AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze janvier deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SOULARD et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE MONTPELLIER,
contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 4 février 2003, qui a relaxé M'Hamed X... du chef de blanchiment ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 324-1, alinéas 2 et 3, du Code pénal ;
"en ce que l'arrêt attaqué ayant retenu pour origine des fonds l'activité délictuelle du prévenu, a relaxé celui-ci au motif que l'auteur principal d'une infraction ne peut être poursuivi pour blanchiment des sommes provenant de sa propre activité illicite ;
"alors que la France, si elle n'a pas entendu faire application de l'article 6.2 c de la Convention de Strasbourg du 8 novembre 1990, n'a pas davantage entendu faire application de l'article 6.2 b de ladite Convention ; que, dès lors, l'article 324-1, alinéa 2, du Code pénal n'exclut pas l'incrimination de l'auteur de l'infraction principale lorsqu'il apporte son concours à l'opération de placement, dissimulation ou de conversion de produit direct ou indirect du crime ou du délit par lui commis ; qu'il appartenait à la Cour, non pas de poser un principe, mais de rechercher : 1 ) si le fait de porter clandestinement à l'étranger des fonds préalablement convertis dans une devise n'ayant cours légal ni dans le pays de départ, ni dans celui d'arrivée, peut constituer tout ou partie d'une opération de dissimulation, conversion, placement du produit d'un crime ou délit ; 2 ) si le prévenu avait apporté son concours à l'opération par des actes matériellement distincts de ceux du délit principal" ;
Vu l'article 324-1, alinéa 2, du Code pénal ;
Attendu que ce texte est applicable à l'auteur du blanchiment du produit d'une infraction qu'il a lui-même commise ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M'Hamed X... est poursuivi pour avoir apporté son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect des délits de travail clandestin et fraude fiscale ;
Attendu que, pour le relaxer, la cour d'appel énonce que l'auteur principal d'une infraction ne peut être poursuivi pour blanchiment des sommes produites par sa propre activité illicite et qu'en l'espèce il n'est pas établi que les fonds proviennent d'infractions commises par d'autres personnes ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Montpellier, en date du 4 février 2003 ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nîmes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Montpellier et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Soulard conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Roger, Dulin, Mmes Thin, Desgrange, MM. Rognon, Chanut, Mme Palisse conseillers de la chambre, Mme de la Lance, MM. Samuel, Chaumont conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Chemithe ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;