Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Pau, 9 octobre 1984), la société Etablissements Lacampagne (Etablissements Lacampagne) a été concessionnaire non exclusif pendant plusieurs dizaines d'années de la société General Motors France pour la vente d'automobiles en vertu d'une succession de contrats à durée déterminée d'une année, puis de cinq années, le dernier ayant pris fin le 31 décembre 1981 ; que des pourparlers étant en cours en vue d'un renouvellement du contrat mais dans de nouveaux locaux, la société General Motors France a fait connaître en décembre 1981 aux Etablissements Lacampagne que leur demande serait examinée conjointement avec d'autres candidatures et qu'une prorogation a été accordée le 16 février 1982 avec effet du 1er janvier 1982 au 30 juin 1982 par la société General Motors France ; que cette société, le 22 juin 1982, a notifié aux Etablissements Lacampagne son intention de ne plus conclure un nouveau contrat de concession mais a accepté ensuite une nouvelle prorogation jusqu'au 30 septembre 1982 ; que les Etablissements Lacampagne ont passé commande d'une voiture pour le 1er octobre 1982 à la société General Motors France qui n'y a pas donné suite ; que ces établissements ont demandé la condamnation de cette société au paiement de dommages-intérêts, d'une part, pour rupture fautive des pourparlers en vue du renouvellement du contrat de concession, d'autre part, pour refus de vente consistant à refuser le contrat de concession et la vente des produits ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que les Etablissements Lacampagne font grief à la Cour d'appel d'avoir rejeté leur demande fondée sur le refus de vente alors que, selon le pourvoi, d'une part, le refus de contracter revêt un caractère illicite lorsqu'il s'analyse en un refus de vente ; qu'en se bornant à déclarer que la société General Motors France pouvait refuser de livrer un revendeur d'automobiles au seul motif qu'il appartient à tout chef d'entreprise de choisir ses collaborateurs ou ses représentants, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 37-1 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 ; et alors que, d'autre part, en vertu de l'article 85 du Traité constituant la C.E.E. sont interdites toutes pratiques ayant pour effet de fausser le jeu de la concurrence et qui consistent notamment à répartir les marchés ou les sources d'approvisionnement ; que ces dispositions font partie intégrante du droit français et s'appliquent aux pratiques suivies à l'intérieur du territoire national dès lors qu'elles aboutissent à une discrimination au sein du marché automobile ayant nécessairement une incidence sur le marché communautaire ; que dès lors, en refusant de sanctionner le refus de vente constaté, au seul motif qu'il suffirait pour le justifier de se référer à la notion de " liberté contractuelle ", la Cour d'appel a méconnu les règles impératives et d'ordre public qui gouvernent la concurrence, et par là même, elle a violé, par refus d'application, l'article 85 susvisé ;
Mais attendu, d'une part, qu'après avoir exactement retenu en premier lieu que n'avait pas à être justifié le refus par le concédant de conclure un nouveau contrat de concession à durée déterminée et en second lieu que cette décision du concédant ne pouvait être qualifiée de refus de vente au sens de l'article 37-1° de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 modifiée, la Cour d'appel a énoncé que la commande d'une voiture avait été faite de mauvaise foi et que les Etablissements Lacampagne ne pouvaient prétendre bénéficier pour cet achat des conditions faites au concessionnaire de la marque ;
Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni des conclusions ni de l'arrêt que les Etablissements Lacampagne aient invoqué une violation de l'article 85 du Traité instituant la Communauté économique européenne ; que cette branche du moyen, qui implique que le commerce entre états membres ait pu être affecté, est mélangée de fait et de droit ;
D'où il suit qu'irrecevable comme nouveau en sa seconde branche, le moyen est non fondé en sa première ;
Sur le second moyen :
Attendu que les Etablissements Lacampagne font également grief à la Cour d'appel d'avoir rejeté leur demande fondée sur la rupture abusive des pourparlers alors que, selon le pourvoi, la rupture des pourparlers avancés en vue de la conclusion d'un contrat, faite sans raison légitime brutalement et unilatéralement, engage la responsabilité de son auteur ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué, que, par lettre du 17 décembre 1981, la société General Motors France avisait les Etablissements Lacampagne que leur candidature pour une nouvelle concession dans de nouveaux locaux serait bien examinée conjointement avec d'autres candidatures ; qu'il résulte de ces mêmes constatations que la société General Motors France a maintenu pendant six mois les Etablissements Lacampagne dans l'incertitude, leur interdisant, par là même, toute recherche d'un autre contrat ; qu'il résulte de ces mêmes constatations que de nombreux entretiens eurent lieu entre les deux sociétés pendant cette période de six mois permettant aux Etablissements Lacampagne de croire à la conclusion d'un nouveau contrat ; qu'il résulte enfin des constatations de l'arrêt attaqué que ce n'est que le 11 juin 1982 et le 22 juin 1982 que la société General Motors France rompit brutalement et unilatéralement des négociations engagées depuis six mois ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations au regard de l'article 1382 du Code civil qu'elle a violé par refus d'application ;
Mais attendu que la Cour d'appel, ayant relevé que la société General Motors France n'était pas tenue de renouveler le contrat et qu'elle avait accepté à deux reprises de proroger la convention initiale, a pu écarter la faute invoquée ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi