AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu qu'Eugène X... est décédé le 28 août 1989 laissant pour lui succéder, d'une part, ses trois enfants légitimes, Léocadie, Irène et Laurence, cette dernière elle-même décédée depuis laissant ses deux enfants Gérald et Sandrine et, d'autre part, ses quatre enfants naturels, Laurent et Alexis issus de sa relation avec Mme Fatima Y..., Paul, issu de sa relation avec Mme Z... et Justin issu de sa relation avec Mme A... ; que le 1er septembre 1989, Mme Y... avait déposé en l'étude d'un notaire un testament olographe daté du 16 septembre 1988, attribué au défunt et aux termes duquel ce dernier déclarait léguer ses biens à trois de ses enfants, Laurent, Alexis et Paul et instituer Mme Y... usufruitière de sa maison ; que le 18 septembre 1989, a été dressé à la demande notamment de M. Alexis X..., un acte de notoriété attestant qu'Eugène X... était décédé en laissant pour seuls héritiers Laurent, Alexis et Paul ; que Mme Léocadie X... a intenté une action en nullité du testament ainsi qu'en recel successoral pour avoir dissimulé volontairement son existence ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme Fatima Y..., M. Alexis X... et M. Laurent X... (les consorts X...) font grief à l'arrêt attaqué (tribunal supérieur de Mamoudzou, 2 mars 2004) d'avoir dit que le testament du 16 septembre 1988 rédigé par Eugène X... était nul ;
Attendu que l'arrêt relève, au vu du rapport d'expertise judiciaire dont il a souverainement apprécié la portée, que, sur les 45 lignes que comptait le testament litigieux, seules les lignes 43, 44 et 45 et la signature étaient écrites de la main du testateur, les 42 premières lignes émanant d'un tiers, ce dont il résultait que le testament n'avait pas été entièrement écrit de la main du testateur ; que le tribunal supérieur d'appel, qui n'avait dès lors pas à rechercher si cet acte était ou non l'expression de la volonté propre de son signataire, l'a, à bon droit, annulé par application de l'article 970 du code civil, en raison du vice formel dont il était affecté ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen pris en ses deux branches :
Attendu que les consorts X... font encore grief à l'arrêt d'avoir dit que MM. Laurent et Alexis X... avaient commis un recel à l'égard de la succession de leur auteur alors, selon le moyen :
1 / que, fut-elle frauduleuse, l'omission d'un héritier lors des opérations de partage ne peut être qualifiée de recel celui-ci impliquant la seule dissimulation d'effets de la succession ; que le juge d'appel a constaté que, tout en connaissant l'existence des enfants légitimes de leur auteur, Alexis et Laurent X..., héritiers naturels, ont perçu chacun ce que leur père leur laissait à eux seuls en vertu du testament olographe (arrêt p. 9 alinéa 8) et qu'Alexis X... a déclaré, lors de l'établissement de l'acte de notoriété, que son père le laissait avec Laurent et Paul pour seuls héritiers (ibid.) ; qu'en déduisant de ces seuls faits la qualification de recel successoral, le juge d'appel a violé l'article 792 du code civil ;
2 / qu'en tout état de cause, le seul fait de bénéficier, dans l'ignorance légitime du statut de réservataires de certains héritiers, d'un testament olographe non valide mais dont la fausseté n'a pas été établie, ne suffit pas à caractériser les éléments matériel et intentionnel du recel successoral ; que le juge d'appel a constaté que, tout en connaissant l'existence des enfants légitimes de leur auteur, Alexis et Laurent X..., héritiers naturels, ont perçu chacun ce que leur père leur laissait à eux seuls en vertu du testament olographe (arrêt p. 9 alinéa 8) ; qu'il a également relevé qu'en dépit de cette connaissance, Alexis X... a déclaré, lors de l'établissement de l'acte de notoriété, que son père le laissait avec Laurent et Paul pour seuls héritiers (ibid.) ;
qu'en déduisant de ces seuls faits la qualification de recel successoral, le juge d'appel, qui n'a pas recherché si Alexis et Laurent X... connaissaient et pouvaient comprendre l'impossibilité d'une exhérédation d'enfants légitimes, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 792 du code civil ;
Mais attendu que l'article 792 du code civil, sanctionnant le recel successoral, s'applique à l'omission intentionnelle d'un héritier ; que l'arrêt relève, d'abord, que MM. Laurent et Alexis X..., héritiers naturels d'Eugène X..., avaient déclaré que Mme Léocadie X... avait refusé de les accueillir avec leur père et leur frère, Paul, lorsqu'ils étaient enfants et qu'Irène les avait hébergés avant de les placer à la DASS ; ensuite, qu'ils connaissaient donc l'existence de ces deux demi-soeurs ce qui n'avait pas empêché Alexis de déclarer lors de l'établissement de l'acte de notoriété que son père le laissait, avec Laurent et Paul, pour seuls héritiers et, enfin, que les deux frères avaient perçu ultérieurement chacun un tiers de la somme d'argent laissée par Eugène X... ; que le tribunal supérieur d'appel a pu en déduire, sans avoir à procéder à la recherche, visée par le moyen, prétendument omise, que MM. Laurent et Alexis X... avaient commis un recel à l'égard de la succession de leur auteur ; que l'arrêt est ainsi légalement justifié ;
Sur le troisième moyen ci-après annexé :
Attendu que les consorts X... font encore grief à l'arrêt d'avoir dit que Mme Y... devait rapporter à la succession l'intégralité des sommes perçues au titre des loyers de la maison lui étant laissée en usufruit ;
Attendu que le rejet du premier moyen rend inopérant le troisième ;
Sur le quatrième moyen pris en ses trois branches, ci-après annexé :
Attendu que les consorts X... font également grief à l'arrêt de les avoir condamnés in solidum à payer à Mme Léocadie X..., la somme de 1 500 euros titre de dommages-intérêts ;
Attendu qu'après avoir relevé d'une part, que M. Ahmed Ali B... avait reconnu, dans le cadre de l'information ouverte pour faux et usage de faux, avoir écrit le testament litigieux à la demande et sous la dictée d'Eugène X..., d'autre part, que le moyen de défense tiré de ce que ce dernier était dans l'incapacité d'écrire était manifestement infondé, ce dont il résultait que la résistance des consorts X... était fautive, le tribunal supérieur d'appel a pu en déduire l'existence d'un préjudice né des tracas liés au procès ayant duré plusieurs années et faire droit à la demande de dommages-intérêts ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... et MM. Alexis et Laurent X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de Mme Y... et MM. Alexis et Laurent X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille six.