AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. de X... de nationalité française et Mme Y... de nationalité allemande se sont mariés en France en 1991 ;
que par jugement du 5 juin 2002, le tribunal d'instance de Siegburg (Allemagne) saisi le 28 septembre 2001 par Mme Y... résidant en Allemagne, d'une demande "d'information sur les ressources de son mari et de pension alimentaire pendant la séparation", a condamné M. de X... à payer à son épouse une pension alimentaire de 800 euros par mois ; que M. de X... a saisi le 22 avril 2002 le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris d'une requête en° divorce contre son épouse ; que celle-ci a saisi aux mêmes fins le 3 mai 2002 le tribunal d'instance de Siegburg ; que lors de l'audience de conciliation du 7 octobre 2002, Mme Y... a demandé au juge français de retenir sa compétence pour statuer sur les aspects personnels de la séparation, mais de se déclarer incompétent pour connaître les effets alimentaires et patrimoniaux de la séparation des époux ;
Sur la recevabilité du pourvoi contestée par la défense :
Attendu que M. de X... soutient d'une part que l'arrêt attaqué (Paris, 11 mars 2004) ayant statué sur des exceptions de procédure et sur des mesures provisoires sans mettre fin à l'instance, le pourvoi est irrecevable par application des articles 606 et 608 du nouveau code de procédure civile, d'autre part, que Mme Y... qui a obtenu une pension alimentaire pour le montant qu'elle demandait, est sans intérêt à former un recours ;
Mais attendu d'abord que, la cour d'appel ayant statué sur une exception de litispendance internationale, le pourvoi en cassation est immédiatement recevable ; qu'ensuite dès lors que la cour d'appel n'a pas fait droit à l'exception de litispendance soulevée par Mme Y..., celle-ci avait intérêt à former un recours contre cette décision ; que cette fin de non-recevoir doit être rejetée ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'exception de procédure tirée du défaut de traduction de la requête en divorce présentée par son mari alors, selon le moyen :
1 / qu'en retenant, au visa de ce texte, que l'exception de procédure tirée du défaut de traduction de l'assignation délivrée par M. de X... constituait un moyen nouveau que Mme Y... était donc irrecevable à présenter pour la première fois, en cause d'appel, la cour d'appel qui a excédé ses pouvoirs, a violé la disposition précitée ;
2 / que Mme Y... était recevable en cause d'appel à exciper du défaut de traduction de l'assignation délivrée par son époux à son encontre, à supposer même qu'elle ne constitue pas un moyen nouveau mais une prétention nouvelle ; qu'en déclarant irrecevable cette exception, la cour d'appel qui a excédé ses pouvoirs, a violé l'article 564 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que Mme Y... concluait pour la première fois devant elle à la nullité de la requête en divorce pour défaut de sa traduction en langue française, la cour d'appel, a justement retenu que cette exception de procédure qui n'avait pas été soulevée devant le premier juge était irrecevable, peu important la référence erronée à l'article 563 du nouveau code de procédure civile ; que s'agissant d'une nullité pour vice de forme, l'arrêt se trouve légalement justifié par application de l'article 74 du nouveau code de procédure civile ;
Sur le second moyen :
Attendu que Mme Y... fait encore grief à l'arrêt d'avoir retenu la compétence des juridictions françaises pour statuer sur les mesures accessoires se rattachant à l'action en divorce, et en particulier pour se prononcer sur l'exécution par M. de X... de son devoir de secours, alors selon le moyen :
1 / qu'en décidant que le tribunal d'instance de Siegburg avait épuisé sa saisine, quand il avait réservé sa décision jusqu'au prononcé d'un jugement définitif, la cour d'appel a dénaturé le jugement précité du 5 juin 2002 et violé l'article 4 du nouveau code de procédure civile ;
2 / qu'en affirmant que le tribunal de Siegburg avait épuisé sa saisine pour avoir statué le 5 juin 2002 sans rechercher au besoin d'office, si ce jugement provisoire avait mis fin à l'instance, selon des règles de procédure civile en vigueur en Allemagne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 27.2 du règlement n° 44/2001 du 22 décembre 2000 et l'article 3 du code civil ;
3 / qu'en relevant de sa propre initiative, le moyen tiré de l'extinction de l'instance introduite en Allemagne sur requête déposée par Mme Y..., sans provoquer les explications des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau code de procédure civile ;
4 / qu'en subordonnant l'existence d'un cas de litispendance à la condition d'une identité complète de matière litigieuse, quand les deux instances introduites successivement en Allemagne puis en France, portaient sur le paiement de la pension alimentaire pendant la période de séparation, et sur l'application du régime matrimonial de droit allemand, dit de la communauté différée des augments, la cour d'appel a violé l'article 27-2 du règlement du 22 décembre 2000 ;
5 / qu'en relevant pour retenir sa compétence, que le tribunal d'instance de Siegburg avait épuisé sa saisine, par un jugement reconnu de plein droit, au titre du règlement 44/2001 du 22 décembre 2000, quand le respect dû à l'autorité de chose jugée interdisait aux juridictions françaises de statuer sur l'exécution du devoir de secours entre époux, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, ensemble la disposition précitée ;
Mais attendu d'abord qu'ayant justement relevé que le tribunal de grande instance de Paris était compétent pour statuer sur la dissolution du lien matrimonial, la cour d'appel a exactement décidé qu'en application de l'article 5-2 du règlement 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 (Bruxelles I), concernant la compétence judiciaire,la reconnaissance et l'exécution de décision en matière civile, que ce même tribunal était compétent pour statuer sur la demande de pension alimentaire accessoire à une action relative à l'état des personnes ;
qu'ensuite dès lors que Mme Y... avait indiqué qu'elle avait à nouveau saisi le tribunal de Siegburg d'une demande en divorce, et que M. de X... soutenait que le tribunal français avait été saisi auparavant, la cour d'appel sans dénaturer un jugement qu'elle n'a pas examiné, et sans violer le principe de la contradiction, a justement retenu sans avoir à effectuer d'autres recherches que ces constatations rendaient inopérantes, que le tribunal de Siegburg, avait été saisi en second, et a rejeté à bon droit l'exception de litispendance ; qu'enfin le moyen tiré de la violation de la chose jugée, qui est nouveau et mélangé de fait, est irrecevable ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille six.