LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique, tenue au Palais de Justice, à PARIS, le neuf août mil neuf cent quatre vingt neuf, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller FONTAINE, les observations de la société civile professionnelle BORE et XAVIER et de Me VINCENT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LECOCQ ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Société Anonyme BEYER, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, en date du 8 janvier 1987 qui, après avoir relaxé Jacques X... du chef de vol, l'a déboutée de ses demandes ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article 379 du Code pénal et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté la partie civile de sa demande ;
" aux motifs propres et adoptés que " ne peut être considéré comme une soustraction frauduleuse le fait d'utiliser le papier photo et la machine de son employeur " ; que l'enquête a établi que le prévenu n'avait volé aucun document et qu'il avait seulement fait la photocopie de certaines pièces sur la machine de la société Beyer ; que les photocopies communiquées sont surtout des photocopies de pièces personnelles au prévenu (cf. jugement entrepris p. 2, alinéas 11, 12, 13, 14) ; que la partie civile n'a pas communiqué au magistrat instructeur la liste des documents prétendument disparus dont les originaux auraient été retrouvés ; qu'elle ne l'a pas davantage produite et n'a présenté aucun élément au soutien de son appel (arrêt attaqué p. 3, alinéas 3, 4) ;
" 1° / alors que se rend coupable du délit de vol le préposé qui, détenant matériellement certains documents appartenant à son employeur, prend des photocopies à des fins personnelles, à l'insu et contre le gré de son employeur et les appréhende ainsi frauduleusement pendant le temps nécessaire à leur reproduction ; qu'il résulte des propres termes de l'arrêt attaqué que X... a fait des photocopies de documents appartenant à son employeur ; que la cour d'appel s'est bornée à relever qu'il lui fallait " parfois " faire des photocopies de documents pour préparer des réponses aux interrogations de son employeur sans rechercher s'il n'avait pas en outre procédé à la reproduction de documents à des fins personnelles ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" 2° / alors que la société Beyer soutenait dans ses conclusions d'appel que la soustraction frauduleuse était établie par les dépositions des trois témoins (D. 10, D. 11, D. 12) qui ont tous affirmé que X... avait, peu avant son licenciement, effectué de très nombreuses photocopies de documents commerciaux et de notes de service qu'il avait emportées chez lui pour se constituer un dossier et dont certaines avaient d'ailleurs été produites par le prévenu lui-même au cours de l'instruction ; qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions démontrant que les photocopies litigieuses n'avaient pas été faites pour les besoins du travail du prévenu, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de motifs " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué, et du jugement auquel il se réfère,- tant en ce qui concerne l'exposé des faits que les motifs qu'il adopte-, que Jacques X..., ancien directeur de secteur dans la société anonyme Beyer, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour vol de photocopies de documents de travail au préjudice de ladite société ;
Attendu que pour confirmer la décision de relaxe dont avait bénéficié X..., les juges relèvent que " la partie civile n'a pas fait tenir au magistrat instructeur la liste des documents prétendus disparus, dont les originaux auraient été retrouvés ; qu'elle ne l'a pas davantage produite devant la Cour, et n'a présenté aucun élément au soutien de son appel " ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, d'où il se déduit qu'elle a estimé qu'un doute subsistait sur la matérialité des faits, et qui relèvent de l'examen précis par les juges du fond des éléments de preuve soumis au débat contradictoire, la cour d'appel qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions de la partie civile, a justifié sa décision sans encourir les griefs du moyen, lequel doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi
Condamne la demanderesse aux dépens ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents : MM. Berthiau conseiller doyen faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Fontaine conseiller rapporteur, Angevin, Morelli, Dardel, Dumont, Blin conseillers de la chambre, Mme Bregeon, M. de Mordant de Massiac conseillers référendaires, M. Lecocq avocat général, Melle Collet greffier de chambre ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.