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19/12/2006 | FRANCE | N°04-14487

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 décembre 2006, 04-14487


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la Société financière Antilles Guyane (SOFIAG) de ce qu'elle vient aux droits de la SODEMA ;

Attendu que par acte dressé les 11 février et 22 mars 1994 par la SCP Teanor, Grangenois et Berguet Salomon, notaire, la Société de crédit pour le développement de la Martinique (la SODEMA) a consenti à la société MAV diffusion un prêt destiné à l'achat d'un fonds de commerce appartenant à M. X... qui, avec deux autres personnes, s'est porté caution de

la société emprunteuse et a donné en garantie un immeuble dont il était propriétaire...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à la Société financière Antilles Guyane (SOFIAG) de ce qu'elle vient aux droits de la SODEMA ;

Attendu que par acte dressé les 11 février et 22 mars 1994 par la SCP Teanor, Grangenois et Berguet Salomon, notaire, la Société de crédit pour le développement de la Martinique (la SODEMA) a consenti à la société MAV diffusion un prêt destiné à l'achat d'un fonds de commerce appartenant à M. X... qui, avec deux autres personnes, s'est porté caution de la société emprunteuse et a donné en garantie un immeuble dont il était propriétaire ; que la débitrice principale ayant été mise en liquidation judiciaire, la SODEMA a assigné M. X... en remboursement du prêt ; que celui-ci a appelé le notaire en garantie sur le fondement d'un manquement à son obligation de conseil ;

Sur le premier moyen, après avis de la chambre commerciale :

Attendu que M. X... reproche à l'arrêt attaqué d'avoir constaté qu'il avait expressément renoncé au principe d'inopposabilité à la caution de la déchéance du terme et de l'avoir condamné conjointement et solidairement avec ses cofidéjusseurs au paiement de la somme de 64 013,82 euros à la SODEMA, alors, selon le moyen, qu'il résulte des dispositions de la loi du 25 janvier 1985 en matière de redressement et de liquidation judiciaire aujourd'hui codifiée, et notamment de l'article L. 621-49 du code de commerce, que, nonobstant toute clause contraire devant être réputée non écrite, la déchéance du terme qui n'est pas encourue par le débiteur principal en redressement judiciaire ne peut, eu égard au caractère accessoire du cautionnement, être invoquée contre la caution pour une créance qui n'était pas échue à la date de cette mise en redressement judiciaire et qu'en outre, sauf stipulation contractuelle expresse en ce sens, la liquidation dudit débiteur n'entraîne pas non plus, ipso facto, déchéance du terme à l'égard de ladite caution ; qu'ainsi, en décidant du contraire en raison de l'existence d'une clause générale stipulant que la caution acceptait d'être coobligée comme l'emprunteur, débiteur principal, pour les conséquences de la déchéance du terme encourue par l'emprunteur, bien que ladite clause ne puisse être invoquée dans le cadre du redressement judiciaire de ce dernier et n'ait pas expressément prévu que sa liquidation entraînerait déchéance du terme vis-à-vis de la caution, la cour d'appel a violé les dispositions susmentionnées ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que la société débitrice principale avait été mise en liquidation judiciaire le 25 mai 1999, l'arrêt retient que l'article 6 du titre 3 de l'acte notarié stipule que " M. Barbe X... se constitue caution hypothécaire pour le remboursement de toutes sommes dues par l'emprunteur acceptant d'être obligé comme l'est l'emprunteur, débiteur principal, y compris s'il y a lieu par les conséquences de la déchéance du terme encourue par l'emprunteur " ;

qu'ayant déduit de cette clause que M. X... avait renoncé au principe de l'inopposabilité de la déchéance du terme par une stipulation claire du contrat, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, après avis de la chambre commerciale :

Attendu que M. X... fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1 / qu'il résulte notamment des dispositions des articles 2015 et 2124 du code civil que le cautionnement réel, fourni par celui qui consent la constitution d'une hypothèque conventionnelle, pour garantir le remboursement de la dette d'un tiers, n'est pas un engagement personnel mais une sûreté réelle, en vertu de laquelle la caution ne peut être contrainte de payer la dette du débiteur et le créancier ne peut saisir que le seul bien affecté à la garantie de sa créance ; qu'en présence d'un tel cautionnement hypothécaire consenti par M. X..., les juges d'appel ne pouvaient condamner personnellement ce dernier à régler directement à la société SODEMA le solde de l'emprunt non remboursé par le débiteur cautionné correspondant à la somme de 64 013,82 euros, montant de la créance admise au passif dudit débiteur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées ;

2 / qu'en présence d'une caution hypothécaire, le créancier qui entend mettre en uvre cette sûreté réelle doit justifier qu'il bénéficie encore d'une inscription régulière et non expirée sur le bien immobilier affecté au cautionnement ; qu'ainsi, la cour d'appel, en ne recherchant pas si tel était bien le cas en l'espèce, a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard notamment des articles 2015 et 2124 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient que M. X... s'est engagé expressément dans l'acte à garantir le remboursement du prêt souscrit par la société MAV diffusion auprès de la SODEMA ;

qu'ainsi, ayant déduit des stipulations contractuelles que M. X... avait souscrit un engagement personnel, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que, d'autre part, la cour d'appel n'était pas tenue d'effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais, sur le troisième moyen :

Vu l'article 1382 du code civil ;

Attendu que pour exonérer la SCP Teanor, Grangenois et Berguet Salomon de sa responsabilité, l'arrêt retient que la preuve d'une faute n'était pas rapportée, que le fait d'être à la fois vendeur du fonds de commerce et caution de l'acquéreur ne saurait résulter d'une faute commise par le notaire alors que ce montage juridique, certes peu fréquent, avait pour finalité de permettre à la société MAV diffusion d'obtenir le financement nécessaire à l'acquisition du fonds de commerce et que la clarté des clauses et des conditions insérées dans les actes ainsi que leur connexité démontraient que M. X..., lui-même commerçant aguerri, était parfaitement conscient du risque qu'il prenait et avait accepté le préjudice qui pouvait en résulter, l'économie même de l'acte litigieux permettant au vendeur de mesurer le sens et la portée de son engagement ;

Attendu, cependant, que les notaires sont tenus d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets ainsi que sur les risques des actes auxquels ils sont requis de donner la forme authentique ; qu'en écartant la garantie de la SCP Teanor, Grangenois et Berguet Salomon, sans constater que ce notaire, à qui incombait la preuve de l'exécution de son obligation de conseil, avait, indépendamment de l'expérience professionnelle de M. X..., précisément attiré l'attention de celui-ci sur la portée et les conséquences de son engagement souscrit dans le cadre d'un montage juridique qui accroissait le risque d'être privé du prix de vente de son fonds de commerce, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la SCP Teanor, Grangenois et Berguet Salomon n'avait pas commis de faute engageant sa responsabilité et, en conséquence, l'a mise hors de cause, l'arrêt rendu le 12 mars 2004, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée ;

Condamne la SCP Teanor, Grangenois et Berguet Salomon aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la SODEMA, devenue SOFIAG ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille six.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 04-14487
Date de la décision : 19/12/2006
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Obligation d'éclairer les parties - Etendue - Risques et conséquences des engagements.

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Obligation d'éclairer les parties - Manquement - Caractérisation - Applications diverses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Obligation d'éclairer les parties - Etendue - Compétences personnelles du client - Absence d'influence

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Obligation d'éclairer les parties - Exécution - Preuve - Charge

Manque de base légale au regard de l'article 1382 du code civil l'arrêt qui, pour exonérer un notaire de sa responsabilité, recherchée pour avoir manqué à son obligation de conseil à l'occasion de l'établissement d'un acte de vente d'un fonds de commerce et d'un acte de cautionnement par lequel le vendeur se portait caution de l'acquéreur pour le paiement du prix, retient que ce montage juridique avait pour finalité de permettre audit acquéreur d'obtenir le financement nécessaire à l'acquisition du fonds et que la clarté des clauses et conditions insérées dans les actes et leur connexité démontraient que le vendeur, commerçant aguerri, était parfaitement conscient du risque qu'il prenait, sans constater que le notaire, à qui incombait la preuve de l'exécution de son devoir de conseil, avait, indépendamment de l'expérience professionnelle du vendeur, précisément attiré l'attention de celui-ci sur la portée et les conséquences d'un montage juridique qui accroissait le risque d'être privé du prix de vente de son fonds de commerce.


Références :

Code civil 1382

Décision attaquée : Cour d'appel de Fort-de-France, 12 mars 2004

Sur l'obligation du notaire d'informer le client sur les risques de ses engagements, dans le même sens que : Chambre civile 1, 2000-11-07, Bulletin 2000, I, n° 282, p. 182 (cassation partielle) ; Chambre civile 1, 2001-11-14, Bulletin 2001, I, n° 278, p. 177 (cassation partielle) ; Chambre civile 1, 2005-12-13, Bulletin 2005, I, n° 496, p. 417 (cassation partielle). Sur l'absence d'influence des compétences du client sur le devoir de conseil du notaire, dans le même sens que : Chambre civile 1, 2005-07-12, Bulletin 2005, I, n° 323, p. 267 (cassation), et les arrêts cités. Sur la charge de la preuve de l'exécution du devoir de conseil du notaire, dans le même sens que : Chambre civile 1, 1991-06-25, Bulletin 1991, I, n° 212, p. 139 (rejet) ; Chambre civile 1, 1998-02-03, Bulletin 1998, I, n° 44, p. 29 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 déc. 2006, pourvoi n°04-14487, Bull. civ. 2006 I N° 556 p. 496
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2006 I N° 556 p. 496

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Avocat général : Mme Petit.
Rapporteur ?: M. Gallet.
Avocat(s) : SCP Lesourd, SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2006:04.14487
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