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06/09/2000 | FRANCE | N°1999-4879

France | France, Cour d'appel de Versailles, 06 septembre 2000, 1999-4879


FAITS ET PROCEDURE A l'occasion des élections des députés européens qui se sont déroulées le 13 juin 1999 et auxquelles le Front National a présenté une liste dirigée par Monsieur Jean-Marie LE X..., l'Association "Campagne Européenne L.E. P.E.N." a diffusé un tract intitulé "Immigration Insécurité" et appelant à voter LE X.... Le Mouvement contre le Racisme et pour l'amitié entre les Peuples (MRAP) considérant que les termes utilisés dans ce tract étaient constitutifs d'une provocation à la discrimination, à la haine et à la violence raciale a saisi le Juge des référé

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FAITS ET PROCEDURE A l'occasion des élections des députés européens qui se sont déroulées le 13 juin 1999 et auxquelles le Front National a présenté une liste dirigée par Monsieur Jean-Marie LE X..., l'Association "Campagne Européenne L.E. P.E.N." a diffusé un tract intitulé "Immigration Insécurité" et appelant à voter LE X.... Le Mouvement contre le Racisme et pour l'amitié entre les Peuples (MRAP) considérant que les termes utilisés dans ce tract étaient constitutifs d'une provocation à la discrimination, à la haine et à la violence raciale a saisi le Juge des référés pour faire cesser le trouble considéré comme manifestement illicite. Par ordonnance du 10 juin 1999 le Juge des Référés du Tribunal de Grande Instance de Nanterre a - rejeté les exceptions de nullité de l'assignation, - dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause les défendeurs, - interdit au Front National, Campagne Européennes L.E. P.E.N toute action de distribution du tract litigieux sous astreinte de 5.000,00 francs par action constatée, - ordonné la saisie dudit tract dans toute entreprise d'imprimerie, de librairie de tout exemplaire fabriqué ou en cours de fabrication et ce aux frais du Front National, Campagne Européenne L.E P.E.N, - débouté le MRAP de sa demande de publication du dispositif de l'ordonnance, - condamné le Front National à payer au MRAP une somme de 7.000,00 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Monsieur LE X... et l'association Front National ont interjeté appel de ce jugement. Ils demandent à la Cour de - dire que l'assignation du MRAP est nulle par application de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, - mettre hors de cause Monsieur LE X... et l'Association Front National, 2 ii i - subsidiairement dire que la procédure de référé viole les dispositions des articles 6 et 10 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, - plus subsidiairement dire que les demandes présentées par le MRAP ne peuvent en aucun cas être mises en oeuvre

dans le cadre d'une procédure restrictive de la liberté d'expression, - encore plus subsidiairement, dire qu'il n'y a pas de trouble manifestement illicite qu'il n'existe aucune provocation et qu'aucun des groupes visés par la loi n'est en cause dans le tract, - condamner le MRAP au paiement d'une indemnité de 10.000,00 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Le MRAP conclut à la confirmation de l'ordonnance sauf à prononcer la condamnation solidairement à l'encontre de Monsieur LE X... et du Front National et à ordonner la publication du dispositif de l'arrêt. Il sollicite le paiement d'une indemnité de 20.000,00 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Il soutient que les règles de droit sur la presse sont inaplicables devant le Juge des Référés et que le trouble manifestement illicite qu'il invoque est indépendant du délit d'incitation à la haine raciale. MOTIFS DE L'ARRET Attendu que la loi du 29 juillet 1881 pose le principe de la liberté de la presse, énonce les infractions qui autorisent le juge à limiter cette liberté et précise les règles de procédure qui doivent être respectées pour le faire ; Que dès lors qu'une infraction à ce texte est alléguée au soutien d'une demande tendant à porter atteinte à la liberté d'expression , les règles procédurales édictées par la loi et donc d'une valeur supérieure à celles figurant dans le code de procédure civile et résultant d'un décret, doivent être suivies, quelque soit le juge qui est saisi et la procédure qui est utilisée ; 3 Attendu que l'assignation introductive d'instance délivrée par le MRAP même si elle vise l'article 809 du Nouveau Code de Procédure Civile et invoque l'existence d'un trouble manifestement illicite fait expressément référence à la loi du 29 juillet 1881 puisqu'il est écrit que les propos contenus dans le tract litigieux constituent "une terrible provocation à la discrimination, la haine et la violence raciale" et

sont susceptibles d'entraîner des condamnations pénales au sens de la loi de 1881" ; Que le MRAP trouve ainsi le caractère illicite du trouble qu'il demande au Juge de faire cesser, dans la violation de la loi du 29 juillet 1881 et aurait dû suivre les prescriptions de ce texte ; Attendu que l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 dispose notamment que la citation contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au prévenu qu'au ministère public ; que ces formalités doivent être observées à peine de nullité ; Attendu que le MRAP n'a pas fait élection du domicile à Nanterre et n'a pas notifié l'assignation au ministère public ; qu'il sera fait droit à l'exception de nullité soulevée par les appelants ; Que l'ordonnance sera infirmée en ce sens ; Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Infrme l'ordonnance entreprise, Déclare nulle l'assignation introductive d'instance pour non respect des dispositions de l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, 4 Condamne le MRAP aux dépens d'instance et d'appel, dit que ceux-ci seront recouvrés par Maître RICARD, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ET ONT SIGNE LE PRÉSENT ARRÊT Monsieur FALCONE, Président, qui l'a prononcé, Mademoiselle Y..., Greffier, qui a assisté au prononcé, LE GREFFIER

LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1999-4879
Date de la décision : 06/09/2000

Analyses

PRESSE - Procédure - Action en justice - Action devant la juridiction civile - Juge des référés - Article 53 de la loi du 29 juillet 1881 - Application - Portée - /

L'assignation introductive d'instance qui, délivrée au visa de l'article 809 du nouveau Code de procédure civile, invoque l'existence d'un trouble manifestement illicite, résultant de propos qui seraient constitutifs du délit de "provocation à la discrimination, la haine ou à la violence raciale" et qui seraient "susceptibles d'entraîner des condamnations pénales au sens de la loi de 1881", puise nécessairement le caractère illicite du trouble dans la violation de la loi du 29 juillet 1881, et doit, de ce fait, en suivre les prescriptions procédurales, notamment celles résultant de l'article 53. L'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 dispose notamment que la citation contiendra élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et sera notifiée tant au prévenu qu'au ministère public et que ces formalités doivent être observées à peine de nullité. En l'espèce, l'intimé n'ayant pas fait élection de domicile dans la ville où siège la juridiction saisie et n'ayant pas notifié l'assignation au ministère public, il y a lieu de faire droit à l'exception de nullité soulevée par l'appelant


Références :

Loi du 29 juillet 1881, article 53
nouveau Code de procédure civile, article 809

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-09-06;1999.4879 ?
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