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17/12/2003 | FRANCE | N°00-19993

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 décembre 2003, 00-19993


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, rendu en matière de référé, que, par acte du 7 mai 1993, le Crédit lyonnais (la banque) a consenti un prêt à la société Brasserie 15 ; que la société Brasserie Heineken, fournisseur de celle-ci, s'est portée caution de ce prêt ; que, par le même acte, M. X... et M. et Mme Y... se sont constitués cautions solidaires de la débitrice principale envers la société Brasserie Heineken ; que la société

Brasserie 15 ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banqu...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué, rendu en matière de référé, que, par acte du 7 mai 1993, le Crédit lyonnais (la banque) a consenti un prêt à la société Brasserie 15 ; que la société Brasserie Heineken, fournisseur de celle-ci, s'est portée caution de ce prêt ; que, par le même acte, M. X... et M. et Mme Y... se sont constitués cautions solidaires de la débitrice principale envers la société Brasserie Heineken ; que la société Brasserie 15 ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a délivré, le 22 octobre 1994, à la société Brasserie Heineken une quittance subrogative de 488 564,14 francs, montant réglé par cette dernière en sa qualité de caution de la société Brasserie 15 ; que la société Brasserie Heineken a déclaré sa créance au redressement judiciaire de la débitrice principale le 10 octobre 1994 puis a assigné M. et Mme Y... en exécution de leurs engagements ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :

Attendu que M. et Mme Y... reprochent à l'arrêt de les avoir condamnés solidairement avec M. X... à payer à la société Brasserie Heineken la somme de 455 097, 18 francs avec intérêt au taux contractuel à compter du 22 octobre 1994, alors, selon le moyen :

1 / que lorsque le remboursement d'un emprunt souscrit par une société auprès d'une banque est cautionné par l'un de ses fournisseurs qui bénéficie lui-même de cautionnements donnés par des tiers, et que ce fournisseur s'acquitte du solde de la dette à la suite de l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de cette société et se trouve ainsi subrogé dans les droits de la banque, les tiers peuvent, si la banque n'a pas produit, opposer audit fournisseur qui n'a pas lui-même produit après avoir bénéficié de la subrogation, l'extinction de la créance en application de l'article 53, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'en niant à M. et Mme Y... le droit de se prévaloir d'une telle exception inhérente à la dette, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

2 / que dans leurs conclusions d'appel régulièrement signifiées, M. et Mme Y... avaient fait valoir qu'il n'y avait pas lieu à référé, dès lors que la créance de la société Heineken était contestable dans la mesure où elle était susceptible d'être absorbée par les dommages-intérêts devant être mis à la charge de ladite société pour manquement à son obligation d'information et de conseil à l'égard de ses cocontractants ; qu'en ignorant ce chef des écritures de M. et Mme Y..., la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que la société Brasserie Heineken avait déclaré sa créance le 10 octobre 1994, soit avant paiement, et qu'elle avait fait sa déclaration de créance dans les délais, la cour d'appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision, peu important que la caution n'ait payé le créancier que postérieurement à sa déclaration de créance ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, répondant par là même aux conclusions prétendument omises, que pour s'opposer à la demande en paiement, M. et Mme Y... invoquent une contestation sérieuse tirée d'une surévaluation des ventes par la société Brasserie Heineken, mais que ceux-ci n'apportent pas la preuve de ce que cette société les aurait trompés en surévaluant les ventes potentielles qui devaient permettre de rembourser les échéances du prêt ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche, en ce qu'il concerne M. Y... :

Attendu que M. Y... fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le moyen, que commet une faute engageant sa responsabilité, la partie qui sollicite et obtient un cautionnement hors de proportion avec le patrimoine et les revenus de la caution ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui a déduit l'absence de caractère disproportionné de l'engagement de M. et Mme Y... de sa nature intéressée, sans s'interroger sur la situation patrimoniale desdites cautions, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que M. Y... était co-gérant de la société cautionnée ; qu'ainsi, dès lors qu'il n'a jamais prétendu ni démontré que la société Brasserie Heineken aurait eu sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles en l'état du succès escompté de l'exploitation de la société Brasserie 15, des informations que lui-même aurait ignorées, M. Y... n'était pas fondé à rechercher la responsabilité de ce créancier ; qu'ainsi, la cour d'appel ayant légalement justifié sa décision, le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen, en ce qu'il concerne Mme Y... :

Vu l'article 1147 du Code civil ;

Attendu que pour condamner Mme Y..., l'arrêt retient, par motifs propres, que M. Y... était co-gérant de la société cautionnée dans laquelle il détenait 50 % des parts, que les époux Y... sont titulaires de parts dans plusieurs sociétés civiles immobilières, et que M. Y... a déclaré disposer d'une somme de 500 000 francs placée en assurance ; qu'il relève encore, par motifs adoptés, que si leur situation était celle qui est invoquée, Mme Y... étant auxiliaire de puériculture au salaire mensuel de 6 500 francs par mois et M. Y... étant inscrit à l'ASSEDIC sans allocation, il n'en reste pas moins que M. Y... était l'associé de la société Brasserie 15 et qu'il avait un intérêt personnel à l'obtention du prêt pour lequel le cautionnement des époux Y... était sollicité ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le cautionnement consenti par Mme Y... était disproportionné par rapport à ses revenus et son patrimoine, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné Mme Y... à payer à la société Brasserie Heineken la somme de 455 097,18 francs, avec intérêts au taux contractuel à compter du 22 octobre 1994, l'arrêt rendu le 13 juin 2000, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme Y... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 00-19993
Date de la décision : 17/12/2003
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Redressement judiciaire - Période d'observation - Créanciers - Déclaration des créances - Domaine d'application - Caution - Recours contre la sous-caution - Portée.

CAUTIONNEMENT - Caution - Pluralité de cautions - Recours de la caution ayant acquitté la dette - Action contre la sous-caution - Redressement judiciaire du débiteur principal - Portée

Une caution qui a déclaré sa créance avant paiement au redressement judiciaire du débiteur principal peut se retourner contre la sous-caution après le paiement effectué par elle au créancier, sans avoir à procéder à une nouvelle déclaration de créances.


Références :

Code civil 1147

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 13 juin 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 déc. 2003, pourvoi n°00-19993, Bull. civ. 2003 IV N° 208 p. 230
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2003 IV N° 208 p. 230

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot.
Avocat général : M. Lafortune.
Rapporteur ?: Mme Graff.
Avocat(s) : la SCP Thouin-Palat et Urtin-Petit, Me Choucroy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:00.19993
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