AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 7 février 2002) et les productions, que la Caisse d'épargne et de prévoyance de l'Est et du Nord de l'Ile-de-France, devenue la Caisse d'épargne Ile-de-France Nord, (la Caisse) a accordé en 1984 à M. et Mme X... un prêt de 450 000 francs ; qu'un juge de l'exécution, statuant sur leur demande de redressement judiciaire civil, a réaménagé le paiement des sommes dues et les a autorisés à s'acquitter de leur dette en plusieurs mensualités après réduction du taux d'intérêts contractuel ; que se prévalant du défaut de paiement de trois mensualités de remboursement, la Caisse a adressé aux époux X... une lettre recommandée les mettant en demeure de s'acquitter du solde du prêt puis leur a signifié un commandement à fin de saisie immobilière ; qu'estimant que la banque avait commis un abus de droit en prononçant la déchéance du terme, M. et Mme X... ont assigné la Caisse afin d'obtenir, notamment, sa condamnation à leur payer des dommages-intérêts ; que la Caisse a demandé reconventionnellement le paiement du solde du prêt ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande et de les avoir condamnés à payer à la Caisse une certaine somme alors, selon le moyen :
1 / que seul le juge de l'exécution, après avoir appelé tous les créanciers intéressés, peut constater que le plan qu'il a arrêté est devenu caduc et prendre alors les mesures appropriées ; qu'en jugeant que la Caisse pouvait de son propre chef constater la caducité du plan et reprendre ainsi les poursuites en vertu de son titre, la cour d'appel a violé les articles L. 331-3, L. 331-7, L. 332-1 et L. 332-2 du Code de la consommation ;
2 / qu'un débiteur surendetté ne peut être privé du bénéfice des dispositions relatives au traitement des situations de surendettement que dans les cas limitativement énumérés à l'article L. 333-2 du Code de la consommation ; qu'en autorisant la Caisse à reprendre les poursuites contre les époux X... sans constater que ceux-ci auraient commis l'une des fautes mentionnées à ce texte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 333-2 susvisé ;
Mais attendu qu'après avoir rappelé, d'une part, que le jugement qui avait arrêté le plan de redressement disposait que, faute pour M. et Mme X... de respecter les termes du plan, les créanciers pourraient exercer les voies d'exécution conformément aux titres exécutoires obtenus, et ce après trois mensualités de remboursement demeurées impayées à leur échéance, et constaté, d'autre part, que les échéances de janvier à octobre 1995 n'avaient pas été payées au terme fixé par le plan, la cour d'appel, qui n'a pas prononcé à l'égard des époux X... la déchéance de l'article L. 333-2 du Code de la consommation, a justement décidé que ceux-ci ne pouvaient plus prétendre au bénéfice du plan et que la Caisse retrouvait ses droits de poursuite individuelle ;
Qu'il s'ensuit que le moyen, qui n'est pas fondé dans sa première branche, et manque en fait dans sa seconde, ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les avoir déboutés de leur demande et de les avoir condamnés à payer à la Caisse une certaine somme alors, selon le moyen, que le prélèvement, par le banquier créancier, des échéances de remboursement du prêt, postérieurement à la date à laquelle il s'est prévalu de la déchéance du terme caractérise, a priori, sa renonciation sans équivoque à se prévaloir de cette déchéance ; d'où il suit qu'en se bornant à affirmer, pour retenir qu'il n'y avait pas eu renonciation du banquier, que les sommes réglées malgré la déchéance du terme servaient seulement à réduire la créance, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif d'ordre général, n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ;
Mais attendu que, justifiant légalement sa décision, la cour d'appel a pu retenir que le prélèvement des échéances au delà de la date à laquelle la banque s'est prévalue de la déchéance du plan ne suffit pas à considérer que celle-ci entendait renoncer à cette déchéance, ces sommes réglées malgré la déchéance du terme servant seulement à réduire la créance ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les avoir condamnés à payer à la Caisse la somme de 440 367,02 francs augmentés des intérêts contractuels alors, selon le moyen :
1 / qu'il ressort du commandement afin de saisie immobilière adressé aux débiteurs le 12 décembre 1995 que le principal de 440 367,02 francs, dû au titre du prêt, en octobre 1995, comprenait, notamment les " échéances impayées (du 25.01.95 au 25.09.95 61 216.49 francs) " ; que les intimés soutenaient, en page 5 de leurs conclusions signifiées le 2 août 2001 " que cette revendication est particulièrement malhonnête et infondée puisque la Caisse a procédé à des prélèvements sur le compte des époux X... qui viennent couvrir les échéances des mois de janvier 1995 à juin 1995, selon les décomptes établis par la Caisse elle-même, et qu'elle a prélevé le 10 octobre 1995 la somme de 12 751,28 francs suffisante à couvrir les échéances des mois de juillet, août et septembre 1995 " ; d'où il suit qu'en se bornant à affirmer que le principal restant dû en octobre 1995 était de 440 367,02 francs, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions qui critiquaient expressément le calcul de cette somme, violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
2 / que, tenue de tirer de ses propres constatations les conséquences légales qui en découlaient, la cour d'appel, qui relevait expressément que, selon le décompte du créancier, les débiteurs avaient versé, depuis le 11 octobre 1995, 72 251 francs, ne pouvaient, sans davantage s'en expliquer, les condamner néanmoins à payer la somme de 440 367,02 francs, correspondant au capital dû à cette date, avec les intérêts à compter du 12 octobre 1995 ; d'où il suit qu'en statuant comme ci-dessus, elle n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ;
3 / qu'en condamnant les époux X... à payer la somme de 440 367,02 francs avec intérêts au taux contractuel à compter du 12 octobre 1995, ce qui correspond en réalité à la somme de 808 954,21 francs alors que la Caisse réclamait la somme de 670 629,73 francs arrêtée au 18 octobre 2001, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
4 / qu'en affirmant que la banque sollicitait la condamnation des débiteurs au paiement de la somme de 440 367,02 francs avec intérêts au taux contractuel depuis le 12 octobre 1995, puis en énonçant qu'elle réclamait le paiement de la somme de 670 629,73 francs, selon décompte arrêté au 18 octobre 2001, la cour d'appel se serait contredite, violant ainsi l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, répondant aux conclusions, l'arrêt relève, en des énonciations exemptes de contradiction, que la Caisse produit un décompte arrêté au 18 octobre 2001, que les débiteurs n'ont à aucun moment contesté dans leurs conclusions, prenant en compte les versements intervenus depuis la déchéance du terme au 11 octobre 1995, à hauteur de 72 251 francs et qu'il en ressort que, sur le principal dû au titre du prêt, de 440 367,02 francs en octobre 1995, indemnités de résiliation comprises à hauteur de 25 389,66 francs, les intérêts ont repris leur cours au taux contractuel de 13,95% ;
Et attendu que s'il a été adjugé plus qu'il n'a été demandé, il appartient à la partie à laquelle cette décision fait grief de saisir la juridiction qui a statué ; que ce grief ne donne pas ouverture à cassation ;
D'où il suit que, pour partie irrecevable, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette toutes les demandes présentées de ce chef ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, signé et prononcé par M. Séné, conseiller le plus ancien, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du nouveau Code de procédure civile, en l'audience publique du vingt-trois septembre deux mille quatre.