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17/12/1991 | FRANCE | N°89-22035

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 17 décembre 1991, 89-22035


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Attendu qu'en avril 1986 l'hebdomadaire Le Nouvel Economiste, édité par la société du même nom, à publié en couverture, pour accompagner le titre " les milliardaires de la pub ", la photographie d'une jeune femme vue de dos, habillée de vêtements de plage sur lesquels étaient reproduits les dessins d'un billet de banque de 200 francs ; qu'il était indiqué au sommaire qu'il s'agissait d'une " photographie Sipa Press et dessin R. Y... " ; qu'il se révéla ultérieurement que la société Sipa Press avait reproduit, puis vendu au Nouvel Economiste comme étant son oeuvre, la

photographie d'un modèle entièrement dévêtu, cliché dont le véritable ...

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Attendu qu'en avril 1986 l'hebdomadaire Le Nouvel Economiste, édité par la société du même nom, à publié en couverture, pour accompagner le titre " les milliardaires de la pub ", la photographie d'une jeune femme vue de dos, habillée de vêtements de plage sur lesquels étaient reproduits les dessins d'un billet de banque de 200 francs ; qu'il était indiqué au sommaire qu'il s'agissait d'une " photographie Sipa Press et dessin R. Y... " ; qu'il se révéla ultérieurement que la société Sipa Press avait reproduit, puis vendu au Nouvel Economiste comme étant son oeuvre, la photographie d'un modèle entièrement dévêtu, cliché dont le véritable auteur était M. X... et qui avait été commandé à celui-ci en 1981 par la société Avenir pour les besoins d'une campagne publicitaire de grande notoriété ; que M. X... n'ayant pas autorisé cette nouvelle utilisation de son oeuvre, l'arrêt attaqué (Paris, 9 novembre 1989) a condamné les sociétés Sipa Press et Le Nouvel Economiste à lui payer des dommages-intérêts, ordonné diverses autres mesures accessoires et dit que la société Sipa Press devrait garantir la société Le Nouvel Economiste " de la moitié de toutes les condamnations prononcées contre celle-ci " ;

Sur le moyen du pourvoi principal de la société Sipa Press, pris en ses deux premières branches :

Attendu que la société Sipa Press fait grief à l'arrêt d'avoir retenu que la reproduction de la photographie litigieuse constituait une contrefaçon alors, selon le moyen, d'une part, que cette photographie avait été utilisée dans une campagne publicitaire qui constituait elle-même une oeuvre de l'esprit et pouvait faire l'objet d'une citation par voie de reproduction d'un de ses composants, à l'occasion d'un article d'information sur la publicité ; alors, d'autre part, que la cour d'appel n'a pas recherché si en raison de la notoriété du cliché reproduit cette citation n'emportait pas par elle-même le rappel de son auteur et de sa source ;

Mais attendu que la reproduction intégrale d'une photographie, qui constitue en soi une oeuvre protégée par la loi du 11 mars 1957, ne peut être qualifiée de " courte citation " au sens de l'article 41-3°, de cette loi ;

D'où il suit que les deux premières branches du moyen ne peuvent être accueillies ;

Sur les troisième et quatrième branches du même moyen :

Attendu que la société Sipa Press fait encore grief à l'arrêt de l'avoir déclarée coupable d'une atteinte au droit moral de M. X..., dont l'oeuvre a fait l'objet d'une altération par surimpression de dessins et modification du cadrage, alors, selon le moyen, d'une part, que ces modifications sont exclusivement le fait du Nouvel Economiste, et, d'autre part, qu'il n'aurait été apporté aucune altération " à la substance même de l'oeuvre originale de M. X..., laquelle restait évidente nonobstant l'usage qui en était fait dans l'oeuvre dérivée " ;

Mais attendu, d'abord, qu'ayant constaté que la société Sipa Press s'était présentée comme l'auteur de la photographie qu'elle avait vendue sans réserve au Nouvel Economiste, la cour d'appel a pu retenir qu'elle était par là même responsable envers l'auteur véritable, dont elle avait usurpé les droits, de tous les actes illicites, même imputables à son client, dont cette photographie a fait ensuite l'objet ;

Attendu, encore, que sous réserve des limites que peut apporter au droit moral de l'auteur la nature des conventions conclues par lui au sujet de ses oeuvres, limites auxquelles le moyen se réfère de façon inopérante en l'espèce en l'absence de tout accord intervenu à ce sujet, le respect dû à l'oeuvre en interdit toute altération ou modification, quelle qu'en soit l'importance ; que la cour d'appel a donc retenu à bon droit que la contrefaçon incriminée par M. X... se trouvait aggravée par l'atteinte portée à son droit moral ;

D'où il suit que les troisième et quatrième branches du moyen doivent également être écartées ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident de la société Le Nouvel Economiste, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Le Nouvel Economiste fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la couverture de son hebdomadaire constituait une contrefaçon de la photographie prise par M. X..., alors, selon le moyen, d'une part, que l'auteur ne peut interdire la parodie, le pastiche et la caricature lorsque tout risque de confusion est exclu, et que la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision en ne recherchant pas si la publication litigieuse n'avait pas " caricaturé la photographie d'un mannequin vantant lui-même un service publicitaire " ; et alors, d'autre part, que la cour d'appel ne pouvait retenir une atteinte au droit moral de M. X... sans rechercher " s'il n'y avait pas absence de dénaturation de son oeuvre " ;

Mais attendu que les écritures soumises au juges du fond par la société Le Nouvel Economiste se bornaient à soutenir, pour nier le préjudice invoqué par M. X..., que son oeuvre " avait été présenté de façon spirituelle " par un dessin " délicat " et conforme aux " exigences de la mode ", sans prétendre que cette reproduction puisse bénéficier de l'exception instituée par l'article 41-4° de la loi du 11 mars 1957 ;

Que la cour d'appel n'était donc pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ;

Attendu que ces mêmes écritures avaient encore soutenu qu'il n'avait été causé aucune atteinte " à l'honneur professionnel de M. X... ", sans dénier celle qu'avait subie son droit moral d'auteur ; d'où il suit que la seconde branche du moyen est nouvelle et que, mélangée de fait et de droit, elle est irrecevable ;

Sur le second moyen du même pourvoi incident pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 89-22035
Date de la décision : 17/12/1991
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droits d'auteur - Protection - Exception - Courtes citations - Définition - Série de photographies utilisées dans une campagne publicitaire - Reproduction intégrale d'une photographie (non).

1° PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droits d'auteur - Protection - Etendue - Reproduction d'une des photographies utilisées dans une campagne publicitaire 1° PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - OEuvre de l'esprit - Reproduction - Prohibition - Courtes citations - Définition - Série de photographies utilisées dans une campagne publicitaire - Reproduction intégrale d'une photographie (non).

1° La reproduction intégrale d'une photographie, même faisant partie d'une série utilisée dans une campagne publicitaire, qui constitue en soi une oeuvre protégée par la loi n° 57-298 du 11 mars 1957, ne peut être qualifiée de " courte citation " au sens de l'article 41-3°, de cette loi.

2° PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Photographie - Droit de reproduction - Cession - Cession par un tiers ayant usurpé les droits de l'auteur - Absence de réserves - Actes illicites imputables à l'acheteur - Responsabilité du cédant envers l'auteur.

2° PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droits d'auteur - Atteinte - Photographie - Tiers ayant usurpé les droits de l'auteur - Vente sans réserve de la photographie - Actes illicites imputables à l'acheteur - Responsabilité du vendeur envers l'auteur.

2° Ayant constaté qu'une société s'était présentée comme l'auteur de la photographie qu'elle avait vendue sans réserve, une cour d'appel a pu retenir qu'elle était par là même responsable envers l'auteur véritable, dont elle avait usurpé les droits, de tous les actes illicites, même imputables à son client, dont cette photographie a fait ensuite l'objet.

3° PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droit moral - Droit au respect de l'oeuvre - Altération ou modification - Interdiction - Limites - Nature des conventions conclues par l'auteur.

3° PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - OEuvre de l'esprit - Protection - Portée - Altération ou modification - Interdiction - Limites - Nature des conventions conclues par l'auteur.

3° Sous réserve des limites que peut apporter au droit moral de l'auteur la nature des conventions conclues par lui au sujet de ses oeuvres, le respect dû à celles-ci en interdit toute altération ou modification, quelle qu'en soit l'importance.

4° PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - OEuvre de l'esprit - Reproduction - Prohibition - Exception - Parodie - pastiche ou caricature - Exception non invoquée devant les juges du fond - Moyen soulevé d'office (non).

4° Une cour d'appel devant qui il n'a pas été soutenu que la reproduction d'une oeuvre puisse bénéficier de l'exception instituée par l'article 41-4° de la loi n° 57-298 du 11 mars 1957, n'est pas tenue de procéder à cette recherche.


Références :

Loi 57-298 du 11 mars 1957 art. 41-3
Loi 57-298 du 11 mars 1957 art. 41-4

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 09 novembre 1989

A RAPPROCHER : (1°). Chambre civile 1, 1991-01-22 , Bulletin 1991, I, n° 29, p. 18 (cassation), et les arrêts cités . (3°). Chambre civile 1, 1991-04-04 , Bulletin 1991, I, n° 120, p. 81 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 17 déc. 1991, pourvoi n°89-22035, Bull. civ. 1991 I N° 360 p. 236
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1991 I N° 360 p. 236

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Massip, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Gaunet
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Grégoire
Avocat(s) : Avocats :la SCP Waquet, Farge et Hazan, MM. Roger, Cossa.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1991:89.22035
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