AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu que Mme X... a été engagée le 7 avril 1999 par la société ACME Protection ; que, par courrier du 20 septembre 2000, elle a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de son employeur, en lui reprochant de n'avoir pas prescrit d'interdiction générale et absolue de fumer dans le bureau à usage collectif qu'elle occupait ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que l'arrêt attaqué (Versailles, 24 avril 2003) a accueilli sa demande et a notamment condamné l'employeur à lui payer la somme de 3 430,11 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif ;
Attendu que l'employeur fait grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :
1 / que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifiaient, soit dans le cas contraire d'une démission ; qu'en énonçant que la rupture du contrat de travail résultait d'un licenciement sans établir l'existence d'un manquement de l'employeur à ses obligations légales ou contractuelles, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 122-4 du Code du travail ;
2 / qu'en application du décret du 29 mai 1992, il appartient à l'employeur de prendre des mesures pour assurer la protection des salariés non fumeurs dans les locaux collectifs non affectés à l'ensemble des salariés ; qu'en énonçant que l'interdiction de fumer en présence de Mme X... ainsi que la présence dans le bureau de panneaux d'interdiction de fumer étaient insuffisants au regard du respect de la législation anti-tabac, la cour d'appel a méconnu les dispositions du décret n° 92-478 du 29 mai 1992 ;
Mais attendu que, selon l'article 1er du décret n° 92-478 du 29 mai 1992, devenu l'article R. 3511-1 du Code de la santé publique, l'interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif s'applique dans tous les lieux fermés et couverts qui constituent les lieux de travail ; qu'en application de l'article 4 dudit décret, devenu les articles R. 3511-4 et R. 3511-5 du Code de la santé publique, dans les établissements mentionnés aux articles L. 231-1 et L. 231-1-1 du Code du travail, il appartient à l'employeur qui entendrait déroger à cette interdiction dans les locaux de travail autres que ceux affectés à l'ensemble des salariés, tels les bureaux à usage collectif, d'établir, après consultation du médecin du Travail, du Comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, des délégués du personnel, un plan d'organisation ou d'aménagement destiné à assurer la protection des non-fumeurs ;
Et attendu que la cour d'appel a relevé que l'employeur, malgré les réclamations de la salariée, s'était borné à interdire aux autres salariés de fumer en sa présence et à apposer des panneaux d'interdiction de fumer dans le bureau à usage collectif qu'elle occupait ;
qu'elle en a exactement déduit que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de résultat vis-à-vis de ses salariés en ce qui concerne leur protection contre le tabagisme dans l'entreprise, n'avait pas satisfait aux exigences imposées par les textes précités et a, en conséquence, décidé que les griefs invoqués par la salariée à l'appui de sa prise d'acte justifiaient la rupture du contrat de travail, de sorte qu'elle produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société ACME Protection aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société ACME Protection à payer à Mme X... la somme de 1 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf juin deux mille cinq.