AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 6 septembre 2000) que par acte d'huissier de justice du 8 juin 1999, l'association Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (le MRAP) a fait assigner en référé, devant le président du tribunal de grande instance de Nanterre, M. X... et l'association Front national en réparation du préjudice occasionné par la diffusion, à l'occasion des élections européennes, d'un tract intitulé "Immigration - Insécurité", comportant des propos constitutifs, selon la demande, de provocation à la discrimination raciale, au sens de la loi du 29 juillet 1881, et donc d'un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser en application de l'article 809 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que le MRAP fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré nulle l'assignation introductive d'instance pour inobservation des formalités prévues par l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, alors, selon le moyen :
1 ) que l'article 53, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 s'applique aux procédures pénales et aux procédures civiles en réparation du préjudice causé par une des infractions qu'elle incrimine, à l'exclusion des procédures de référé de l'article 809, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile destinées à faire cesser un trouble manifestement illicite résultant d'une provocation à la haine raciale et à la discrimination ;
que la cour d'appel en en faisant application à une telle procédure a violé cet article par fausse application ;
2 ) que subsidiairement, l'absence d'élection de domicile dans la ville où siège le tribunal saisi et de notification au ministère public de l'acte introductif d'instance prévues par l'article 53, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 constitue une irrégularité de forme n'entraînant la nullité de l'acte introductif d'instance qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité ; que la cour d'appel qui a annulé une assignation en référé pour absence d'accomplissement de ces formalités sans rechercher si cette omission a fait grief aux défendeurs, a violé l'article 114 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 que l'assignation délivrée à la requête du plaignant doit préciser et qualifier le fait invoqué, indiquer le texte de loi applicable à la demande, contenir élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et être notifiée au ministère public ; que ces dispositions sont applicables à l'assignation en référé ;
Et attendu que l'arrêt retient que l'assignation introductive d'instance délivrée par le MRAP, même si elle vise l'article 809 du nouveau Code de procédure civile et invoque l'existence d'un trouble manifestement illicite fait expressément référence à la loi du 29 juillet 1881 puisqu'il est écrit que les propos contenus dans le tract litigieux constituent "une terrible provocation à la discrimination, la haine et la violence raciale" et sont susceptibles d'entraîner des condamnations pénales au sens de cette loi ; que le MRAP fonde ainsi le caractère illicite du trouble qu'il demande au juge de faire cesser dans la violation de ladite loi, dont les formalités sont prescrites à peine de nullité ; que le MRAP n'a pas fait élection de domicile à Nanterre et n'a pas notifié l'assignation au ministère public ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a déduit à bon droit que l'exception de nullité de l'assignation régulièrement invoquée devant le premier juge devait être accueillie, sans que la partie demanderesse à l'exception ait à justifier d'un grief ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le MRAP aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille trois.