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28/06/2022 | FRANCE | N°460571

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 28 juin 2022, 460571


Vu la procédure suivante :

SNCF Réseau a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, de prescrire une expertise en vue d'évaluer la nature et le montant des préjudices qu'elle a subis résultant des dommages causés aux voies, à l'infrastructure ferroviaire et à leurs accessoires par le déraillement d'un convoi ferroviaire le 16 juin 2021. Par une ordonnance n° 2101557 du 20 septembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a f

ait droit à cette demande et a désigné un expert.

Par une ordonnance n°...

Vu la procédure suivante :

SNCF Réseau a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, de prescrire une expertise en vue d'évaluer la nature et le montant des préjudices qu'elle a subis résultant des dommages causés aux voies, à l'infrastructure ferroviaire et à leurs accessoires par le déraillement d'un convoi ferroviaire le 16 juin 2021. Par une ordonnance n° 2101557 du 20 septembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a fait droit à cette demande et a désigné un expert.

Par une ordonnance n°s 21NC02675, 21NC02680, 21NC02699 du 5 janvier 2022, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a, sur appels des sociétés Prayon, Europorte France, QBE Insurance Europe limited et Helvetia compagnie suisse d'assurances, annulé cette ordonnance en tant qu'elle a omis de statuer sur les conclusions relatives à l'évaluation des préjudices subis par les autres parties et intervenantes à l'instance que SNCF Réseau, étendu la mission de l'expert à l'évaluation des préjudices de l'ensemble des parties et intervenantes présentes à l'expertise et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Par un pourvoi, enregistré le 18 janvier 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés VTG France VTG Rail Europe GmbH, VTG Rail Logistics France et VTG Deutschland GmbH demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance en tant qu'elle a rejeté leurs conclusions d'appel ;

2°) statuant en référé, de faire droit à leurs conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge des sociétés SNCF Réseau, Europorte France, QBE Insurance Europe limited, Sleepy Yachttransport GmbH, Mecklenburgische Versicherungsgruppe, Polymer Compounds, Transport Europe Services, Helvetia compagnie suisse d'assurances et Prayon la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive (UE) 2016/798 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Mélanie Villiers, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Soltner, avocat des sociétés VTG Rail Europe GmbH, Rail Europe Gmbh France, Rail Logistics France Vtg Rail Logistics France et VTG Deutschland GmbH, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SNCF Réseau et à la SCP Duhamel - Rameix - Gury - Maître, avocat de la société Transport Europe services ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy que, dans la nuit du 16 juin 2021, un convoi routier de la société Sleepy Yacht et Spezial Transport GmbH est resté immobilisé sur la voie ferrée sur le passage à niveau 17, situé sur le territoire de la commune de Rumigny (Ardennes). Il a été percuté par un convoi ferroviaire de fret, composé de wagons appartenant à la société Europorte et transportant de l'acide phosphorique pour le compte de la société Prayon. Par ordonnance du 20 septembre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prescrit, à la demande de SNCF Réseau, une expertise aux fins de déterminer les causes du sinistre, ainsi que les désordres affectant l'ouvrage public et de recenser les préjudices invoqués par SNCF Réseau et d'en évaluer le montant. Sur appels des sociétés Prayon, Europorte France, QBE Insurance Europe limited et Helvetia compagnie suisse d'assurances, la présidente de la cour administrative d'appel de Nancy a, par l'ordonnance attaquée, étendu la mission de l'expert à l'évaluation des préjudices de l'ensemble des parties et intervenantes présentes à l'expertise et rejeté, notamment, les conclusions d'appel présentées par la société VTG France et autres tendant à ce soit admise l'intervention de la société VTG Rail Europe GmbH et sa mise en cause dans les opérations d'expertise. Eu égard aux moyens invoqués, le pourvoi des sociétés VTG France et autres doit être regardé comme dirigé contre l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a rejeté les conclusions d'appel de la société VTG Rail Europe GmbH dirigées contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif en tant que celui-ci a refusé d'admettre son intervention volontaire et sa mise en cause dans les mesures d'expertise qu'il a ordonnées.

Sur le pourvoi :

2. L'intérêt à se pourvoir en cassation s'apprécie par rapport au dispositif de la décision juridictionnelle critiquée. Par suite, les sociétés requérantes sont recevables à contester l'ordonnance qu'elles attaquent en tant qu'elle a rejeté une partie de leurs conclusions d'appel. La fin de non-recevoir opposée par SNCF Réseau doit donc être écartée.

3. Aux termes de l'article R. 533-1 du code de justice administrative : " L'ordonnance rendue en application du présent titre par le président du tribunal administratif ou par son délégué est susceptible d'appel devant la cour administrative d'appel dans la quinzaine de sa notification ". En application de l'article R. 811-5 du même code, ce délai est augmenté du délai de distance de deux mois prévu au troisième alinéa de l'article R. 421-7 pour les personnes qui demeurent à l'étranger.

4. Il ressort des pièces de la procédure que l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif a été notifiée individuellement à chacune des quatre sociétés requérantes, intervenantes en première instance. Cette notification à la société VTG Rail Europe GmbH, à son siège à Hambourg, est intervenue le 1er octobre 2021. Cette date constitue ainsi le point de départ, pour ce qui la concerne, du délai de recours contre cette ordonnance. Ainsi qu'il est dit au point précédent, étant domiciliée à l'étranger, elle bénéficie d'un délai de distance de deux mois s'ajoutant au délai de quinze jours prévu par l'article R. 533-1 du code de justice administrative. Par suite, en jugeant qu'étaient tardives les conclusions présentées par cette société par le mémoire enregistré le 30 novembre 2021, qui avaient en tout état de cause un caractère incident et n'étaient ainsi soumises à aucune condition de délai, l'auteure de l'ordonnance attaquée a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que les sociétés VTG France et autres sont fondées à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a rejeté les conclusions d'appel de la société VTG Rail Europe GmbH dirigées contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif en tant que celui-ci a refusé d'admettre son intervention volontaire et sa mise en cause dans les mesures d'expertise qu'il a ordonnées.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire dans cette mesure, au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur les conclusions d'appel incident de la société VTG Rail Europe GmbH :

7. Peuvent être appelées à une expertise ordonnée sur le fondement des dispositions de l'article R. 532-1 du code de justice administrative les personnes qui ne sont pas manifestement étrangères au litige susceptible d'être engagé devant le juge de l'action qui motive l'expertise.

8. Il résulte de l'instruction que la société VTG Rail Europe GmbH est identifiée comme le " détenteur ", au sens de la directive du 11 mai 2016 relative à la sécurité ferroviaire, des wagons impliqués dans le litige. A ce titre, bien qu'elle ne soit ni propriétaire, ni locataire des wagons, elle n'est pas, contrairement à ce qu'a retenu le juge des référés du tribunal administratif, manifestement étrangère au litige. Il peut, dès lors, être donné suite à sa demande d'être appelée aux opérations d'expertise.

9. Il résulte de ce qui précède que la société VTG Rail Europe GmbH est fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a refusé d'admettre son intervention et de la mettre en cause dans les opérations d'expertise qu'il a ordonnées.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les sociétés requérantes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de ces sociétés qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés de la cour administrative d'appel de Nancy du 5 février 2022 est annulée en tant qu'elle a rejeté les conclusions d'appel incident de la société VTG Rail Europe GmbH dirigées contre l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif en tant que celui-ci a refusé d'admettre son intervention et sa mise en cause dans les mesures d'expertise qu'il a ordonnées.

Article 2 : L'intervention de la société VTG Rail Europe GmbH devant le juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est admise.

Article 3 : L'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif de Châlons -en -Champagne par une ordonnance du 20 septembre 2021 aura également lieu en présence de la société VTG Rail Europe GmbH.

Article 4 : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 20 septembre 2021 est réformée en ce qu'elle a de contraire à la présente décision.

Article 5 : Les conclusions présentées par SNCF Réseau au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que le surplus des conclusions du pourvoi sont rejetés.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société VTG France, représentante unique, pour l'ensemble des requérantes, ainsi qu'à SNCF Réseau.

Copie en sera adressée aux sociétés Europorte France, QBE Insurance Europe limited, Sleepy Yachttransport GmbH, Mecklenburgische Versicherungsgruppe, Polymer Compounds, Transport Europe Services, Prayon et Helvetia compagnie suisse d'assurances, ainsi qu'au service départemental d'incendie et de secours des Ardennes et à M. A... B..., expert.

Délibéré à l'issue de la séance du 2 juin 2022 où siégeaient : M. Olivier Japiot, président de chambre, présidant ; M. Benoît Bohnert, conseiller d'Etat et Mme Mélanie Villiers, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 28 juin 2022.

Le président :

Signé : M. Olivier Japiot

La rapporteure :

Signé : Mme Mélanie Villiers

La secrétaire :

Signé : Mme Pierrette Kimfunia


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 460571
Date de la décision : 28/06/2022
Type d'affaire : Administrative

Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 2022, n° 460571
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Mélanie Villiers
Rapporteur public ?: Mme Mireille Le Corre
Avocat(s) : SOLTNER ; SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP DUHAMEL - RAMEIX - GURY- MAITRE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:460571.20220628
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