Vu la requête, enregistrée le 4 juin 2012 présentée pour la commune de La Tronche, représentée par son maire en exercice, domicilié ...;
La commune de La Tronche demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0801101-0903299 du 30 mars 2012 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à ce que soit déclarée infondée l'exclusion de garantie opposée par la société AXA Protection financière à sa déclaration de sinistre concernant les dommages causés à la copropriété de l'immeuble Les Hespérides par les travaux publics de stabilisation du quai Charpenay ;
2°) de déclarer infondée l'exclusion de garantie opposée par la société AXA Protection financière à sa déclaration de sinistre ;
3°) de condamner la société AXA Protection financière à la garantir des condamnations prononcées à son encontre pour les dommages survenus pendant la période de garantie, du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, par le jugement n° 0802765 du Tribunal administratif de Grenoble ;
4°) de mettre à la charge de la société AXA Protection financière la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- dès lors que le contrat d'assurance souscrit prévoyait une garantie s'agissant des conséquences pécuniaires que l'assuré pouvait encourir en raison des dommages, notamment matériels, causés aux tiers du fait, en particulier, des biens immobiliers sur lesquels ou dans l'environnement desquels le souscripteur effectue des prestations ou qui lui sont confiés dans le cadre de l'activité communale, notamment l'entretien et la maintenance des bâtiments et équipements communaux et de la voirie, la société AXA est infondée à opposer une dénonciation de garantie, s'agissant de dommages de travaux publics causés à des tiers pour la réalisation de travaux ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté l'argumentation selon laquelle les travaux à l'origine du sinistre dépassaient par leur ampleur les opérations d'entretien et de maintenance de la voirie mentionnées dans le contrat ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'assureur était fondé à exciper de la faute prétendument commise par la commune en ne prononçant pas la réception des travaux avec réserves à l'égard de son cocontractant, au regard des dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances, alors qu'elle n'a commis aucune faute au regard de ces dispositions, dès lors que les réserves ne peuvent être émises qu'au regard des désordres affectant l'ouvrage et non au regard des dommages causés aux tiers, et qu'il ne peut lui être reproché l'absence de clause dans les contrats avec les constructeurs chargés des travaux lui permettant de rechercher leur responsabilité contractuelle nonobstant la réception des travaux sans réserve ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 31 août 2012, présenté pour la compagnie AXA France IARD, qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce que la société Spie Fondations ou la société Seralp Infrastructure soit condamnée à la relever et garantir des condamnations qui seraient prononcées à son encontre au profit de la commune de La Tronche, et à ce que soit mise à la charge de la commune de La Tronche la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- la garantie de la compagnie AXA n'est pas susceptible d'être acquise en application du contrat souscrit par la commune de La Tronche, en l'absence de tout aléa, dès lors que les litiges et sinistres liés au glissement du quai étaient connus et prévisibles lors de la signature du contrat, et s'agissant, en toute hypothèse, d'un dommage survenu en dehors du champ d'application du contrat, les travaux à l'occasion desquels les dommages sont survenus n'ayant aucun lien, en raison de leur ampleur et de leur technicité, avec des travaux d'entretien courant relevant du champ d'application du contrat ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont fait droit à l'exception de subrogation, dès lors que c'est en raison du seul fait de la commune de La Tronche que la subrogation de son assureur ne pouvait plus s'opérer ;
- s'il n'était pas fait droit à sa position de non garantie, et si devait être infirmée la décision des premiers juges en ce qu'ils ont rejeté le recours de la commune contre les constructeurs, la demande de la commune de La Tronche dirigée contre la compagnie AXA deviendrait sans objet ;
- si la position des premiers juges de rejet de l'action récursoire dirigée contre les constructeurs devait être confirmée, devrait être également confirmée l'exception de subrogation soulevée en première instance ;
- la réception sans réserve ne peut priver la commune de La Tronche, ou son assureur subrogé dans ses droits, de son recours contractuel contre l'entreprise, dès lors que seul l'établissement du décompte général et définitif pourrait être de nature à faire obstacle à l'invocation par le maître de l'ouvrage des désordres causés à des tiers à l'occasion de la réalisation des travaux, alors qu'en l'espèce le décompte général n'a pas été accepté ;
- la responsabilité de l'entreprise Spie Fondations est entière et incontestable au regard des investigations de l'expert judiciaire ;
- la société Seralp Infrastructures est intervenue en qualité de maître d'oeuvre titulaire d'une mission complète, comprenant notamment l'assistance au maître d'ouvrage lors des opérations de réception, et elle aurait dû vérifier que les contrats d'entreprise lui ménageaient la possibilité de rechercher la responsabilité des cocontractants en cas de dommages causés aux tiers, ce qui n'a pas été le cas, ce manquement étant de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard de la commune de La Tronche ;
Vu l'ordonnance du 22 juillet 2013 fixant au 16 septembre 2013 la date de clôture de l'instruction ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réforme à caractère économique et financier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 février 2014 :
- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;
- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Fiat, avocat de la commune de la Tronche, et de Me Aubert-Moulin, avocat de la société AXA France Iard ;
1. Considérant qu'à l'occasion de travaux publics, entrepris par la commune de La Tronche, aux fins de stabilisation du quai Charpenay situé dans cette commune, et consistant en la réalisation d'un clouage vertical du sol au moyen de pieux, selon une variante béton, réalisée à la tarière creuse par la société Spie Fondations, des désordres sont apparus sur l'immeuble Les Hespérides, situé à proximité du chantier, après la réalisation de pieux entre le 23 et le 30 janvier 2006, sous la forme de fissures et d'affaissements dans certains appartements et certaines parties communes extérieures ; qu'en conséquence de ces désordres, le maire de La Tronche a pris, le 31 janvier 2006, un arrêté portant évacuation d'une partie de l'immeuble dans le cadre d'une procédure de péril imminent ; que la commune de La Tronche, condamnée par une ordonnance du 7 avril 2008 du juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble à verser, à titre de provision, la somme globale de 153 000 euros au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Les Hespérides, ainsi qu'à l'ensemble des copropriétaires, a saisi ledit Tribunal, le 7 juin 2008, d'une demande, présentée sur le fondement de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, tendant à ce que le montant définitif de sa dette à l'égard de la copropriété Les Hespérides et des copropriétaires soit fixé à la somme de 145 000 euros HT et à la condamnation des sociétés Spie Fondations, Seralp Infrastructure, maître d'oeuvre, devenue alors la société Egis Aménagement, et Fondasol, sous-traitante du maître d'oeuvre, à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ; que par un jugement n° 0802765 du 30 mars 2012, dont elle a fait appel par ailleurs, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes ; qu'elle a également saisi la même juridiction afin de contester une exclusion de garantie opposée par son assureur, la compagnie Axa France Iard, au titre d'une déclaration de sinistre relative aux dommages causés audit immeuble riverain par les travaux entrepris pour l'ouvrage de voirie et de condamnation de son assureur à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre au titre des dommages ainsi survenus pendant la période de garantie ; qu'elle fait appel du jugement n° 0801101-0903299 du 30 mars 2012 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à ce que soit déclarée infondée l'exclusion de garantie opposée par la compagnie AXA ;
2. Considérant qu'aux termes du 2ème alinéa de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur peut être déchargé, en tout ou en partie, de sa responsabilité envers l'assuré, quand la subrogation ne peut plus, par le fait de l'assuré, s'opérer en faveur de l'assureur " ;
3. Considérant que la fin des rapports contractuels, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, les constructeurs soient ultérieurement appelés en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation, alors même que ces dommages ne seraient ni apparents ni connus à la date de la réception ; qu'il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part ; que toutefois, si le dommage subi par le tiers trouve directement son origine dans des désordres affectant l'ouvrage objet du marché, la responsabilité de l'entrepreneur envers le maître d'ouvrage peut être recherchée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs ;
4. Considérant qu'ainsi que l'ont constaté les premiers juges, la réception des travaux en cause par la commune de La Tronche a été prononcée avec réserves le 12 septembre 2006 et la levée de réserves est intervenue le 5 février 2007, sans qu'aucune clause contractuelle n'ait prévu la prolongation de la responsabilité de l'entreprise après la réception et sans qu'il soit établi ni même allégué par ladite commune que seule une manoeuvre frauduleuse ou dolosive, imputable aux constructeurs, aurait conduit à cette réception sans réserve ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les dommages causés à l'immeuble de la copropriété Les Hespérides résulteraient de désordres affectant l'ouvrage objet du marché lui-même ; que, dès lors, la responsabilité des constructeurs ne peut plus être recherchée par la commune de La Tronche pour les dommages causés à l'immeuble de la copropriété Les Hespérides, que ce soit sur un fondement contractuel ou décennal et, par suite, la subrogation de l'assureur dans les droits de la commune à exercer de telles actions ne peut plus s'opérer, du fait de l'assuré, la commune de La Tronche, qui a prononcé la réception des travaux sans se réserver aucune possibilité d'exercer à l'encontre des constructeurs une action récursoire lui permettant de leur faire supporter tout ou partie de la charge des préjudices qu'il lui incombe de réparer au titre de dommages de travaux publics causés à des tiers, alors pourtant qu'elle ne pouvait ignorer les conséquences pour les tiers des travaux entrepris, dont elle avait informé son assureur, dès le 31 janvier 2006, par une déclaration de sinistre relative aux désordres apparus sur l'immeuble Les Hespérides ; qu'ainsi, la compagnie AXA France Iard était fondée à invoquer, comme elle l'a fait devant les premiers juges à titre subsidiaire, les dispositions précitées de l'article L. 121-12 du code des assurances, dont l'application n'est pas subordonnée à l'exigence d'un comportement fautif de l'assuré, aux fins d'être intégralement déchargée de sa responsabilité au titre du contrat d'assurance de responsabilité civile souscrit par la commune de La Tronche, le 1er janvier 2004, suite à la mise en oeuvre d'une procédure d'appel d'offres ouvert, pour une durée de 3 ans ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune de La Tronche n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de La Tronche la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par la compagnie AXA France Iard et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la commune de La Tronche est rejetée.
Article 2 : La commune de La Tronche versera la somme de 1 000 euros à la compagnie AXA France Iard au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de La Tronche et à la compagnie AXA France Iard.
Délibéré après l'audience du 13 février 2014 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président-assesseur,
M. Segado, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 mars 2014.
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N° 12LY01423