à 1982, comme le soutenait l'employeur dans ses écritures invoquant "un accord atypique", a constaté que l'employeur, en respectant un délai de préavis suffisant, avait dénoncé cet usage en avisant les représentants du personnel et les délégués syndicaux et en adressant les 17 et 18 juin 1998, à chaque salarié une lettre de dénonciation ; qu'elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ;
Et sur le second moyen :
Attendu que le salarié reproche également à la cour d'appel d'avoir calculé l'indemnité conventionnelle de licenciement sur la base d'une ancienneté de 20 ans et d'avoir en conséquence limité la condamnation de ce chef, à une certaine somme, alors, selon le moyen, que l'existence d'un licenciement prononcé par le premier employeur ne fait obstacle au maintien du contrat de travail en cas de reprise de l'activité d'une entité économique autonome avec les mêmes moyens par une autre entreprise ; qu'en cas de rupture du contrat de travail, le nouvel employeur a la charge du versement des indemnités de rupture, compte tenu de l'ancienneté totale du salarié ; qu'en écartant la prise en compte de l'ancienneté acquise par le salarié auprès du précédent employeur pour le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement au motif que son contrat de travail au sein de la SA Bourgeois avait été rompu, alors qu'elle constatait que lors de la procédure collective de la SA Bourgeois, M. X... avait perçu l'indemnité de licenciement à laquelle il avait droit pour lui permettre de créer avec les autres salariés la SCOP qui reprenait l'activité de l'ancien employeur, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en déduisaient au regard des articles L. 122-12, alinéa 2 du code du travail et 29 de la convention collective nationale des ingénieurs et cadre de la métallurgie ainsi, violés ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé que lors de la procédure collective de la société Bourgeois SA, M. X... avait perçu l'indemnité de licenciement à laquelle il avait droit, laquelle lui avait permis de créer, avec les autres salariés, la société SC Bourgeois et que le contrat de travail le liant à la société Bourgeois SA avait donc été rompu ; qu'elle en a exactement déduit que le salarié licencié le 8 novembre 2001 par la société SC Bourgeois ne pouvait revendiquer l'ancienneté antérieurement acquise au sein de la société Bourgeois SA, pour le calcul de son indemnité de licenciement ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille six.