AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que le Crédit lyonnais a conclu le 12 décembre 1996 avec certaines organisations syndicales un accord social pour l'emploi qui prévoyait des mesures destinées à favoriser les départs volontaires ; que Mme X..., salariée de la société Crédit lyonnais depuis le 17 août 1976, a demandé le bénéfice de ces mesures ;
que son projet professionnel de reconversion ayant été validé par le Crédit lyonnais, elle a quitté son emploi le 31 janvier 1999 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification de la convention de départ négocié en licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité pour non-respect de la priorité de réembauchage ;
Sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à la salariée une indemnité pour non-respect de la priorité de réembauchage alors, selon le moyen, que toute rupture d'un contrat de travail procédant d'un motif économique ne s'analyse pas en un licenciement ; que le départ volontaire du salarié dans le cadre d'un plan social soumis à consultation du comité d'entreprise constitue une rupture à l'initiative du salarié et ne donne pas lieu au bénéfice de la priorité de réembauchage durant un délai d'un an à compter de la date de la rupture du contrat de travail prévu en cas de licenciement pour motif économique ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 321-14 du Code du travail ;
Mais attendu qu'en vertu de l'article L. 321-1, alinéa 2, du Code du travail les dispositions d'ordre public des articles L. 321-1 à L. 321-15 de ce Code sont applicables à toute rupture de contrat de travail pour motif économique ; qu'il en résulte que le salarié ayant accepté un départ volontaire négocié avec son employeur dans le cadre d'un accord collectif bénéficie de la priorité de réembauchage ; que la cour d'appel, qui a retenu à bon droit que le contrat de travail avait été rompu pour un motif économique, a pu décider que la priorité de réembauchage prévue par l'article L. 321-14 du Code du travail pouvait être invoquée par l'intéressée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen et la première branche du second moyen :
Vu l'article 1134 du Code civil, ensemble les articles L. 121-1, alinéa 1er, L. 321-1, alinéa 2, du Code du travail ;
Attendu que pour décider que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement pour motif économique, l'arrêt attaqué retient que, confronté à de graves difficultés économiques, le Crédit lyonnais a élaboré un plan d'adaptation de l'emploi envisageant la réduction des effectifs par des suppressions d'emploi et conclu avec les syndicats un accord prévoyant des mesures d'accompagnement de ce plan ; que dans ce contexte, c'est l'employeur qui a pris l'initiative de rompre le contrat de travail et la salariée s'est contentée de solliciter le bénéfice du plan et de négocier les conséquences de la rupture ; qu'il ne peut dès lors être affirmé que cette rupture relève d'un commun accord des parties, la salariée n'ayant jamais envisagé, avant l'élaboration du plan, de quitter l'entreprise ; qu'en l'absence de motifs énoncés dans la lettre de validation du projet de départ de la salariée, le licenciement ne procède pas d'une cause réelle et sérieuse ;
Attendu cependant que la rupture d'un contrat de travail pour motif économique peut résulter d'un départ volontaire dans le cadre d'un accord collectif mis en oeuvre après consultation du comité d'entreprise ; que cette rupture constitue une résiliation amiable du contrat de travail ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait alors qu'elle avait constaté que le départ volontaire de la salariée entrait dans le cadre de l'accord social du 12 décembre 1996, qui avait fait l'objet d'une consultation du comité central d'entreprise, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS,
CASSE et ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de la salariée au titre de l'absence de proposition d'une convention de conversion et de l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'a déboutée de sa demande d'annulation et lui a alloué une indemnité au titre d'une violation de la priorité de réembauchage, l'arrêt rendu le 14 novembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille cinq.