AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X... a été engagé par la société Radio France en qualité de responsable de radio locale suivant divers contrats à durée déterminée pour la période du 1er avril 1988 au 31 décembre 1999, au delà de laquelle la relation contractuelle s'est poursuivie sans détermination de durée jusqu'au licenciement du salarié notifié par lettre recommandée du 5 juillet 2001 ; que M. X... a saisi la juridiction prud'homale aux fins de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, et de diverses demandes ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'avoir débouté de ses demandes en paiement de rappels de salaire, de complément d'indemnité de rupture et de dommages-intérêts pour discrimination, pour les motifs exposés au mémoire en demande qui sont tirés d'une violation de l'article L. 122-3-3 du Code du travail ;
Mais attendu que, selon l'article V. 4 - 4 de la convention collective de la communication et de la production audiovisuelles, la rémunération de l'ancienneté est réservée aux emplois, métiers, fonctions et qualifications de la catégorie I distingués selon les classifications A, B et C au sein desquelles ne figure pas l'emploi de responsable de radio locale ; que la cour d'appel qui a relevé que M. X... occupait un tel emploi, défini au protocole 5 annexé à la convention collective, prévoyant les conditions de travail et de rémunération spécifiques pour ces travailleurs, y compris ceux dont le contrat de travail stipule une durée indéterminée, en a justement déduit que le salarié qui ne justifiait pas au surplus de l'existence d'un usage quant à la prime de fin d'année, ne pouvait prétendre au paiement de rappels de prime d'ancienneté sollicité, alors que les conditions de rémunération de son emploi étaient fixées par le protocole 5, peu important que son contrat soit à durée indéterminée ;
que s'agissant de la période postérieure au 1er septembre 1999, date d'entrée en vigueur de l'accord d'entreprise du personnel d'antenne de radio locale, les juges du fond ont constaté que M. X..., qui bénéficiait d'un salaire mensuel de 31 500 francs excédant la rémunération individuelle d'intégration prévue par les dispositions transitoires, ne pouvait prétendre aux rappels de primes d'ancienneté et de fin d'année mis en place par l'accord d'entreprise pour se substituer au système de rémunération prévu par les protocoles annexés à la convention collective ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations dont il résultait que le salarié, qui ne justifiait pas que sa rémunération était inférieure au montant de celle que percevait dans la même entreprise un salarié sous contrat de travail à durée indéterminée de qualification équivalente et occupant les mêmes fonctions, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article L. 122-3-3 du Code du travail ; que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur les deux premiers moyens du pourvoi principal de la société :
Attendu que la société Radio France fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir requalifié les contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée et de l'avoir condamnée à payer l'indemnité de requalification, alors, selon le premier moyen, que l'article L. 122-3-13 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 12 juillet 1990 dont les dispositions ont prévu une indemnité pour requalification du contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, est applicable aux contrats conclus après son entrée en vigueur ; qu'en condamnant l'employeur au paiement d'une indemnité pour requalification d'une succession de contrats de travail à durée déterminée, dont le premier avait été conclu en 1988, en un contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a violé les articles 41 de la loi du 12 juillet 1990 et 2 du code civil ; et alors, selon le deuxième moyen :
1 / qu'il appartient au juge saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée de rechercher si, pour l'emploi concerné, et sauf si une convention collective prévoit dans ce cas le recours au contrat à durée indéterminée, il est effectivement d'usage constant de ne pas recourir à un tel contrat lorsqu'il est conclu dans l'un des secteurs d'activité énoncés à l'article D. 212-2 du code du travail ; qu'en s'abstenant de rechercher si, s'agissant d'un emploi de responsable d'une station de radio locale, il n'était pas d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-1, L. 122-1-1-3 , L. 122-3-10 et D. 212-2 du code du travail ;
2 / que si un accord d'entreprise peut déroger aux dispositions législatives et réglementaires, comme à celles d'une convention collective ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel, dans un sens plus favorable aux salariés, une telle dérogation ne se présume pas ; qu'en disant que l'accord d'entreprise du 1er septembre 1999 démontrait la volonté des partenaires sociaux d'exclure l'application de l'article L. 122-1-1.3 du code du travail, dès lors qu'il avait prévu le recours au contrat de travail à durée indéterminée, et au contrat à durée déterminée conformément aux 1 et 2 de ce texte, la cour d'appel qui, en outre, a constaté que la convention collective avait prévu le recours au contrat à durée déterminée pour les fonctions de direction et d'animation, a violé l'article 1134 du code civil ;
3 / que la loi du 12 juillet 1990 n'est pas applicable à un contrat de travail à durée déterminée conclu avant son entrée en vigueur et qui est requalifié en un contrat à durée indéterminée du fait qu'il s'est poursuivi après l'échéance du terme ; qu'en disant que dès le deuxième contrat à durée déterminée, conclu avant l'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 1990, les relations de travail s'étaient poursuivies avant la signature du nouveau contrat et qu'ainsi, le salarié s'était trouvé dans les liens d'un contrat de travail à durée indéterminée, la cour d'appel a violé les articles, 41 de la loi du 12 juillet 1990 et 2 du code civil ;
4 / qu'en se bornant à relever qu'à plusieurs reprises, dès le deuxième contrat de travail à durée déterminée, les relations de travail s'étaient poursuivies avant la signature du nouveau contrat, sans préciser, pour la période à partir de laquelle la loi du 12 juillet 1990 était applicable, quelles étaient les dates des échéances des contrats à l'issue desquels le salarié n'aurait pas signé un nouvel engagement, ni indiquer quelle aurait été la durée de ces retards, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-3-13 du code du travail ;
Mais attendu d'abord que la règle posée par l'article L. 122-3-10 du code du travail est d'application générale et que dès l'instant que la relation de travail se poursuit à l'expiration du terme d'un contrat de travail à durée déterminée, sans signature d'un nouveau contrat à durée déterminée, et quelle que soit la nature de l'emploi occupé, le contrat de travail devient un contrat à durée indéterminée, même si, ultérieurement, un nouveau contrat à durée déterminée est signé ; qu'ayant constaté qu'il apparaissait qu'à plusieurs reprises, et dès le deuxième contrat, le salarié avait continué à exercer ses fonctions alors que le contrat à durée déterminée était venu à échéance et avant que le suivant ne soit signé et qu'il s'était donc de ce fait, retrouvé dans les liens d'un contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a par ce seul motif légalement justifié sa décision ;
Attendu ensuite, qu'ayant constaté que l'un au moins des contrats signé par le salarié, distinct des contrats précédents, était intervenu postérieurement au 16 juillet 1990, date d'entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 1990, la cour d'appel a, à bon droit, alloué au salarié l'indemnité de requalification dont il sollicitait le paiement ; que le moyen pris en sa deuxième branche n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen du pourvoi principal :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le troisième moyen du pourvoi de l'employeur :
Vu l'article L. 122-3-4 du code du travail en sa rédaction alors en vigueur ;
Attendu que pour faire droit à la demande du salarié, en paiement des indemnités de précarité et condamner la société Radio France à lui verser une certaine somme, l'arrêt attaqué énonce que dès lors qu'il a été jugé que la société avait eu recours au contrat à durée déterminée alors que les conditions d'application de l'article L. 122-1-1.3 n'étaient pas remplies et en violation des dispositions d'ordre public de l'article L. 122-1 du code du travail, celle-ci est redevable des indemnités qui auraient dû être payées au salarié à l'échéance de chaque contrat et qui sont destinées à compenser la précarité de sa situation, mais que cette indemnité n'étant due qu'à l'échéance de chaque contrat à durée déterminée, le dernier étant échu au 31 décembre 1999, c'est sur la base des huit contrats à durée déterminée que la société Radio France doit être condamnée à payer au salarié une certaine somme ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'indemnité de précarité qui compense, pour le salarié, la situation dans laquelle il est placé du fait de son contrat à durée déterminée, n'est pas due en cas de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 1er, du nouveau code de procédure civile, la cassation encourue n'impliquant pas qu'il soit statué à nouveau sur le fond ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE par voie de retranchement de la seule disposition condamnant la société Radio France à payer à M. X..., la somme de 37 514,84 euros à titre d'indemnité de précarité, l'arrêt rendu entre les parties le 18 février 2004, par la cour d'appel de Paris ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi de ce chef ;
Déboute M. X... de sa demande au titre des indemnités de précarité ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille six.