AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique commun au pourvoi principal de l'AGS et de l'UNEDIC et au pourvoi provoqué de M. Pierrel , ès qualités de mandataire à la liquidation judiciaire de la société OVPVM :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 février 2001), qu'un jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 16 octobre 1995 devenu définitif a décidé que les licenciements pour motif économique des salariés de la société OVPVM, prononcés le 12 septembre 1991 par le liquidateur de ladite société, étaient sans cause réelle et sérieuse, alloué des dommages-intérêts à chacun d'eux et "dit que le GARP est tenu de garantir les droits des salariés dans la limite des plafonds légaux et réglementaires" ; que le GARP ayant fait l'avance des créances des salariés dans la limite du plafond 4, ceux-ci, soutenant que le plafond 13 de la garantie devait leur être appliqué, ont demandé à la juridiction prud'homale d'interpréter sa décision ; qu'un deuxième jugement rendu le 9 décembre 1996 a rejeté leur requête ; qu'ils ont porté leur demande devant le juge de l'exécution, lequel l'a rejetée par décision du 4
novembre 1997, également devenue définitive et prononcée au motif qu'aucune difficulté d'exécution n'était établie ; que Mme X... et vingt-six autres anciens salariés de la société OVPVM ont alors demandé la convocation de l'AGS et de M. Pierrel , ès qualités de liquidateur de la société, devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de Paris, par application des articles L. 621-127 et L. 621-128 du Code de commerce et à l'effet de faire juger que l'AGS doit garantir leurs créances dans la limite du plafond 13, conformément aux articles L. 143-11-8 et D. 143-2 du Code du travail ;
Attendu que l'AGS, l'UNEDIC et le liquidateur font grief à l'arrêt d'avoir fait droit à la demande des salariés, alors, selon le moyen :
1 / que se heurte au principe de l'unicité de l'instance prud'homale toute demande dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties, dès lors qu'elle est postérieure au dessaisissement du juge et que sa cause était connue avant ; que la question du plafond de garantie applicable est nécessairement dans la cause d'une instance destinée à fixer au passif de l'employeur, en présence de l'AGS, les créances des salariés ; qu'en disant que le refus de l'AGS d'appliquer le plafond 13 à la garantie des créances des salariés s'était révélé après le jugement du 16 octobre 1995, qui avait fixé celles-ci au passif de l'employeur et dit que l'AGS était tenue à garantie dans la limite des plafonds légaux, la cour d'appel a violé l'article R. 516-1 du Code du travail ;
2 / que se heurte au principe de l'autorité de la chose jugée toute demande dérivant du contrat de travail entre les mêmes parties, identique à une demande précédente et qui a été rejetée par une décision devenue définitive ; que la cour d'appel a constaté que le conseil de prud'hommes de Paris, par décision du 4 juillet 1996, avait débouté les salariés de leur requête en interprétation tendant à voir dire qu'il convenait d'appliquer le plafond 13, et que cette décision était définitive ; qu'en accueillant néanmoins la demande des salariés tendant à nouveau à voir déclarer le plafond 13 applicable à leurs créances, la cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'il résulte des articles L. 621-127 et L. 621-128 du Code de commerce que les salariés auxquels l'AGS refuse pour quelque cause que ce soit de régler tout ou partie d'une créance résultant d'un contrat de travail peuvent saisir du litige le conseil de prud'hommes et que ce litige est porté directement devant le bureau de jugement ; que la règle de l'unicité de l'instance, édictée par l'article R. 516-1 du Code du travail pour la procédure de règlement par voie de conciliation des différents qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail, n'est pas applicable au litige qui trouve son fondement dans le refus de l'AGS de garantir tout ou partie d'une créance salariale et qui n'est pas soumis à la procédure de conciliation ; que la cour d'appel, qui a décidé que les salariés étaient recevables en leurs demandes a légalement justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des pièces de la procédure que l'AGS ait invoqué l'autorité de la chose jugée par le jugement interprétatif du 4 juillet 1996 devant les juges du fond ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé en sa première branche qu'il est irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit en sa seconde branche ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne l'AGS de Paris, l'UNEDIC Délégation AGS-CGEA Ile-de-France Ouest aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin deux mille trois.