Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... G..., Mme H... G..., M. A... G..., M. L... G..., M. M... G... et Mme E... G..., reprenant l'instance présentée par Mme J... G..., ont demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner le centre hospitalier Jacques Lacarin de Vichy à leur verser la somme totale de 54 212,22 euros au titre des préjudices subis du fait de fautes médicales commises lors de la prise en charge de Mme J... G... par cet établissement en août 2012, somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable et de la capitalisation des intérêts.
Par un jugement n° 1501046 du 27 mars 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier Jacques Lacarin de Vichy à verser à M. B... G..., Mme H... G..., M. A... G..., M. F... G..., M. M... G..., Mme E... G... la somme de 3 201,50 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2016 et de la capitalisation des intérêts, a mis les frais d'expertise d'un montant de 3 600 euros à la charge définitive du centre hospitalier Jacques Lacarin de Vichy et a rejeté le surplus des conclusions de la requête présentée par les consorts G....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 22 mai 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 18 mars 2019, M. B... G..., Mme H... G..., M. A... G..., M. L... G..., M. M... G... et Mme E... G..., représentés par Me I..., demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement du 27 mars 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leur demande ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Vichy à leur verser la somme totale de 54 389,32 euros en réparation des préjudices subis lors de la prise en charge de Mme J... G... en août 2012 après application d'un taux de perte de chance de 80 %, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2015 et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Vichy la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- sur la régularité du jugement : en fixant le taux de perte de chance à 20%, les premiers juges ont insuffisamment motivé la décision faute d'avoir précisé les éléments sur lesquels ils se sont fondés pour fixer ce taux ; les premiers juges n'ont pas tenu compte des observations du docteur Gandon qui a démontré que le taux de perte de chance de survie devait être évaluée à 80 % ;
- si les premiers juges ont retenu la responsabilité du centre hospitalier de Vichy en raison de l'absence d'analyse anatomopathologique des tissus prélevés, ils ont considéré, à tort, que l'absence de respect des procédures post-opératoires de suivi de la patiente ne présentait aucun lien de causalité avec l'aggravation des séquelles subies par Mme G... ; l'établissement hospitalier a commis trois manquements fautifs à l'origine d'un retard de diagnostic ; Mme G... n'a pas bénéficié de la visite post-opératoire avant son retour à domicile qui aurait permis de confirmer que le prélèvement avait été adressé au service d'analyse ; la sortie de l'établissement ne s'est accompagnée d'aucune prescription ou de suivi post-opératoire ; le défaut d'information quant aux résultats médicaux attendus a privé Mme J... G... d'une chance de recevoir des soins immédiatement ; le dossier médical de Mme G... ne comporte ni compte rendu opératoire ni courrier au médecin traitant qui aurait permis au chirurgien de vérifier si le retour du prélèvement présentait ou non une anomalie ;
- l'expert judiciaire n'a pas fixé de taux de perte de chance ; le centre hospitalier de Vichy concluait à un pourcentage de perte de chance fixé à 50 % ; le taux de perte de chance peut être évalué en tenant compte des observations du docteur Gandon contredisant l'expertise judiciaire qui indique que Mme G... présentait déjà en août 2012 un cancer de stade IV ; l'expert ne démontre pas que Mme G... présentait déjà un cancer de stade IV ; il ressort de la classification " International Federation of Gynecology and Obstetrics " que le pronostic du cancer de l'ovaire dépend de la précocité du diagnostic, du stade évolutif et du type et grade histologique ; la manifestation clinique constatée en juillet 2012 chez Mme G... devait être regardée comme une métastase cutanée abdominale classée au stade III ; en août 2012, elle ne présentait aucun symptôme de sa maladie pouvant laisser envisager un diagnostic de stade IV ; elle est passée d'une stadification de classe III en août 2012 à celle de stade IV en juin 2013 avec un pronostic vital passé de 25 à 5 %, soit une perte de chance de 80 % puisque ses chances de survie ont été divisées par 5 ;
- s'agissant des préjudices ; Mme G..., accompagnée de sa belle-mère, a utilisé son véhicule personnel pour se rendre à l'expertise du professeur Maingon à Dijon le 7 octobre 2014 et a exposé des frais à hauteur de 274,89 euros ; elle a engagé des frais de conseil et d'assistance pour l'expertise pour un montant de 480 euros et de 1 440 euros ; elle a été assistée au quotidien par sa belle-mère du 5 janvier au 28 juin 2013 à hauteur de 2 heures par jour pendant cette période avec un coût horaire de 15 euros, soit un total de 5 700 euros ; après le diagnostic de cancer, elle a également eu besoin de l'assistance d'une tierce personne jusqu'à son décès à hauteur de 2 heures par jour au coût horaire de 15 euros soit un total de 33 960 euros ; l'indemnisation de l'incidence professionnelle sera évaluée à 2 500 euros avant application du taux de perte de chance ; elle a subi une perte nette de salaire évaluée à 2 062,84 euros avant application du taux de perte de chance ; le déficit fonctionnel temporaire sera évalué à 3 908,85 euros ; les souffrances endurées devront être évaluées à 3 sur une échelle de 7 et seront évaluées à 6 000 euros avant application du taux de perte de chance ; le préjudice esthétique sera évalué à 8 000 euros avant application du taux de perte de chance ; le préjudice sexuel sera évalué à 15 000 euros avant application du taux de perte de chance.
Par un mémoire, enregistré le 4 février 2019, le centre hospitalier Jacques Lacarin de Vichy, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à la confirmation du jugement du 27 mars 2018 du tribunal administratif de Clermond-Ferrand.
Il soutient que :
- s'agissant du défaut de motivation du jugement, les premiers juges se sont référés à l'ensemble des pièces produites par les parties ; au vu de l'intégralité des éléments du dossier médical et du rapport d'expertise, le tribunal administratif a retenu un taux de perte de chance de 20 % et la motivation du jugement permet de connaître les éléments pris en compte ; il faut admettre que le tribunal administratif n'a pas suivi les conclusions du médecin conseil en faisant expressément référence aux conclusions du professeur Maingon qui, dans le cadre de l'expertise, a répondu à l'argumentation du docteur Gandon ;
- il ne conteste pas le retard de diagnostic imputable au docteur Voitellier ;
- s'agissant de l'absence de prescription médicale délivrée à la sortie de l'hôpital, cette prescription n'est pas obligatoire et il appartient au praticien d'évaluer la nécessité de prescriptions médicales au regard de l'acte pratiqué ; en l'espèce, une prescription était inutile s'agissant de l'exérèse de granulome ne nécessitant aucun soin particulier ; l'absence d'examen pathologique des tissus prélevés le 21 août 2012 est la seule et unique cause du retard de diagnostic et de traitement du cancer de Mme G... ; les autres manquements n'ont eu aucune incidence sur la prise en charge dont elle a bénéficié ;
- le retard de diagnostic ne peut être qu'à l'origine d'une perte de chance qui doit être évaluée à hauteur de 20 % ; ce retard de diagnostic n'a pas entraîné de changement de stade de la pathologie cancéreuse de Mme G... dès lors que sa pathologie justifiait dès août 2012 une classification au stade IV et non au stade III ; l'évolution intra-abdominale est strictement due à l'évolution spontanée de la pathologie que Mme G... présentait ; il ne peut être établi que l'examen d'anatomopathologie, s'il avait été réalisé, aurait de toute évidence permis de diagnostiquer le cancer ovarien ; il n'a jamais conclu à l'existence d'une perte de chance de survie de 50% mais à l'existence d'une perte de chance d'éviter l'extension mammaire de la pathologie à hauteur de 50 % ;
- sur les préjudices : le besoin d'assistance par une tierce personne est uniquement dû à la pathologie initiale de Mme G... ; les requérants n'établissent pas l'existence de pertes de revenus futurs spécifiques et d'une incidence professionnelle causée par la faute du centre hospitalier ; les premiers juges n'ont pas retenu l'existence de postes de préjudice extrapatrimonial permanent eu égard à la date de consolidation retenue, à savoir la date du décès de Mme G... ; le préjudice sexuel est pris en compte dans l'évaluation du déficit fonctionnel temporaire déjà indemnisé.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,
- et les observations de Me K..., représentant le centre hospitalier Jacques Lacarin de Vichy.
Considérant ce qui suit :
1. Mme J... G..., née le 5 mars 1977, a présenté, en juin 2012, une rougeur associée à une tuméfaction affleurant le nombril. Le 16 août 2012, elle a été examinée par le docteur Voitellier, chirurgien viscéral et digestif exerçant au sein du centre hospitalier de Vichy, qui lui a prescrit l'application d'un traitement antimycotique après avoir noté l'existence d'un " granulome suppuratif au niveau de l'ombilic ". En l'absence d'amélioration de son état, le 23 août 2012, Mme G... a fait l'objet d'une intervention dans le secteur de chirurgie ambulatoire du centre hospitalier de Vichy consistant en l'ablation du granulome. Elle a été autorisée le jour même à regagner son domicile. A la suite de douleurs scapulaires droites associées à des douleurs hémi-thoraciques droites, puis de douleurs intestinales, elle a fait l'objet, le 7 mars 2013, d'une IRM révélant une masse de 3 cm., en continuité avec l'utérus, faisant suspecter un fibrome utérin. Divers examens pratiqués en juin 2013 ont mis en évidence la présence d'une masse ombilicale de 20 x 25 mm. vascularisée, associée à une adénopathie inguinale gauche de 20 mm. de grand axe. La mammographie combinée à une échographie mammaire a retrouvé une formation hypoéchogène au contact de la glande et deux seins très denses. Un nouvel examen a permis de mettre en évidence l'existence d'un nodule ombilical tissulaire, d'éléments nodulaires de la paroi thoracique antérieure, de nodules intramusculaires visibles dans la région pectorale du muscle grand droit et d'une masse latéro-ovarienne gauche de 3 cm. de grand axe. Le 28 juin 2013, un bilan sénologique a confirmé que Mme G... présentait un adénocarcinome papillaire séreux d'origine ovarienne avec une extension notamment mammaire bilatérale et le diagnostic du cancer de l'ovaire, grade 1 stade 4, a été posé. A compter du 5 juillet 2013, Mme G... a été placée sous chimiothérapie avec un suivi effectué au sein du centre Jean Perrin, centre de lutte contre le cancer d'Auvergne. Imputant les préjudices subis à une erreur de diagnostic et à un manquement résultant de l'absence d'analyse histologique de la masse tumorale ombilicale retirée le 23 août 2012, Mme J... G... a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à ce qu'une expertise médicale soit ordonnée. Par une ordonnance du 24 juillet 2014, le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a désigné le professeur Maignon, oncologue, en qualité d'expert. Celui-ci a déposé son rapport le 29 janvier 2015. Le 3 août 2016, Mme G... est décédée. Par un jugement du 27 mars 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné le centre hospitalier Jacques Lacarin de Vichy à verser à M. B... G..., Mme H... G..., M. A... G..., M. F... G..., M. M... G..., Mme E... G..., qui ont repris l'instance engagée par Mme J... G..., la somme de 3 201, 50 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2015 et de la capitalisation des intérêts, a mis les frais d'expertise d'un montant de 3 600 euros à la charge définitive du centre hospitalier Jacques Lacarin de Vichy et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Les consorts G... relèvent appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à leur demande indemnitaire.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les premiers juges ont suffisamment exposé les raisons qui les ont conduits à fixer le taux de perte de chance à hauteur de 20% en retenant les éléments figurant au dossier médical de Mme G... et les caractéristiques du cancer dont elle était atteinte, qualifié d'extrêmement agressif. Si les premiers juges n'ont pas expressément fait référence à l'avis critique du docteur Gandon, ils l'ont implicitement mais nécessairement examiné dès lors que l'expertise du professeur Maingon a répondu aux dires du docteur Gandon et a notamment réfuté le taux de perte de chance estimé à 80% par le docteur Gandon en relevant que " le calcul proposé reposant sur les hypothèses de migration d'un stade à un autre ne peut être retenu ". Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé doit être écarté.
Sur la responsabilité du centre hospitalier de Vichy :
3. Les premiers juges ont relevé l'existence d'une faute médicale, qui n'est pas contestée en défense, tirée de ce que le chirurgien viscéral et digestif du centre hospitalier de Vichy a décidé de ne pas procéder à une analyse anatomopathologique des tissus prélevés à la suite de l'exérèse de la grosseur au nombril en méconnaissance des règles de bonnes pratiques cliniques et ont estimé que cette faute médicale a été à l'origine d'un retard de diagnostic et d'un retard de traitement du cancer de l'ovaire dont Mme G... était atteinte.
4. Les consorts G... font valoir que l'établissement hospitalier a également commis d'autres manquements fautifs dès lors que Mme G... n'a pas bénéficié de la visite post-opératoire avant son retour à domicile qui aurait permis de confirmer que le prélèvement avait été adressé au service d'analyse, que la sortie de l'établissement ne s'est accompagnée d'aucune prescription ou de suivi post-opératoire et que son dossier médical ne comporte ni compte-rendu opératoire ni courrier au médecin traitant qui aurait permis au chirurgien de vérifier si le retour du prélèvement présentait ou non une anomalie.
5. S'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise du professeur Maingon que Mme G... n'a pas bénéficié d'une visite chirurgicale post-opératoire avant son retour à domicile, n'a pas été recontactée 24 h après l'intervention par l'un des soignants de l'équipe et que son dossier médical ne comporte pas de compte-rendu opératoire ni de courrier adressé au médecin traitant de la patiente, il n'est pas établi que les manquements ainsi constatés seraient distincts de la faute médicale initiale retenue par les premiers juges et tirée de l'absence d'analyse anatomopathologique des tissus prélevés à la suite de l'exérèse de la grosseur au nombril et auraient eu pour conséquence une aggravation du retard dans le diagnostic et le traitement du cancer de l'ovaire de la patiente. Par ailleurs, le professeur Maingon précise que le docteur Voitellier a décidé, en se contentant de l'examen de l'aspect macroscopique de la lésion et de son caractère isolé survenant chez une patiente jeune, de ne pas suivre les bonnes pratiques cliniques prévues lors d'actes d'exérèse de lésions superficielles de la peau et consistant en une analyse anatomopathologique des tissus prélevés et, par suite, il n'est pas établi que les manquements en cause auraient pu permettre de détecter une métastase cutanée révélatrice d'un cancer ovarien. Les consorts G... n'établissent pas davantage que l'absence de prescription ou de suivi post-opératoire de l'exérèse de la grosseur au nombril à la sortie de l'établissement serait en lien avec les préjudices subis liés au retard de diagnostic et de traitement du cancer de l'ovaire dont Mme G... était atteinte.
6. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen. ".
7. En application de ces dispositions, doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte. Il s'ensuit que les requérants, qui se bornent à soutenir que Mme G... n'a pas été informée des résultats médicaux attendus et a ainsi été privée d'une chance de recevoir des soins dans les meilleurs délais, ne peuvent rechercher la responsabilité du centre hospitalier de Vichy sur le fondement du défaut d'information des risques connus d'un acte médical.
8. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité du centre hospitalier de Vichy ne peut être recherchée qu'en raison de la faute commise et tirée de l'absence d'une analyse anatomopathologique des tissus prélevés à la suite de l'exérèse de la grosseur au nombril.
Sur l'évaluation des préjudices subis par Mme G... :
En ce qui concerne la perte de chance :
9. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou du traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.
10. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le professeur Maingon s'est interrogé sur la révélation d'une maladie à un stade localement avancé avec un envahissement péri-ombilical et/ou cutané ou hypodermique. A ce titre, il a précisé que " le temps de latence entre l'ablation de l'anomalie ombilicale le 23 août 2012 et la résurgence clinique permettant d'établir le diagnostic de la maladie en juin 2013 peut s'expliquer par le bas grade de la tumeur. En conséquence, si une perte de chance doit incontestablement être évoquée dans la genèse de la situation clinique actuelle, cette perte de chance ne s'accompagne pas de conséquence majeure sur les perspectives d'évolution spontanée de l'affection dont la patiente souffre. (...) L'absence d'analyse anatomopathologique de l'exérèse de l'anomalie péri-ombilicale a exposé la patiente à une perte de chance d'un diagnostic plus précoce de sa maladie et ne lui a pas permis d'éviter une extension extra-abdominale étendue d'une maladie avancée lors de la prise en charge initiale par chimiothérapie. " et a ajouté " qu'un traitement plus précoce aurait pu prévenir une extension de cette affection hors de la cavité abdominale ". En réponse au dire du docteur Gandon qui indique, sans expliciter son raisonnement, " en passant d'une stade III (lésion ombilicale initiale) dont le diagnostic aurait pu être établi en août 2012 à un stade IV (métastases viscérales) diagnostiqué en juin 2013, Mme G... a vu son pronostic vital passé de 25 % à 5 % soit une perte de chance de plus de 80 % correspondant à la division par un facteur 5 de ses chances de survie ", le professeur Maingon a indiqué, sans être sérieusement contredit, que " la remarque concernant l'absence d'anomalie cliniquement perceptible de la maladie au moment de l'exérèse du nodule péri-ombilical ne permet pas d'exclure l'hypothèse d'une maladie au stade métastatique microscopique infra-clinique non décelable lors de ce même examen. Les commentaires ultérieurs proposés par le docteur Gandon sur la stadification de la maladie ne sont pas recevables. Ils sont basés sur une confusion entre la stadification initiale de la maladie et le profil évolutif de celle-ci. Il n'est pas autorisé dans l'utilisation de la stadification de la maladie de modifier le stade initial de présentation. Il faut préciser que, lors du diagnostic initial, même si celui-ci est établi sur la notion d'une métastase cutanée et péri-ombilical enlevée par le docteur Voitellier en août 2012, la maladie aurait été classée en stade IV ". Par suite, et alors que les éléments produits par les requérants ne permettent pas d'établir que le cancer ovarien dont souffrait Mme G... était de stade III en août 2012, l'absence d'analyse anatomopathologique de l'exérèse de la grosseur ombilicale a fait perdre à Mme G... une chance d'un diagnostic plus précoce du cancer ovarien de stade IV dont elle était atteinte en août 2012 et qui n'a été diagnostiqué que le 28 juin 2013 et d'éviter une extension extra-abdominale de la maladie. Eu égard à l'ampleur de la faute commise par le centre hospitalier de Vichy et à son rôle dans la survenance du décès de Mme G... et en tenant compte du cancer ovarien de stade IV dont elle était atteinte à la date de l'intervention du 23 août 2012, il sera fait une juste appréciation de la part de responsabilité du centre hospitalier de Vichy en la fixant à 20% des préjudices subis, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges. Par suite, l'ampleur de la perte de chance d'éviter une aggravation de son état retenue étant de 20%, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Vichy la réparation de cette fraction du dommage corporel.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
Quant aux frais divers :
11. Mme G... a justifié de frais d'assistance à l'expertise par le docteur Gandon pour des montants de 480 et 1 440 euros. Les frais de transport de 274,89 euros correspondant au trajet pour se rendre aux opérations d'expertise ne sont pas contestés par le centre hospitalier de Vichy. Par suite, il y a lieu de porter la somme allouée à ce titre par les premiers juges de 439 euros à 2 194,89 euros.
Quant à l'assistance par une tierce personne :
12. les requérants font valoir que Mme G... a été assistée à raison de deux heures par jour par sa belle-mère du 5 janvier au 28 juin 2013 et après le diagnostic de cancer ovarien. Toutefois, le professeur Maingon a estimé que la perte de chance ne s'accompagne pas de conséquence majeure sur les perspectives d'évolution spontanée du cancer ovarien de stade IV dont souffrait la patiente dès août 2012. Par suite, les consorts G... n'établissent pas l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre le retard de diagnostic et le préjudice résultant du recours à l'assistance par une tierce personne du 5 janvier au 28 juin 2013 et après le diagnostic du cancer.
Quant à la perte de revenus et à l'incidence professionnelle :
13. Les requérants font valoir que Mme G... a perçu un plein traitement en qualité d'agent territorial de la région Auvergne jusqu'au mois de juin 2014, puis un demi-traitement. Par arrêté du 8 septembre 2015, Mme G... a été placée en congé de longue maladie du 17 au 30 septembre 2015 pour une durée renouvelable de 14 jours rémunérés à demi-traitement. Toutefois, et compte tenu des perspectives d'évolution spontanée du cancer ovarien de stade IV dont souffrait la patiente dès août 2012, les consorts G... n'établissent pas l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre le retard de diagnostic et la perte de revenus ainsi que l'incidence professionnelle. Par suite, ces chefs de préjudice ne peuvent être accueillis.
En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :
Quant au déficit fonctionnel temporaire :
14. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que le professeur Maingon indique que la justification du taux de déficit fonctionnel estimé à 15% tient compte de l'extension cutanée importante et inhabituelle constatée lors du diagnostic définitif. En fixant à la somme de 562,50 euros le montant du préjudice subi pour la période du 17 juin 2013, date du diagnostic de cancer de l'ovaire, au 3 août 2016, date du décès de Mme G..., et tenant compte du taux de perte de chance retenu, les premiers juges ont fait une évaluation de ce préjudice, qui comprend le préjudice sexuel, qui n'est ni excessive ni insuffisante.
Quant aux souffrances endurées :
15. Il résulte de l'instruction que les souffrances endurées ont été évaluées par l'expert à 1 sur une échelle de 7. L'extension de la maladie de Mme G... a entraîné des souffrances qui ont été évaluées par les premiers juges à la somme de 6 000 euros. Cette évaluation n'est pas contestée. Par suite, en fixant à 1 200 euros le montant de ce préjudice et tenant compte du taux de perte de chance retenu, les premiers juges ont fait une juste évaluation de ce préjudice.
Quant au préjudice esthétique :
16. Il résulte de l'instruction que le préjudice esthétique permanent a été évalué par l'expert à 4 sur une échelle de 7. En fixant à 1 000 euros le montant du préjudice subi et tenant compte du taux de perte de chance retenu, les premiers juges ont fait une évaluation de ce préjudice qui n'est pas insuffisante.
17. Il résulte de tout ce qui précède que les consorts G... sont seulement fondés à demander que l'indemnité de 3 201,50 euros que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a mis à la charge du centre hospitalier de Vichy soit portée à la somme de 4 957,39 euros.
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
18. Les consorts G... ont droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 4 957,39 euros à compter de la date de réception de la réclamation indemnitaire préalable par le centre hospitalier de Vichy, le 21 mai 2015. Le 21 mai 2016, il était dû au moins une année d'intérêts. Les consorts G... ont droit à la capitalisation des intérêts à compter du 21 mai 2016 puis à chaque échéance annuelle ultérieure.
Sur les dépens :
19. Il y a lieu de mettre à la charge définitive du centre hospitalier de Vichy les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 3 600 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 12 février 2015.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
20. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Vichy une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par les consorts G... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La somme de 3 201,50 euros que le centre hospitalier de Vichy a été condamné à verser aux consorts G... par le jugement du 27 mars 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est portée à la somme de 4 957,39 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2015. Les intérêts échus à la date du 21 mai 2016, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 3 600 euros par ordonnance du président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 12 février 2015 sont mis à la charge définitive du centre hospitalier de Vichy.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le centre hospitalier de Vichy versera aux consorts G... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... G..., Mme H... G..., M. A... G..., M. L... G..., M. M... G... et Mme E... G..., au centre hospitalier de Vichy, à la MGEN, à la région Auvergne-Rhône-Alpes et à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2020, à laquelle siégeaient :
M. Pommier, président de chambre,
M. Drouet, président assesseur,
Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 25 juin 2020.
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N° 18LY01905