Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La région Hauts-de-France a demandé au tribunal administratif de Lille de condamner l'Etat à lui verser la somme de 5 915 051,57 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de préservation des enrochements de la digue Carnot à Boulogne-sur-Mer.
Par un jugement n° 1703513 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de la région.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 mars 2020 et le 19 juillet 2021, la région Hauts-de-France, représentée par Me Guillaume Carbonnier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 4 975 415,81 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de préservation des enrochements de la digue Carnot à Boulogne-sur-Mer ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code général des propriétés des personnes publiques ;
- la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aurélie Chauvin, présidente-assesseure,
- les conclusions de M. Bertrand Baillard, rapporteur public,
- et les observations de Me Simon Lescanne, représentant la région Hauts-de-France.
Considérant ce qui suit :
1. Par une convention signée le 22 décembre 2006, établie en application du III de l'article 30 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales et du décret du 6 décembre 2005 pris pour l'application de l'article 119 de cette loi, l'Etat a transféré à la région Nord-Pas-de-Calais, devenue la région Hauts-de-France, la propriété, l'aménagement, l'entretien et la gestion du port de Boulogne-sur-Mer à compter du 1er janvier 2007. La région Hauts-de-France relève appel du jugement du 31 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 5 915 051,57 euros TTC au titre des travaux de préservation des enrochements de la digue Carnot qu'elle a fait exécuter et pris en charge.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Lille a expressément répondu aux moyens soulevés par la requérante. En particulier, les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par les parties, tenant notamment à l'application de l'arrêté du 5 septembre 1966 définissant les limites administratives du port, n'ont pas omis de répondre au moyen tiré de ce que les enrochements en litige auraient été transférés avec le reste du port. Par suite, la région Hauts-de-France n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes des deux premiers alinéas du III de l'article 30 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales : " Pour chaque port transféré, une convention conclue entre l'Etat et la collectivité territoriale ou le groupement intéressé, ou, à défaut, un arrêté du ministre chargé des ports maritimes dresse un diagnostic de l'état du port, définit les modalités du transfert et fixe sa date d'entrée en vigueur. / La collectivité ou le groupement bénéficiaire du transfert succède à l'Etat dans l'ensemble de ses droits et obligations à l'égard des tiers. "
4. Aux termes des stipulations de l'article 2 de la convention de transfert du port de Boulogne-sur-Mer conclue en application de ces dispositions le 22 décembre 2006 entre l'Etat et la région : " Le port de Boulogne-sur-Mer a fait l'objet d'une délimitation administrative par arrêté préfectoral du 5 septembre 1966. Cet arrêté et le plan délimitant le périmètre transféré qui lui est annexé sont joints en annexe 2. 1. " Par ailleurs, aux termes de l'article 1. 2 de l'annexe 3.1.1 de cette convention, qui dresse l'inventaire des biens transférés du domaine public de l'Etat dans le patrimoine du bénéficiaire : " Les infrastructures du port de Boulogne-sur-Mer transférées sont les suivantes : / (...) La digue Carnot de 3 242 m, située à l'ouest du port, est constituée d'une muraille en maçonnerie fondée sur un cavalier en matériaux de carrière de granulométrie progressive de 0/400 kg pour le noyau à 219 T pour la première protection. Côté mer la protection de la digue est renforcée par des blocs artificiels de béton de poids 35 T et 50 T. / La caisse Carnot venant à l'extrémité de la digue du même nom, limite le sud de la passe d'entrée. / Construits entre 1880 et 1965 ces ouvrages qui sont en état moyen, nécessitent un entretien constant en particulier pour la digue Carnot qui subit les plus fortes tempêtes (reprise du parapet, injection dans le corps de digue et en fondation, réparations de la voie de roulement, rechargement de la carapace de protection extérieure, etc (...) ".
5. Si l'article 2 de la convention de transfert, ainsi que l'article 1.1 de l'annexe 3.1.1 rappellent les limites administratives du port de Boulogne-sur-mer fixées par arrêté du 5 septembre 1966 et le plan y annexé sur lequel figure une ligne rouge tracée au milieu de la muraille de la digue Carnot situant à l'extérieur du périmètre, la carapace de protection de la digue renforcée côté mer par des blocs artificiels en béton, il résulte toutefois des stipulations contractuelles de l'article 1.2 de l'annexe 3.1.1. citées au point précédent que les parties à la convention ont entendu inclure dans le transfert du port l'ensemble de la digue, en ce compris ces enrochements protecteurs situés au-delà des limites du plan annexé à l'arrêté du 5 septembre 1966 et dont l'état a été établi contradictoirement lors de la signature de la convention, le 22 décembre 2006. En outre, ces enrochements sont indissociables tant physiquement que fonctionnellement de la digue Carnot qu'ils renforcent et en constituent un accessoire indispensable. Il suit de là que les enrochements de la digue Carnot ont été transférés à la région Hauts-de-France à compter du 1er janvier 2007 au même titre que l'ensemble de l'ouvrage en cause, à l'exception des biens figurant aux annexes 3-2 et 3-2 b de la convention et qu'il appartient ainsi à la région Hauts-de-France d'en assurer l'entretien. La région Hauts-de-France n'est donc pas fondée à demander à l'Etat de prendre en charge une partie des travaux qu'elle a fait exécuter portant sur la digue Carnot en raison du défaut d'entretien desdits enrochements. De même n'est-elle pas fondée à engager la responsabilité de l'Etat sur le fondement du principe de la théorie de l'enrichissement sans cause.
6. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir soulevée par l'Etat, que la région Hauts-de-France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 5 915 051,57 euros toutes taxes comprises au titre des travaux de préservation des enrochements de la digue Carnot à Boulogne-sur-Mer. Par voie de conséquences, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la région Hauts-de-France est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la région Hauts-de-France, à la ministre de la transition écologique et à la ministre de la mer.
Copie sera adressée au préfet de la région Hauts-de-France.
2
N°20DA00414