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11/02/2004 | FRANCE | N°03-80596

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 février 2004, 03-80596


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze février deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de Me BROUCHOT, de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, et de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Jean Faustin,

- Y...

Michel,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 11...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze février deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de Me BROUCHOT, de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, et de la société civile professionnelle ANCEL et COUTURIER-HELLER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Jean Faustin,

- Y... Michel,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 5ème chambre, en date du 11 décembre 2002, qui a condamné le premier, pour corruption active et séjour irrégulier en FRANCE, à 18 mois d'emprisonnement dont 12 mois avec sursis et 5 ans d'interdiction d'exercer la profession d'avocat, le second, pour complicité de corruption active, à 18 mois d'emprisonnement dont 12 mois avec sursis et 5 ans d'interdiction des droits civiques, a ordonné une mesure de confiscation, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Jean Faustin X..., pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et de l'article préliminaire du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a écarté l'exception de nullité de la procédure d'instruction ;

"aux motifs adoptés que Jean Faustin X... était informé dès l'ouverture de l'information que la partie civile est magistrat au tribunal de grande instance de Nice et que la procédure était instruite à Nice et par là même par un juge d'instruction de ce même tribunal ; qu'il n'a jamais sollicité que la procédure soit instruite dans une autre juridiction ; que les déclarations de Jean-Claude Z... à la presse, le 29 janvier 2001, ne sont que le reflet de sa propre conviction ; que le fait de qualifier de minutieux le travail du juge d'instruction relève également de son appréciation personnelle et ne peut entraîner la moindre suspicion sur l'indépendance de ce magistrat ; que rien n'établit que le juge d'instruction ait failli à ses devoirs d'indépendance et d'impartialité, et ce d'autant plus qu'il n'est allégué aucun grief direct et précis à son encontre ;

"et aux motifs propres que Jean Faustin X... soutient que le comportement de Jean-Claude Z... qui se serait immiscé dans le déroulement de cette procédure a eu pour effet de priver celle-ci des conditions d'impartialité et d'indépendance exigées par l'article susvisé de la Convention européenne des droits de l'homme ; que, pour écarter cette exception de procédure, les premiers juges ont relevé que le prévenu était informé dès l'ouverture de l'information de ce que la partie civile était un magistrat du tribunal de grande instance de Nice et que la procédure était instruite par un juge d'instruction de ce même tribunal ; que malgré ce, il n'avait pas sollicité que la procédure soit instruite devant une autre juridiction alors que tout au contraire, la partie civile avait saisi la chambre criminelle de la Cour de Cassation pour que soit désignée une autre juridiction de jugement, ce qui a entraîné la désignation du tribunal de grande instance de Marseille ;

qu'ensuite, les premiers juges, après avoir analysé le contenu des différentes déclarations de Jean-Claude Z... mises en exergue par Jean Faustin X... pour caractériser son immixtion dans la procédure, ont constaté qu'elles n'étaient que le reflet de sa propre conviction, étant précisé qu'en sa qualité de partie civile, il avait accès au dossier et avait normalement reçu la notification prévue à l'article 175 du Code de procédure pénale l'informant de l'issue prochaine de l'information ce qui expliquait sa connaissance de l'état de la procédure ; qu'en définitive ils ont conclu que dans ces conditions, alors même qu'aucun grief direct et précis n'était allégué à son encontre, il n'était nullement établi que le juge d'instruction ait failli à ses devoirs d'indépendance et d'impartialité ; qu'il convient par ailleurs pour compléter cette analyse de relever, à titre de simple information, que la requête en suspicion légitime déposée très récemment par Jean Faustin X... et tendant cette fois à faire désigner une autre cour d'appel que celle de céans a été rejetée par la chambre criminelle de la Cour de Cassation ;

"alors qu'en déclarant qu'aucun grief direct et précis n'était allégué à l'encontre du magistrat instructeur sans rechercher si ce dernier, au regard des principes d'impartialité objective et subjective, n'aurait pas dû, de sa propre initiative, alors qu'il était saisi d'une affaire pénale opposant un magistrat et un avocat du même tribunal auquel lui-même appartenait, solliciter le "dépaysement" de cette affaire afin que celle-ci soit instruite par un juge d'instruction d'un autre tribunal, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés" ;

Sur le moyen de cassation, proposé pour Jean Faustin X... dans le premier mémoire complémentaire, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a écarté l'exception de nullité de la procédure d'instruction ;

"aux motifs adoptés que Jean Faustin X... était informé dès l'ouverture de l'information que la partie civile est magistrat au tribunal de grande instance de Nice et que la procédure était instruite à Nice et par là même par un juge d'instruction de ce même tribunal ; qu'il n'a jamais sollicité que la procédure soit instruite dans une autre juridiction ; que les déclarations de Jean-Claude Z... à la presse, le 29 janvier 2001, ne sont que le reflet de sa propre conviction ; que le fait de qualifier de minutieux le travail du juge d'instruction relève également de son appréciation personnelle et ne peut entraîner la moindre suspicion sur l'indépendance de ce magistrat ; que rien n'établit que le juge d'instruction ait failli à ses devoirs d'indépendance et d'impartialité, et ce d'autant plus qu'il n'est allégué aucun grief direct et précis à son encontre ;

"et aux motifs propres que Jean Faustin X... soutient que le comportement de Jean-Claude Z... qui se serait immiscé dans le déroulement de cette procédure a eu pour effet de priver celle-ci des conditions d'impartialité et d'indépendance exigées par l'article susvisé de la Convention européenne des droits de l'homme ; que, pour écarter cette exception de procédure, les premiers juges ont relevé que le prévenu était informé dès l'ouverture de l'information de ce que la partie civile était un magistrat du tribunal de grande instance de Nice et que la procédure était instruite par un juge d'instruction de ce même tribunal ; que malgré ce, il n'avait pas sollicité que la procédure soit instruite devant une autre juridiction alors que tout au contraire, la partie civile avait saisi la chambre criminelle de la Cour de Cassation pour que soit désignée une autre juridiction de jugement, ce qui a entraîné la désignation du tribunal de grande instance de Marseille ;

qu'ensuite, les premiers juges, après avoir analysé le contenu des différentes déclarations de Jean-Claude Z... mises en exergue par Jean Faustin X... pour caractériser son immixtion dans la procédure, ont constaté qu'elles n'étaient que le reflet de sa propre conviction, étant précisé qu'en sa qualité de partie civile, il avait accès au dossier et avait normalement reçu la notification prévue à l'article 175 du Code de procédure pénale l'informant de l'issue prochaine de l'information ce qui expliquait sa connaissance de l'état de la procédure ; qu'en définitive, ils ont conclu que dans ces conditions, alors même qu'aucun grief direct et précis n'était allégué à son encontre, il n'était nullement établi que le juge d'instruction ait failli à ses devoirs d'indépendance et d'impartialité ; qu'il convient par ailleurs pour compléter cette analyse de relever, à titre de simple information, que la requête en suspicion légitime déposée très récemment par Jean Faustin X... et tendant cette fois à faire désigner une autre cour d'appel que celle de céans a été rejetée par la chambre criminelle de la Cour de Cassation ;

"alors que, Jean Faustin X... soutenait dans ses conclusions d'appel que la partie civile s'était immiscé dans la procédure d'instruction ainsi que cela était démontré par divers témoignages dont celui des membres du parquet ; qu'en s'abstenant de prendre en compte ces témoignages tendant à établir que le demandeur n'avait pas bénéficié d'une juridiction d'instruction indépendante et impartiale, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés" ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Michel Y..., pris de la violation des articles 593 du Code de procédure pénale, violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, violation des droits de la défense ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception touchant à l'absence d'indépendance et d'impartialité du juge d'instruction ;

"aux motifs qu'il est soutenu que le comportement de Jean-Claude Z... qui se serait immiscé dans le déroulement de cette procédure a eu pour effet de priver celle-ci des conditions d'impartialité et d'indépendance exigées par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que, pour écarter cette exception de procédure, les premiers juges ont relevé que le prévenu était informé dès l'ouverture de l'information de ce que la partie civile était un magistrat du tribunal de grande instance de Nice et que la procédure était instruite par un juge d'instruction de ce même tribunal ; que malgré cela il n'avait pas sollicité que la procédure soit instruite devant une autre juridiction alors que tout au contraire, la partie civile avait saisi la chambre criminelle de la Cour de Cassation pour que soit désignée une autre juridiction de jugement, ce qui a entraîné la désignation du tribunal de grande instance de Marseille ; qu'ensuite les premiers juges, après avoir analysé le contenu des différentes déclarations de Jean-Claude Z... mises en exergue par Jean Faustin X... pour caractériser son immixtion dans la procédure, ont constaté qu'elles n'étaient que le reflet de sa propre conviction, étant précisé qu'en sa qualité de partie civile, il avait accès au dossier et avait normalement reçu la notification prévue à l'article 175 du Code de procédure pénale l'informant de l'issue prochaine de l'information, ce qui expliquait sa connaissance de l'état de la procédure ; qu'en définitive, ils ont conclu que dans ces conditions, alors même qu'aucun grief précis n'était allégué à son encontre, il n'était nullement établi que le juge d'instruction ait failli à ses devoirs d'indépendance et d'impartialité ;

"alors que, le 29 janvier 2001, Jean-Claude Z... a, lors de son audition dans le cadre d'une procédure de diffamation menée à son encontre, déclaré que "l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel doit être rendue dans les prochains jours" ;

qu'à cette date, le réquisitoire définitif n'était pas rendu dans l'information de corruption, puisqu'il a été pris le 1er février 2001, alors que l'ordonnance de renvoi n'interviendra que le 14 février suivant ; qu'il en résulte que Jean-Claude Z... bénéficiait d'une information d'initié, non accessible aux autres parties ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, selon l'article 385, alinéa 1, du Code de procédure pénale, les juridictions correctionnelles n'ont pas qualité pour constater les nullités de procédure lorsqu'elles sont saisies par le renvoi ordonné par le juge d'instruction ;

Que, si la cour d'appel a cru, à tort, devoir répondre à l'exception de nullité tirée de l'absence d'indépendance et d'impartialité du juge d'instruction, les moyens, qui reprennent cette exception devant la Cour de Cassation sont irrecevables par application du texte précité ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Jean Faustin X..., pris de la violation des articles 19, 12 bis, 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, 122-2 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean Faustin X... coupable de séjour irrégulier ;

"aux motifs propres que les premiers juges, pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de Jean Faustin X... de ce chef, ont indiqué, à l'issue de l'examen de l'exception préjudicielle soulevée sur ce point, qu'il était patent que le prévenu se trouvait en situation irrégulière puisque n'ayant formé aucune demande de régularisation de son séjour depuis la fin 1998 et plus particulièrement postérieurement à l'expiration du dernier récépissé soit 15 décembre 1998 ; qu'il est certain que Jean Faustin X... ne pouvait se prévaloir du seul fait de son inscription au barreau de Nice de la délivrance automatique d'un titre de séjour ;

"et aux motifs adoptés que le refus implicite de délivrance du titre de séjour est le corollaire parfait de la "demande implicite" de titre de séjour ; qu'il résulte en effet de la procédure et des déclarations mêmes de Jean Faustin X... qu'à la suite de son refus en 1997 de s'acquitter de la taxe OMI, il a fait deux demandes de titres de séjour obtenant des récépissés, respectivement valables du 26 février au 25 mai 1997, puis du 16 septembre au 15 décembre 1998 ; que depuis, il n'a formulé aucune demande expresse ni de titre de séjour ni de carte de résident ; qu'en conséquence, aucune demande n'étant formulée, il ne peut être constaté l'irrégularité d'un refus, qui même implicite n'existe pas ;

qu'il est patent que Jean Faustin X... se trouvait objectivement en situation irrégulière sur le territoire puisqu'il n'avait formé aucune demande de régularisation de son séjour depuis la fin 1998 ;

"1 ) alors que n'est pas pénalement responsable celui qui par le fait ou la faute de l'administration se trouve privé d'un titre de séjour auquel il a droit ; qu'ainsi que le demandeur l'a rappelé dans ses conclusions, son titre de séjour ne lui avait pas été délivré non point pour défaut de vocation au droit de séjour mais exclusivement du fait que l'administration lui avait imposé le paiement d'une taxe d'un montant très modeste mais dont l'application supposait chez le débiteur la qualité de primo entrant ou salarié ; qu'en sa qualité d'avocat le demandeur ne pouvait légalement assumer une telle qualité ; qu'il avait saisi de cette difficulté l'administration compétente laquelle avait gardé un silence irrégulier insusceptible de caractériser une décision valable ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur ces faits constituant un moyen pertinent, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2 ) alors que la loi doit être claire et précise et les sanctions proportionnées ; qu'ainsi que le faisait valoir le demandeur, il remplissait les conditions légales pour obtenir de plein droit un titre de séjour ; qu'en s'abstenant de rechercher si cette délivrance automatique ne faisait pas obstacle à l'infraction de séjour irrégulier ou à sa répression, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour Jean Faustin X..., pris de la violation des articles 433-1, alinéa 11, du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean Faustin X... coupable de corruption ;

"aux motifs que Jean Faustin X... soutient que les faits qui lui sont reprochés à ce titre se résument à l'exhibition malencontreuse de la somme de 75 000 francs après un accrochage verbal assez violent avec Jean-Claude Z... qui ne comprenait pas le dilemme dans lequel il se trouvait, à savoir assurer la défense de Michel Y..., nouveau client potentiellement très intéressant en raison de sa profession d'assureur qui, par ailleurs, lui avait d'ores et déjà versé la somme litigieuse à titre d'honoraires, et la nécessité de se rendre de toute urgence au Cameroun pour porter cette somme à sa famille ; que cette version des faits qui apparaît très fantaisiste et en complète contradiction avec le témoignage de Jean-Claude Z..., a été écartée par les premiers juges ; qu'ils ont relevé les nombreuses incohérences quant aux modalités du supposé départ imminent de Jean Faustin X... pour le Cameroun alors même qu'il ne disposait d'aucun billet d'avion, que son frère n'en était pas encore informé et qu'il ne disposait pas des documents administratifs nécessaires ; qu'ils ont justement souligné les déclarations mensongères mais réitérées à de multiples reprises de Jean Faustin X... quant à l'origine de la somme qu'il avait en sa possession dont il a fini par reconnaître qu'elle lui avait été remise par Michel Y... ; que ce dernier a reconnu que cette somme, un peu trop substantielle pour pouvoir correspondre à une simple avance sur honoraires, avait été réclamée par Jean Faustin X... dans le but de corrompre "quelqu'un et éventuellement un magistrat" ; que Jean-Luc A... a confirmé avoir assisté à cet entretien dans lequel il avait été envisagé un acte de corruption ;

que l'ensemble de ces éléments ne peut conduire qu'à écarter les explications embrouillées de Jean Faustin X... quant à l'exhibition à Jean-Claude Z... de la somme litigieuse alors même que celui-ci le recevait dans son bureau, à sa demande ; que le déroulement des faits tels qu'ils résultent des dépositions permettent de tenir pour acquis que Jean Faustin X... a proposé cette somme à Jean-Claude Z..., personne dépositaire de l'autorité publique, dans le but de le corrompre ; qu'il importait peu que la réaction immédiate de Jean-Claude Z... n'ait pas permis d'établir quel acte précis sollicitait Jean Faustin X... dès lors qu'il était patent qu'il s'agissait d'un acte relatif à sa qualité de magistrat et à l'occasion de l'exercice de celle-ci dans une procédure qu'il devait juger ; que la loi n'exige pas que le fonctionnaire ait été l'objet de propositions verbales ou écrites et que la corruption ou la tentative de corruption résulte des offres ou promesses, dons ou présents faits dans l'intention de corrompre ;

"alors que tout délit suppose pour être réprimé, à tout le moins l'existence d'un commencement d'exécution, acte matériel clair et sans équivoque ; que la simple exhibition d'une enveloppe contenant des billets de banque sous les yeux d'un magistrat sans aucune demande ni proposition ne saurait caractériser le délit de corruption ; qu'en se fondant cependant sur ces seuls éléments pour condamner le demandeur, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés".

Sur le moyen de cassation, proposé pour Jean Faustin X... dans le second mémoire complémentaire, pris de la violation des articles 453 et 593 du Code de procédure pénale, défaut ou insuffisance de motifs, défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que l'arrêt attaqué n'expose, ni ne présume la substance d'aucun des trois témoignages à décharge devant la cour d'appel, ni des attestations écrites produites à décharges ;

"aux motifs que (p. 9, paragraphe 6) le déroulement des faits tels qu'ils résultent tant des dépositions des victimes, témoins et coprévenus permettent de tenir pour acquis que Jean Faustin X... a proposé cette somme à Jean-Claude Z..., personne dépositaire de l'autorité publique, dans le but de le corrompre, sans qu'il apparaisse plus utile de chercher à approfondir les déclarations confuses et contradictoires de Jean-Luc A... sur le caractère prévisible de cette corruption ;

"alors que, d'une part, en se déterminant de la sorte, par motifs adoptés, sans évoquer la substance ou le sens des témoignages à décharge des personnes citées devant la cour d'appel, ne serait-ce que pour les minimiser, les réfuter ou les comparer avec les dépositions devant le juge d'instruction ou le tribunal, l'arrêt attaqué ne met pas la Cour de Cassation en mesure de contrôler l'application de la loi aux circonstances de fait qu'auraient souverainement appréciées les juges du fond ; que l'absence radicale de description, même sommaire, du contenu des témoignages à décharge devant la cour d'appel, dans un arrêt pourtant long et détaillé par ailleurs, en dépit du climat de défiance extrême exprimé dans une requête en suspicion légitime, viole l'obligation de motiver ; que ce silence de l'arrêt quant aux témoignages à décharge devant la cour d'appel est d'autant plus critiquable que Jean Faustin X... critiquait déjà le jugement dans ses écritures d'appel (paragraphe 53 des conclusions d'appel) en ce qu'il n'avait même pas mentionné le témoignage à décharge du procureur de la République près le tribunal de Nice, M. de B..., dont le caractère péremptoire apparaît désormais dans les notes d'audience du tribunal correctionnel (production des extraits concernés) ; que la violation alléguée est aggravée par le fait que le contenu des témoignages à décharge devant la cour d'appel ne peut même pas être vérifié en se référant aux notes d'audience devant ladite Cour, puisque le procureur général près de cette Cour a fait savoir par lettre (production) à Jean Faustin X... que des notes d'audience n'avaient pas été tenues ; qu'il convient simplement de rappeler que l'article 453 du Code de procédure pénale, sur les notes d'audience, s'applique à la procédure d'appel par renvoi des articles 512 et 513, alinéa 2, du même Code ; qu'en s'abstenant totalement de décrire, même sommairement, le contenu des différents témoignages à décharge devant elle, ou au moins d'en conserver trace, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors que, d'autre part, Jean Faustin X... demandait un chef express de ses écritures d'appel de constater les falsifications et faux témoignages de Jean-Luc A... et M. C... (paragraphe 61, 71 et 72 des conclusions et partie II du dispositif des conclusions d'appel) ; que la cour d'appel ne pouvait guère se dispenser de répondre à ce moyen péremptoire, de nature à bouleverser l'appréciation du litige ; qu'en s'abstenant néanmoins, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés ;

"alors qu'enfin, au surplus, il n'est pas indifférent de rappeler que l'un des témoins cités en appel était le commandant de police dont les dépositions originelles, devant le juge d'instruction, furent utilisées par le tribunal correctionnel puis reprises par la cour d'appel comme argent comptant ; cela sans que l'arrêt n'évoque le contenu contraire de son témoignage à la barre de la cour d'appel ;

que cette situation a été dénoncée par Jean Faustin X... dans sa requête devant la Cour européenne des droits de l'homme (production), requête communiquée en son temps au procureur général près de la Cour de Cassation et à toutes les personnes concernées, en précisant que M. C... était venu confesser à la barre de la cour d'appel son faux témoignage originel ; que de même, il apparaît totalement anormal que la cour d'appel ne mentionne nulle part trace du revirement violent devant elle de Michel Y..., le coprévenu de Jean Faustin X..., venu invalider l'ensemble des propos qu'il avait tenu à l'instigation de son précédent conseil ; que la cour d'appel en se fondant sur les déclarations de Michel Y... devant le juge d'instruction et devant le tribunal tout en faisant totalement le silence sur les débats devant elle ne satisfait pas à l'obligation de motivation suffisante ; qu'aussi, les attestations écrites d'avocats neutres versés au dossier en annexe des conclusions d'appel de Jean Faustin X... sont passées sous silence alors que leur contenu extraordinaire évoque l'organisation par l'ancien conseil du coprévenu Michel Y..., Me D..., d'un dévoiement de la défense pour des considérations exclusivement liées à l'ambiance devant le tribunal de Nice à un moment où cet avocat, alors bâtonnier désigné, était poursuivi par le procureur de la République de B..., principal témoin de Jean Faustin X... ; que d'ailleurs, le rapport de l'Inspection Générale des Services sur le tribunal de Nice (production extraits) désormais disponible, décrit parfaitement cette ambiance anormale ; que par une description si incomplète et biaisée des faits, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; l'arrêt sera derechef cassé" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Michel Y..., pris de la violation des articles 121-7, 433-1 et 433-2 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel Y... coupable du chef de complicité de corruption ;

"aux motifs que les premiers juges pour entrer en voie de condamnation à l'encontre de Michel Y... qui, après avoir reconnu la remise de 75 000 francs à Jean Faustin X..., somme importante qu'il a d'ailleurs eu du mal à réunir, dans le but de corrompre "quelqu'un et éventuellement un magistrat", a expliqué qu'il avait agi "de façon citoyenne" en pensant participer à une action policière ayant pour finalité de confondre Jean Faustin X..., ont relevé qu'il avait d'abord nié à 5 reprises avoir eu un rôle quelconque dans la corruption et que sa dernière version était en totale contradiction avec les déclarations de Jean-Luc A... qui avait toujours affirmé ne pas avoir avisé ce prévenu de son rôle auprès de la police, plus précisément auprès d'un certain policier ;

que de plus, ils n'ont pu que constater le caractère peu crédible de cette explication, guère compatible avec la personnalité de Michel Y..., homme d'affaires avisé, par ailleurs candidat à des prochaines élections municipales dont il apparaît pour le moins étonnant que sur les seuls propos de Jean-Luc A..., il ait accepté de participer à un tel scénario et ce, d'autant plus qu'il semblait très inquiet de l'issue de la procédure dont il fait l'objet, ayant préféré changer d'avocat, son avocat habituel, Me E... ayant indiqué ne pas avoir un délai suffisant pour préparer sa défense, plutôt que de laisser demander le renvoi de son dossier ; qu'en tout état de cause, il est certain que Michel Y... a eu connaissance de ce que la somme remise à Jean Faustin X... devait être utilisée pour chercher à corrompre une personne dans le cadre de son dossier ;

qu'il l'a reconnu de façon très claire dans sa dernière audition en qualité de témoin, avant d'être mis en examen, en déclarant, j'ai compris que je me trouvais dans un problème de corruption à l'intérieur du palais dont le maître d'oeuvre était Jean Faustin X..., j'ai compris cela avant de remettre l'argent à Jean Faustin X... qui devait dans mon dossier corrompre une personne pouvant être un magistrat ;

"alors que, dans ses conclusions régulièrement déposées le 16 octobre 2002, Michel Y... démontrait que l'ensemble des mentions portées sur l'agenda de Jean Faustin X... prouvait que le versement de la somme de 75 000 francs constituait un règlement d'honoraire et que la chronologie des événements disculpait Michel Y... ; que faute d'apporter la moindre réponse à cette argumentation, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale" ;

Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour Michel Y..., pris de la violation des articles 121-7, 433-1 et 433-2 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel Y... coupable du chef de complicité de corruption ;

"aux motifs que deux des prévenus, Jean Faustin X... et Michel Y..., soutiennent que le délit ne serait pas constitué dans la mesure où il n'y eu aucune demande précise formulée à l'égard de Jean-Claude Z..., ce que celui-ci a confirmé à plusieurs reprises et qu'en conséquence, en l'absence de toute demande de contrepartie un des éléments matériels de l'infraction fait défaut ;

que les premiers juges ont parfaitement répliqué à cette argumentation en indiquant qu'il importait peu que la réaction immédiate de Jean-Claude Z... n'ait pas permis d'établir quel acte précis sollicitait Jean Faustin X... dès lors qu'il était patent qu'il s'agissait d'un acte relatif à sa qualité de magistrat et à l'occasion de l'exercice de celle-ci dans un procédure qu'il devait juger ;

"alors qu'en l'absence de toute demande de contrepartie, le délit de corruption n'est pas constitué ; qu'en statuant comme elle l'a fait et alors même que le président Z... avait confirmé qu'aucune demande précise n'avait été formulée à son égard, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour condamner Jean Faustin X... du chef de corruption active et Michel Y... du chef de complicité de ce délit, la cour d'appel prononce par les motifs repris aux moyens ;

Attendu qu'en l'état de cette motivation, exempte d'insuffisance comme de contradiction, relevant de leur appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, d'où il résulte que l'offre d'une somme d'argent au magistrat a eu lieu dans des conditions qui, même en l'absence de sollicitations précises, impliquaient l'attente d'une contrepartie, les juges ont justifié leur décision ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme de la Lance conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Roger, Dulin, Mmes Thin, Desgrange, MM. Rognon, Chanut conseillers de la chambre, MM. Soulard, Samuel, Mme Salmeron conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Di Guardia ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-80596
Date de la décision : 11/02/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Saisine - Ordonnance de renvoi - Exception tirée de la nullité de la procédure antérieure - Irrecevabilité.

1° Selon l'article 385, alinéa 1, du Code de procédure pénale, les juridictions correctionnelles n'ont pas qualité pour constater les nullités de procédure lorsqu'elles sont saisies par le renvoi ordonné par le juge d'instruction. Est ainsi irrecevable l'exception de nullité, tirée de l'absence d'indépendance et d'impartialité du juge d'instruction, invoquée devant les juridictions de jugement (1).

2° CORRUPTION - Corruption active - Eléments constitutifs - Sollicitation - Notion.

2° Constitue le délit de corruption active l'offre d'une somme d'argent à un magistrat dans des conditions qui, même en l'absence de sollicitations précises, impliquaient l'attente d'une contrepartie (2).


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 11 décembre 2002

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 2000-06-07, Bulletin criminel 2000, n° 219, p. 646. CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1897-01-28, Bulletin criminel 1897, n° 27, p. 42.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 fév. 2004, pourvoi n°03-80596, Bull. crim. criminel 2004 N° 39 p. 163
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 39 p. 163

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Di Guardia
Rapporteur ?: Mme De la Lance
Avocat(s) : Me Brouchot, la SCP Boré, Xavier et Boré, la SCP Ancel et Couturier-Heller.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.80596
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