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23/09/2022 | FRANCE | N°458666

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 23 septembre 2022, 458666


Vu la procédure suivante :

Mme C... A... épouse B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 15 septembre 2021 par laquelle la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " Résidence Emeraude Anne Laffont " l'a suspendue de ses fonctions à compter du 10 octobre 2021, et d'enjoindre à l'administration de la placer en congé de maladie à compter du 13 septembre 2021. Par un

e ordonnance n° 2105971 du 22 octobre 2021, le juge des référés a rejet...

Vu la procédure suivante :

Mme C... A... épouse B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de la décision du 15 septembre 2021 par laquelle la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " Résidence Emeraude Anne Laffont " l'a suspendue de ses fonctions à compter du 10 octobre 2021, et d'enjoindre à l'administration de la placer en congé de maladie à compter du 13 septembre 2021. Par une ordonnance n° 2105971 du 22 octobre 2021, le juge des référés a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un autre mémoire, enregistrés les 23 novembre 2021, 8 décembre 2021, 29 mars 2022 et 18 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... épouse B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Colomiers, du centre communal d'action sociale de Colomiers et de l'EHPAD " Résidence Emeraude Anne Laffont " la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grévy, avocat de Mme A... et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat du centre communal d'action sociale de Colomiers.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 septembre 2022, présentée par Mme A..., épouse B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Aux termes de l'article L. 522-3 du même code : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article L. 522-1 ".

2. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Toulouse que, par une décision du 15 septembre 2021 prenant effet le 10 octobre 2021, la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées (EHPAD) " Résidence Emeraude Anne Laffont ", géré par le centre communal d'action sociale de Colomiers (Haute-Garonne), a suspendu Mme A... épouse B..., aide-soignante en fonction au sein de cet établissement de santé, jusqu'à ce qu'elle satisfasse à l'obligation de vaccination contre la covid-19 prévue par l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. Mme A... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 22 octobre 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

3. En premier lieu, si Mme A... épouse B... avait soutenu devant le tribunal administratif que la décision litigieuse était intervenue au terme d'une procédure irrégulière au motif que les garanties attachées à la procédure disciplinaire n'auraient pas été respectées, elle n'invoquait pas la méconnaissance des dispositions du III de l'article 14 de la loi du 5 août 2021, relatives à l'information de l'agent public par l'employeur. Par suite, et alors que le juge des référés a retenu que le moyen tiré de la méconnaissance des garanties attachées à la procédure disciplinaire n'était pas de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision du 15 septembre 2021, Mme A... épouse B... n'est pas fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée serait entachée d'erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier en ce qu'elle aurait écarté un moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 14 de la loi du 5 août 2021.

4. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière applicable au litige et désormais repris aux articles L. 822-1 et suivants du code général de la fonction publique : " Le fonctionnaire en activité à droit : (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Le bénéfice de ces dispositions est subordonné à la transmission par le fonctionnaire, à son administration, de l'avis d'arrêt de travail justifiant du bien-fondé du congé de maladie, dans un délai et selon les sanctions prévues en application de l'article 42 ".

5. D'autre part, aux termes du I de l'article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire : " Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la covid-19 : / 1° Les personnes exerçant leur activité dans : / a) Les établissements de santé mentionnés à l'article L. 6111-1 du code de la santé publique (...) ". Et aux termes du III de l'article 14 de la même loi : " Lorsque l'employeur constate qu'un agent public ne peut plus exercer son activité en application du I, il l'informe sans délai des conséquences qu'emporte cette interdiction d'exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. L'agent public qui fait l'objet d'une interdiction d'exercer peut utiliser, avec l'accord de son employeur, des jours de congés payés. A défaut, il est suspendu de ses fonctions ou de son contrat de travail. La suspension mentionnée au premier alinéa du présent III, qui s'accompagne de l'interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que l'agent public remplit les conditions nécessaires à l'exercice de son activité prévues au I. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits acquis par l'agent public au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, l'agent public conserve le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit (...) ".

6. Il résulte de ces dispositions que si le directeur d'un établissement de santé public peut légalement prendre une mesure de suspension à l'égard d'un agent qui ne satisfait pas à l'obligation vaccinale contre la covid-19 alors que cet agent est déjà en congé de maladie, cette mesure et la suspension de traitement qui lui est associée ne peuvent toutefois entrer en vigueur qu'à compter de la date à laquelle prend fin le congé de maladie de l'agent en question.

7. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'à la date de la décision litigieuse, dont l'entrée en vigueur était différée au 10 octobre 2021, Mme A... épouse B... se trouvait en congé de maladie jusqu'au 18 septembre 2021. Par suite, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que le moyen tiré de ce que la décision de suspension sans traitement ne pouvait prendre effet avant la fin de son congé de maladie n'était pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, dont il était au demeurant loisible à l'intéressée de solliciter l'abrogation lorsque, postérieurement à cette décision, son congé de maladie a été prolongé.

8. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi de Mme A... épouse B... doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... épouse B... une somme à verser au centre communal d'action sociale de Colomiers au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme A... épouse B... est rejeté.

Article 2 : Les conclusions du centre communal d'action sociale de Colomiers présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme C... A... épouse B... et au centre communal d'action sociale de la Colomiers.

Copie en sera adressée au ministre de la santé et de la prévention.

Délibéré à l'issue de la séance du 1er septembre 2022 où siégeaient : Mme Fabienne Lambolez, assesseure, présidant ; M. Olivier Yeznikian, conseiller d'Etat et Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 23 septembre 2022.

La présidente :

Signé : Mme Fabienne Lambolez

La rapporteure :

Signé : Mme Ségolène Cavaliere

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 458666
Date de la décision : 23/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 sep. 2022, n° 458666
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Ségolène Cavaliere
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY ; SAS BOULLOCHE, COLIN, STOCLET ET ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2022:458666.20220923
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